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quelque chose à son honneur; car ceux qui aiment Dieu, aiment avec Dieu l'ornement de sa maison.

XI. Sauriez-vous remarquer d'avoir quitté quelque affection, et renoncé à quelque chose pour Dieu ? car c'est un bon signe d'amour, de se priver de quelque chose en faveur de celui qu'on aime. Qu'avez-vous donc ci-devant quitté pour l'amour de Dieu ?

CHAPITRE V.

Examen de votre état envers vous-même.

COMMENT Vous aimez-vous vous-même, vous aimez-vous point trop pour ce monde ? Si cela est, vous desirerez de demeurer toujours ici, et aurez un extrême soin de vous établir en cette terre; mais si vous vous aimez pour le ciel, vous desirerez, au moins acquiescerez aisément de sortir d'ici-bas à l'heure qu'il plaira à Notre-Seigneur.

II. Tenez-vous bon ordre en l'amour de vous-même ? car il n'y a que l'amour désordonné de nous-mêmes qui nous ruine. Or, l'amour ordonné veut que nous aimions plus l'ame que le corps, que nous ayons plus de soin d'acquérir les vertus que toute autre chose; que nous tenions plus de compte de

l'honneur céleste que de l'honneur bas et caduc. Le cœur bien ordonné dit plus souvent en soi-même : Que diront les anges, si je pense à telle chose? que non pas : Que diront les hommes ?

III. Quel amour avez-vous à votre cœur?

vous fâchez-vous point de le servir en ses maladies? Hélas! vous lui devez ce soin de se secourir et faire secourir quand ses passions le et laisser toutes choses pour

tourmentent

cela.

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IV. Que vous estimez vous devant Dieu ? rien sans doute: or, il n'y a pas grande humilité en une mouche de ne s'estimer rien au prix d'une montagne, ni en une goutte d'eau de se tenir pour rien en comparaison de la mer, ni à une bluette ou étincelle de feu de se tenir pour rien au prix du soleil; mais l'humilité gît à ne point nous surestimer aux autres et à ne vouloir pas être surestimés par les autres. A quoi en êtes-vous pour ce regard?

v. Quant à la langue, vous vantez-vous point ou d'un biais ou d'un autre ? vous flattez-vous point en parlant de vous ?

VI. Quant aux œuvres, prenez-vous point de plaisir contraire à votre santé : je veux dire de plaisir vain, inutile, trop de veilles sans sujet, et semblables.

CHAPITRE VI.

Examen de l'état de notre ame envers le prochain,

Il faut bien aimer le mari et la femme d'un amour doux et tranquille, ferme et continuel, et que ce soit en premier lieu, parce que Dieu l'ordonne et le veut. J'en dis de même des enfans et proches parens, et encore des amis, chacun selon son rang.

Mais pour parler en général, quel est votre cœur à l'endroit du prochain? l'aimez - vous bien cordialement et pour l'amour de Dieu ? Pour bien discerner cela, il vous faut bien représenter certaines gens ennuyeux et maussades; car c'est là où on exerce l'amour de Dieu envers le prochain, et beaucoup plus envers ceux qui nous font du mal ou par effet ou pár paroles. Examinez bien si votre cœur est franc en leur endroit, et si vous avez grande contradiction à les aimer.

Êtes-vous point prompte à parler du prochain en mauvaise part, sur-tout de ceux qui ne vous aiment pas ? faites-vous point de mal au prochain ou directement ou indirectement ? pourvu que vous soyez raisonnable, vous vous en appercevrez aisément.

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Examen sur les affections de notre ame.

J'AI étendu ainsi au long ces points, en l'examen desquels gît la connoissance de l'avancement spirituel qu'on a fait; car quant à l'examen des péchés, cela est pour les confessions de ceux qui ne pensent point à s'avancer.

Or il ne faut pas néanmoins se travailler sur un chacun de ces articles, sinon tout doucement, considérant en quel état notre cœur a été touchant iceux, dès notre résolution, et quelles fautes notables nous y avons commises.

Mais pour abréger le tout, il faut réduire l'examen à la recherche de nos passions; et s'il nous fâche de considérer si fort par le menu, comme il a été dit, nous pouvons ainsi nous examiner quels nous avons été, et comme nous nous sommes comportés :

En notre amour envers Dieu, envers le prochain, envers nous-mêmes :

En notre haine envers le péché qui se trouve en nous, envers le péché qui se trouve ès autres; car nous devons desirer l'exterminement de l'un et de l'autre : en nos desirs touchant les biens, touchant les plaisirs, touchant les honneurs :

En la crainte des dangers de pécher, et des pertes des biens de ce monde; on craint trop l'un, et trop peu l'autre :

En espérance trop mise, peut-être, au monde et en la créature, et trop peu mise en Dieu et ès choses éternelles :

En la tristesse, si elle est trop excessive pour choses vaines :

En la joie, si elle est excessive, et pour choses indignes.

Quelles affections enfin tiennent notre cœur empêché; quelles passions le possèdent, en quoi s'est-il principalement détraqué.

par

Car les passions de l'ame, on reconnoît son état en les tâtant l'une après l'autre; d'autant que comme un joueur de luth pinçant toutes les cordes, celles qu'il trouve dissonnantes, il les accorde, ou les tirant ou les lâchant : ainsi après avoir tâté l'amour, la haine, le desir, la crainte, l'espérance, la tristesse et la joie de notre ame, si nous les trouvons mal accordantes à l'air que nous voulons sonner, qui est la gloire de Dieu, nous pourrons les accorder moyennant sa grace et le conseil de notre Père spirituel.

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