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sévère, âpre et rude; et les maris doivent souhaiter que leurs femmes soient dévotes; car sans la dévotion, la femme est grandement fragile et sujette à déchoir ou ternir en la vertu. S. Paul a dit : Que l'homme infidèle est sanctifié par la femme fidelle, et la femme infidelle par l'homme fidèle; parce qu'en cette étroite alliance du mariage, l'un peut aisément tirer l'autre à la vertu ; mais quelle bénédiction est-ce, quand l'homme et la femme fidèles se sanctifient l'un l'autre en une vraie crainte du Seigneur ?

Au demeurant, le support mutuel de l'un pour l'autre doit être si grand, que jamais tous deux ne soient courroucés ensemble, et tout-à-coup, afin qu'entr'eux il ne se voie de la dissention et du débat. Les mouches à miel ne peuvent s'arrêter en lieu où les échos, retentissemens, et redoublemens de voix se font ; ni le Saint-Esprit certes en une maison en laquelle il y ait du débat, des répliques et redoublemens de crieries et altercations.

S. Grégoire de Nazianze témoigne que de son temps les mariés faisoient fête au jour anniversaire de leurs mariages. Certes, j'approuverois que cette coutume s'introduisît, pourvu que ce ne fût point avec des appareils de récréations mondaines et sensuelles; mais que les maris et femmes confessés et communiés en

ce jour-là, recommandassent à Dieu plus fervemment qu'à l'ordinaire le progrès de leur mariage, renouvelant les bons propos de le sanctifier de plus en plus par une réciproque amitié et fidélité; et reprenant haleine en NotreSeigneur, pour le supporter des charges de leur vocation.

CHAPITRE XX X I X.

De l'honnêteté du lit nuptial.

Le lit nuptial doit être immaculé, comme l'Apôtre l'appelle, c'est-à-dire exempt d'impudicités, et autres souillures profanes. Aussi le saint mariage fut premièrement institué dedans le paradis terrestre, où jamais jusqu'à l'heure il n'y avoit eu aucun déréglement de la concupiscence ni chose déshonnête.

Il y a quelque ressemblance entre les voluptés honteuses, et celles du manger; car toutes deux regardent la chair, bien que les premières, à raison de leur véhémence brutale, s'appellent simplement charnelles. J'expliquerai donc ce que je ne puis pas dire des unes, par ce que je dirai des autres.

1. Le manger est ordonné pour conserver les personnes. Or, comme manger simplement pour nourrir et conserver la personne est une

bonne chose, sainte et commandée; aussi ce qui est requis au mariage pour la production des enfans, et la multiplication des personnes est une bonne chose et très-sainte; car c'est la fin principale des noces.

II. Manger, non point pour conserver la vie, mais pour conserver la mutuelle conversation et condescendance que nous nous devons les uns aux autres, c'est chose grandement juste et honnête; et de même la réciproque et légitime satisfaction des parties au saint mariage est appelée par S. Paul, devoir; mais devoir si grand, qu'il ne veut pas que l'une des parties s'en puisse exempter sans le libre et volontaire consentement de l'autre, non pas même pour les exercices de la dévotion; ce qui m'a fait dire le mot que j'ai mis au chapitre de la sainte communion pour ce regard: combien moins donc peut-on s'en exempter pour des capricieuses prétentions de vertu, ou pour les colères et dédains ?

III. Comme ceux qui mangent pour le devoir de la mutuelle conversation doivent manger librement, et non comme par force; et de plus s'essayer de témoigner de l'appétit : aussi le devoir nuptial doit être toujours rendu fidellement, franchement, et tout de même comme si c'étoit avec espérance de la production des enfans, encore que pour quel

que

occasion on n'eût

pas telle espérance. IV. Manger, non point pour les deux premières raisons, mais simplement pour contenter l'appétit, c'est chose supportable, mais non pas pourtant louable; car le simple plaisir de l'appétit sensuel ne peut être un objet suffisant pour rendre une action louable, il suffit bien si elle est supportable.

v. Manger, non point par simple appétit, mais par excès et déréglement, c'est chose plus ou moins vitupérable, selon que l'excès est grand ou petit.

VI. Or, l'excès du manger ne consiste pas seulement en la trop grande quantité, mais aussi en la façon et manière de manger. C'est grand cas, chère Philothée, que le miel si propre et salutaire aux abeilles, leur puisse néanmoins être si nuisible, que quelquefois il les rend malades comme quand elles en mangent trop au printemps; car cela leur donne le flux de ventre, et quelquefois il les fait mourir inévitablement comme quand elles sont emmiellées par le devant de leur tête et de leurs ailerons. A la vérité le commerce nuptial qui est si saint, si juste, si recommandable, si utile à la république, est néanmoins en certain cas dangereux à ceux qui le pratiquent; car quelquefois il rend leurs ames grandement malades de péché véniel, comme

il arrive par les simples excès; et quelquefois il les fait mourir par le péché mortel, comme il arrive lorsque l'ordre établi pour la production des enfans est violé et perverti; auquel cas, selon qu'on s'égare plus ou moins de cet ordre, les péchés se trouvent plus ou moins exécrables, mais toujours mortels; car d'autant que la procréation des enfans est la première et principale fin du mariage, jamais on ne peut loisiblement se départir de l'ordre qu'elle requiert ; quoique pour quelqu'autre accident elle ne puisse pas pour lors être effectuée, comme il arrive quand la stérilité, ou la grossesse déjà survenue, empêchent la production et génération : car en ces occurrences le commerce corporel ne laisse pas de pouvoir être juste et saint, moyennant que les règles de la génération soient suivies : aucun accident ne pouvant jamais préjudicier à la loi, que la fin principale du mariage a imposée. Certes, l'infâme et exécrable action qu'Onam faisoit en son mariage étoit détestable devant Dieu, ainsi que dit le sacré texte du trente-huitième chapitre de la Genèse. Et bien que quelques hérétiques de notre âge, cent fois plus blâmables que les cyniques (desquels parle S. Jérôme sur l'Épître aux Éphésiens) aient voulu dire que c'étoit la perverse intention de ce méchant qui déplaisoit à Dieu : l'Écriture tou

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