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et d'une simple appréhension toute mentale et spirituelle, en la présentation de ces mystères, ou bien de considérer que les choses se font en votre propre esprit, mais cela est trop subtil pour le commencement; et jusques à ce que Dieu vous élève plus haut, je vous conseille, Philothée, de vous retenir en la basse vallée que je vous montre.

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Des considérations, seconde partie de la méditation.

APRÈS l'action de l'imagination, s'ensuit l'action de l'entendement, que nous appelons méditation, qui n'est autre chose qu'une ou plusieurs considérations faites, afin d'émouvoir nos affections en Dieu, et aux choses divines, en quoi la méditation est différente de l'étude et des autres pensées et considérations, lesquelles ne se font pas pour acquérir la vertu ou l'amour de Dieu, mais pour quelques autres fins et intentions, comme pour devenir savant, pour en écrire ou disputer. Ayant donc enfermé votre esprit, comme j'ai dit, dans l'enclos du sujet que vous voulez méditer, ou par l'imagination, si le sujet est sensible, ou par la simple proposition, s'il est insensible, vous commencerez à faire sur icelui

des considérations, dont vous verrez des exemples tous formés ès méditations que je vous ai données. Que si votre esprit trouve assez de goût, de lumière et de fruit sur l'une des considérations, vous vous y arrêterez sans passer plus outre, faisant comme les abeilles, qui ne quittent point la fleur, tandis qu'elles y trouvent du miel à recueillir. Mais si vous ne rencontrez pas selon votre souhait en l'une des considérations, après avoir un peu marchandé et essayé, vous passerez à une autre; mais allez tout bellement et simplement en cette besogne sans vous y empresser.

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Des affections et résolutions: troisième partie de la méditation.

La méditation répand des bons mouvemens en la volonté ou partie affective de notre ame, comme sont l'amour de Dieu et du prochain, le desir du paradis et de la gloire, le zèle du salut des ames, l'imitation de la vie de Notre-Seigneur, la compassion, l'admiration, la réjouissance, la crainte de la disgrace de Dieu, du jugement et de l'enfer, la haine du péché, la confiance en la bonté et miséricorde de Dieu, la confusion pour notre mauvaise vie passée; et en ces affections notre esprit se

doit épancher et étendre le plus qu'il lui sera possible. Que si vous voulez être aidée pour cela, prenez en la main le premier tome des Méditations de dom André Capilia, et voyez sa préface; car en icelle il montre la façon avec laquelle il faut dilater ses affections; et plus amplement le père Arias en son Traité de l'Oraison, de la seconde partie.

Il ne faut pas pourtant, Philothée, s'arrêter tant à ces affections générales, que vous ne les convertissiez en des résolutions spéciales et particulières pour votre correction et amendement. Par exemple, la première parole que Notre-Seigneur dit sur la croix, répandra sans doute une bonne affection d'imitation en votre ame, à savoir le desir de pardonner à vos ennemis, et de les aimer. Or, je dis maintenant que cela est peu de chose, si vous n'y ajoutez une résolution spéciale de cette sorte. Or sus donc , je ne me piquerai plus de telles paroles fâcheuses, qu'un tel et une telle, mon voisin ou ma voisine, mon domestique ou ma domestique, disent de moi, ni de tel et tel mépris qui m'est fait par cetui-ci ou cetui-là : au contraire, je dirai et ferai telle et telle chose pour le gagner et adoucir, et ainsi des autres. Par ce moyen, Philothée, vous corrigerez vos fautes en peu de temps,

là où par les seules affections vous le ferez tard et mal aisément.

CHAPITRE

VI I.

De la conclusion et bouquet spirituel. ENFIN, il faut conclure la méditation par trois actions, qu'il faut faire avec le plus d'humilité que l'on peut. La première, c'est l'action de graces, remerciant Dieu des affections et résolutions qu'il nous a données, et de sa bonté et miséricorde, que nous avons découvertes au mystère de la méditation. La seconde, c'est l'action d'offrande, par laquelle nous offrons à Dieu sa même bonté et miséricorde, la mort, le sang et les vertus de son fils, et conjointement avec icelles nos affections et résolutions.

La troisième action est celle de la supplication, par laquelle nous demandons à Dieu, et le conjurons de nous communiquer les graces et vertus de son Fils, et de donner la bénédiction à nos affections et résolutions, afin que nous les puissions fidèlement exécuter: puis nous prions de même pour l'église, pour nos pasteurs, parens, amis et autres, employant à cela l'intercession de Notre-Dame, des anges, des saints: enfin, j'ai remarqué qu'il falloit dire le Pater noster, et Ave Maria, qui

est la générale et nécessaire prière de tous les fidèles.

A tout cela, j'ai ajouté qu'il falloit cueillir un petit bouquet de dévotion. Ceux qui se sont promenés en un beau jardin, n'en sortent pas volontiers sans prendre en leur main quatre ou cinq fleurs pour les odorer, et tenir le long de la journée; ainsi notre esprit ayant discouru sur quelque mystère par la méditation, nous devons choisir un, ou deux, ou trois points que nous aurons trouvés plus à notre goût, et plus propres à notre avancement, pour nous en ressouvenir le reste de la journée, et les odorer spirituellement. Or, cela se fait sur le lieu même auquel nous avons fait la méditation, en nous y entretenant ou promenant solitairement quelque temps après.

CHAPITRE

VIII.

Quelques avis très-utiles sur le sujet de la méditation.

Il faut sur-tout, Philothée, qu'au sortir de votre méditation, vous reteniez les résolutions et délibérations que vous aurez prises pour les pratiquer soigneusement ce jour-là. C'est le grand fruit de la méditation, sans lequel elle est bien souvent, non-seulement inutile, mais nuisible, parce que les vertus mé

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