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sur lesquels, tant qu'il est possible, nous ne devons laisser aucune sorte de souillure et vilenie. La netteté extérieure représente en quelque façon l'honnêteté intérieure. Dieu même requiert l'honnêteté corporelle en ceux qui s'approchent de ses autels, et qui ont la charge principale de la dévotion.

Quant à la matière et à la forme des habits, la bienséance se considère par plusieurs circonstances, du temps, de l'âge, des qualités, des compagnies et des occasions. On se pare ordinairement mieux ès jours de fêtes, selon la grandeur du jour qui se célèbre. En temps de pénitence comme en carême, on se démet bien fort; aux noces on porte les robes nuptiales, et aux assemblées funèbres les robes de deuil auprès des princes on rehausse l'état, lequel on doit abaisser entre les domestiques. La femme mariée se peut et doit orner auprès de son mari quand il le desire : si elle en fait de même en étant éloignée, on demandera quels yeux elle veut favoriser avec ce soin particulier. On permet plus d'affiquets aux filles, parce qu'elles peuvent loisiblement desirer d'agréer à plusieurs, quoique ce ne soit qu'afin d'en gagner un par un saint mariage. On ne trouve pas non plus mauvais que les veuves à marier se parent aucunement, pourvu qu'elles ne fassent point paroître de folâtreries, d'au

tant qu'ayant déjà été mères de famille, et passé par les regrets du veuvage, on tient leur esprit pour mûr et attrempé. Mais quant aux vraies veuves qui le sont, non-seulement de corps mais aussi de cœur, nul ornement ne leur est convenable, sinon l'humilité, la modestie et la dévotion; car si elles veulent donner de l'amour aux hommes, elles ne sont pas vraies veuves; et si elles n'en veulent pas donner, pourquoi en portent-elles les outils ? Qui ne veut recevoir les hôtes, il faut qu'il ôte l'enseigne de son logis. On se moque toujours des vieilles gens, quand ils veulent faire les jolis; c'est une folie qui n'est supportable qu'à la jeunesse.

Soyez propre, Philothée; qu'il n'y ait rien sur vous de traînant et mal agencé. C'est un mépris de ceux avec lesquels on converse d'aller entr'eux en habit désagréable; mais gardez-vous bien des afféteries, vanités, curiosités et folâtreries. Tenez -vous toujours, tant qu'il vous sera possible, du côté de la simplicité et modestie, qui est sans doute le plus grand ornement de la beauté, et la meilleure excuse pour la laideur. S. Pierre avertit principalement les jeunes femmes de ne porter point leurs cheveux tant crêpés, frisés, annelés et serpentés. Les hommes qui sont si lâches que de s'amuser à ces mugueteries, sont

par-tout décriés comme hermaphrodites; et les femmes vaines sont tenues pour imbécilles en chasteté au moins si elles en ont, elle n'est pas visible parmi tant de fatras et bagatelles. On dit qu'on n'y pense pas mal; mais je réplique comme j'ai fait ailleurs, que le diable y en pèse toujours. Pour moi, je voudrois que mon dévot et ma dévote fussent toujours les mieux habillés de la troupe, mais le moins pompeux et affectés; et, comme il est dit au proverbe, qu'ils fussent parés de grace, bienséance et dignité. S. Louis dit en un mot, que l'on se doit vêtir selon son état ; en sorte que les sages et bons ne puissent dire, vous en faites trop, ni les jeunes gens, vous en faites trop peu. Mais en ce cas les jeunes ne se veulent pas contenter de la bienséance, il se faut arrêter à l'avis des sages.

CHAPITRE XX V I.

Du parler, et premièrement comme il faut parler de Dieu.

Les médecins prennent une grande connoissance de la santé ou maladie d'un homme par l'inspection de sa langue; et nos paroles sont les vrais indices des qualités de nos ames.

Par tes paroles, dit le Sauveur, tu seras justifié, et par tes paroles tu seras condamné. Nous portons soudain la main sur la douleur que nous sentons, et la langue sur l'amour que nous avons.

Si donc vous êtes bien amoureuse de Dieu, Philothée, vous parlerez souvent de Dieu ès devis familiers que vous ferez avec vos domestiques, amis et voisins. Oui; car la bouche du juste méditera la sapience, et sa langue parlera le jugement. Et comme les abeilles ne démêlent autre chose que le miel avec leur petite bouchette, ainsi votre langue sera toujours emmiellée de son Dieu, et n'aura point de plus grande suavité que de sentir couler entre ses lèvres des louanges et bénédictions de son nom, ainsi qu'on dit de S. François, qui, prononçant le saint nom du Seigneur, suçoit et léchoit ses lèvres comme pour en tirer la plus grande douceur du monde.

Mais parlez toujours de Dieu comme de Dieu, c'est-à-dire, révéremment et dévotement : non point faisant la suffisante ni la prêcheuse, mais avec l'esprit de douceur, de charité et d'humilité, distillant autant que vous savez (comme il est dit de l'épouse au Cantique des Cantiques ) le miel délicieux de la dévotion et des choses divines goutte à goutte, tantôt dedans l'oreille de l'un, tantôt dedans

l'oreille de l'autre, priant Dieu au secret de qu'il lui plaise de faire sainte rosée jusques dans le cœur de ceux qui

votre ame,

vous écoutent.

passer cette

Sur-tout, il faut faire cet office angélique, doucement et souefvement, non point par manière de correction, mais par manière d'inspiration; car c'est merveille combien la suavité et amiable proposition de quelque bonne chose est une puissante amorce pour attirer les cœurs.

Ne parlez donc jamais de Dieu, ni de la dévotion par manière d'acquit et d'entretien, mais toujours avec attention et dévotion; ce que je dis, pour vous ôter une remarquable vanité qui se trouve en plusieurs qui font profession de dévotion, lesquels à tous propos disent des paroles saintes et ferventes par manière d'entregent, et sans y penser nullement; et après les avoir dites, il leur est avis qu'ils sont tels que les paroles témoignent; ce qui

n'est pas.

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