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via, et à toutes ces autres dames qui furent si heureuses que d'être filles spirituelles d'un si grand père; car il ne se peut rien ajouter à ce qu'il leur dit, sinon cet avertissement, que la vraie veuve ne doit jamais ni blâmer ni censurer celles qui passent aux secondes, ou même troisièmes et quatrièmes noces ; car en certains cas Dieu en dispose ainsi pour sa plus grande gloire ; et faut toujours avoir devant les yeux cette doctrine des anciens, que ni la viduité ni la virginité n'ont point de rang au ciel, que celui qui leur est assigné par l'humilité.

CHAPITRE XL I.

Un mot aux Vierges.

O vierges! je n'ai à vous dire que ces trois mots, car vous trouverez le reste ailleurs. Si vous prétendez au mariage temporel, gardez donc jalousement votre premier amour pour votre premier mari. Je pense que c'est une grande tromperie de présenter au lieu d'un cœur entier et sincère, un cœur tout usé, frelaté et tracassé d'amour. Mais si votre bonheur vous appelle aux chastes et virginales no. ees spirituelles, et qu'à jamais vous veuilliez

conserver votre virginité : ô Dieu ! conservez votre amour le plus délicatement que vous pourrez pour cet époux divin, qui étant la pureté même, n'aime rien tant que la pureté, et à qui les prémices de toutes choses sont dues, mais principalement celles de l'amour : les épîtres de S. Jérôme vous fourniront tous les avis qui vous sont nécessaires; et puisque votre condition vous oblige à l'obéissance, choisissez une guide sous la conduite de laquelle vous puissiez plus saintement dédier votre cœur et votre corps à sa divine majesté.

QUATRIÈME PARTIE,

contenant les avis nécessaires contre les tentations plus ordinaires.

CHAPITRE PREMIER.

Qu'il ne faut point s'amuser aux paroles des enfans du monde.

Tour aussi-tôt que les mondains s'appercevront que vous voulez suivre la vie dévote, ils décocheront sur vous mille traits de leur cajollerie et médisance : les plus malins calomnieront votre changement d'hypocrisie, bigoterie et artifice: ils diront que le monde vous a fait mauvais visage, et qu'à son refus vous recourez à Dieu; vos amis s'empresseront à vous faire un monde de remontrances fort prudentes et charitables à leur avis. Vous tomberez, diront-ils, en quelque humeur mélancolique, vous perdrez crédit au monde, vous vous rendrez insupportable, vous vieillirez devant le temps, vos affaires domestiques en pâtiront: il faut vivre au monde comme au

monde, on peut bien faire son salut sans tant de mystères, et mille telles bagatelles.

Ma Philothée, tout cela n'est qu'un sot et vain babil, ces gens - là n'ont nul soin ni de votre santé, ni de vos affaires : Si vous étiez du monde, dit le Sauveur, le monde aimeroit tout ce qui est sien ; mais parce que vous n'êtes pas du monde, pourtant il vous hait. Nous avons vu des gentilshommes et des dames passer la nuit entière, ains plusieurs nuits de suite à jouer aux échecs et aux cartes : y a-t-il une attention plus chagrine, plus mélancolique, et plus sombre que celle-là ? Les mondains néanmoins ne disoient mot; les amis ne se mettoient point en peine; et pour la méditation d'une heure, ou pour nous voir lever un peu plus matin qu'à l'ordinaire pour nous préparer à la communion, chacun court au médecin pour nous faire guérir de l'humeur hypocondriaque et de la jaunisse. On passera trente nuits à danser, nul ne s'en plaint; et pour la veille seule de la nuit de Noël chacun tousse et crie au ventre le jour suivant. Qui que le monde est un juge inique, gracieux et favorable pour ses enfans, mais âpre et rigoureux aux enfans de Dieu ?

ne voit

Nous ne saurions être bien avec le monde " qu'en nous perdant avec lui. Il n'est pas possible que nous le contentions; car il est trop

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mangeant ni buvant, et vous dites qu'il est endiablé : le fils de l'homme est venu en mangeant et buvant, et vous dites qu'il est Samaritain. Il est vrai, Philothée, si nous nous relâchions par condescendance à rire, jouer, danser avec le monde, il s'en scandalisera ; si nous ne le faisons pas, il nous accusera d'hypocrisie ou mélancolie; si nous nous parons, il l'interprétera à quelque dessein; si nous nous démettons, ce sera pour l'utilité de cœur : nos gaîtés seront par lui nommées dissolutions, et nos mortifications tristesses; et nous regardant ainsi de mauvais œil, jamais nous ne pouvons lui être agréables. Il agrandit nos imperfections, et publie que ce sont des péchés ; de nos péchés véniels il en fait des mortels, et nos péchés d'infirmité, il les convertit en péchés de malice; au lieu que, comme dit S. Paul, la charité est bénigne, au contraire le monde est malin; au lieu que la charité ne pense point de mal, au contraire, le monde pense toujours mal; et quand il ne peut accuser nos actions, il accuse nos intentions: soit que les moutons aient des cornes qu'ils n'en aient point, qu'ils soient blancs, ou qu'ils soient noirs, le loup ne laissera pas de les manger s'il peut.

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Quoi que nous fassions, le monde nous fera

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