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salive vénéneuse? Pourquoi ne pas appeler aussi hydrophobes ceux qui ont cette répugnance, cette difficulté à avaler, déterminées par toute autre cause? . . . Un enfant mourut hydrophobe pour avoir mangé une grande quantité de fruits de hêtre mal cuits."

L'axiôme nemo dat quod non habet doit, selon M. Girard, recevoir ici son application; et la maladie appelée rage doit être effacée, comme bien d'autres, de la liste des maladies contagieuses, et même le mot rage devrait être remplacé par le seul mot tétanos.

Il faut lire dans l'ouvrage de M. Girard toutes les observations qu'il rapporte à l'appui de son opinion, pour regarder ainsi que lui comme erreurs et préjugés les idées reçues sur la nature de la rage; mais il aura rendu un grand service s'il peut persuader les praticiens et diminuer dans le peuple la crainte de la rage: les effets au moins seront moins graves si les malades ne croient plus à la contagion et considèrent leurs blessures comme de simples déchirures dont il suffit de calmer l'irritation.

M. Girard, regardant la rage comme une maladie locale, a conséquemment beaucoup plus de confiance aux opérations externes qu'aux remèdes internes. Les morsures, dit-il, faites par les animaux qui ont les dents longues, aiguës,' crochues, sont quelquefois profondes, tortueuses; le fond imite une piqûre: c'est à cette forme de la plaie qu'il faut attribuer tous les accidens rabiens, Le meilleur moyen, pour éviter ces accidens, consiste à faire de cette plaie compliquée une plaie simple, de manière que le fond en soit parfaitement à découvert : on y peut parvenir en fendant la plaie dans toute son étendue avec un instrument tranchant, ou en la cautérisant, soit en appliquant un caustique qui en détruise toute la texture, soit avec de la poudre à canon dont on remplit exactement la plaie, et à laquelle on met le feu; soit encore en introduisant dans les sinus faits par les dents de l'animal des tentes de charpie trempées dans

des caustiques, tels que la potasse pure, la soude, l'alcali volatil ou le muriate d'antimoine. Il est prudent de mettre dans la plaie, dès que l'escarre sera tombée, des pois d'Iris ou des boules de bois de gentiane que l'on renouvellera tous les jours et pendant tout le tems convenable pour maintenir la suppuration.

--Si, quand la plaie est cicatrisée, l'état du sujet donne de l'inquiétude, s'il fait des rêves effrayans, s'il éprouve une sensation à la partie mordue, à la cicatrice, qui prend une teinte particulière, alors M. Girard conseille d'appliquer un bandage compressif au membre, suivant la méthode de Théden, pour empêcher la communication nerveuse de la partie mordue avec le cerveau. Après l'application de cette ligature, il veut qu'on brûle de nouveau la plaie, soit avec un bouton de feu, soit avec un caustique; quelquefois l'application du moxa sur la blessure est préférable.

Lorsque les spasmes, les convulsions se sont emparés du malade, rien ne pourrait les faire cesser, à ce qu'il semble à M. Girard, comme l'application de la glace, ou un mé➡ lange d'eau froide et de vinaigre sur la tête, le visage, l'estomac du malade et sur la partie mordue. L'auteur cite, à ce sujet, plusieurs exemples de guérisons dues à l'eau froide et à la glace. Les saignées, les bains, les calmans, les anti-spasmodiques, les évacuans, doivent aussi quelquefois, selon lui, faire partie du traitement; mais il renvoie, pour la manière de les administrer, aux Recherches sur la Rage, par M. Andry. Il observe seulement qu'il faut bannir tous les remèdes proposés pour expulser du corps ou pour annihiler le prétendu virus rabifique, tels que les frictions mercurielles, etc.; mais il faut s'attacher à calmer l'imagination du malade en lui inspirant de la sé¬ curité. La crainte détermine souvent les accidens qu'on attribue à la contagion: Papon l'a observé dans la peste de Lyon, en 1628 et 1629. Des femmes, dit-il, au bruit de la sonnette attachée au tombereau pour avertir les passans de

s'éloigner, tombèrent sans vie, d'autres périrent de frayeur en entendant sonner la prière de quarante heures; mais une femme épousa successivement six maris en peu de tems, et les enterra tous pestiférés, sans avoir elle-même pris la peste.

Des moyens de reconnaitre la présence des miasmes putrides;

PAR M. CAdet.

DEPUIS plusieurs siècles on attribue généralement une partie des maladies épidémiques endémiques ou contagieuses à l'existence des miasmes ou germes de corruption dissous ou suspendus dans l'air atmosphérique. Ces miasmes, trop subtils pour être saisis par nos sens, n'avaient pu être encore soumis à l'expérience; aussi beaucoup de personnes les regardaient-elles comme des molécules hypothétiques imaginées pour expliquer certains phénomènes dont la cause était encore inconnue. Les physiciens ont employé tous les moyens eudiométriques pour manifester la présence des miasmes, sans pouvoir les rendre sensibles par l'analyse. L'air des hôpitaux, des prisons, des marais, a toujours paru contenir à-peu-près les mêmes principes que l'air le plus respirable. Cependant on a acquis la certitude qué cet air, qui ne paraissait pas vicié, était vrai– ment délétère : les fameuses assises d'Oxford offrent un exemple terrible des effets rapides des miasmes putrides. Beaucoup d'autres malheurs du même genre ne laissent plus de doute sur la formation de ces germes destructeurs dans les lieux où des individus malades ou sains sont accumulés, sur-tout pendant des saisons chaudes et humides. MM. Thenard et Dupuytrein ont fait, il y a deux ou trois ans, une expérience qui a jeté beaucoup de lumières sur l'existence des miasmes. Ils ont agité de l'eau distillée avec

(1) Papon, tome 1, page 173 et suivantes.

du gaz hydrogène carboné tiré de substances minérales : cette eau, laissée à l'air et en repos, ne s'est pas troublée, et peu-à-peu s'est dépouillée de son gaz hydrogène sans se corrompre. La même expérience, faite avec du gaz hydrogène carboné provenant de la putréfaction animale, a offert un autre résultat. L'eau s'est troublée, il s'y est formé des flocons d'une matière vraiment animale qui s'est précipitée par le repos, et le liquide s'est putréfié. Ainsi, quoique le gaz fût le même aux yeux du physicien, le dernier contenait manisfestement des miasmes qui donnèrent naissance aux flocons observés et à la putréfaction de l'eau.

M. Moscati, célèbre médecin italien, a fait des expériences analogues qui ne sont pas moins curieuses. Ayant observé que la récolte du riz, dans les rizières humides de la Toscane, donnait tous les ans lieu d'observer des maladies épidémiques, des fièvres adynamiques, etc., il conçut le désir de connaître la nature des vapeurs qui s'élevaient de la terre, dans les marais où l'on cultive le riz. Il suspendit, à quelque distance du sol, des sphères creuses remplies de glace. Les vapeurs vinrent se condenser sur les sphères sous la forme de givre : il recueillit cette matière dans des flacons, où elle se fondit et présenta d'abord un liquide clair. Bientôt il se remplit de petits flocons qui, réunis et analysés, offrirent tous les caractères d'une matière animale. Le liquide, au bout de quelque tems, se putréfia. M. Moscati fit le même essai dans un hôpital, en suspendant les sphères de glace au-dessus de plusieurs malades; mêmes phénomènes, même résultat. Ces expérences, d'un grand intérét, devraient être répétées et suivies on pourrait les varier, les multiplier, les comparer; et établir par elles la théorie de la contagion qui a lieu sans contact immédiat. On pourrait aussi examiner l'altération qu'éprouvent les miasmes quand on a recours dans les hôpitaux aux fumigations guytonniennes. C. L. C.

Secours à administrer dans les empoisonnemens, d'après la méthode de M. DUPUYTREIN;

PAR M. FELIX CADET fils.

TOUTES les fois qu'une substance délétère, introduite dans le tube digestif, met en danger la vie, soit en détruisant l'organisation des parties, soit en exaltant une propriété vitale, on sait que les secours sont d'autant plus salutaires qu'ils sont plus prompts, qu'il est des cas même où un secours pour ainsi dire immédiat est le seul qui réussisse. Dans ces circonstances pressantes, on court le chercher indistinctement chez une personne de l'art; on va même de préférence chez le pharmacien, parce que c'est aller directement au remède. Sans empiéter sur le domaine de la médecine, il suffit d'avoir les connaissances requises en pharmacie pour administrer ces secours; mais en général pour le pharmacien, comme pour le medecin, voici quelles difficultés se présentent.

On ignore le plus souvent quel poison a été pris; les symptômes caractéristiques de chaque espèce n'étant pas très-distincts, le choix des remèdes est embarrassant. Cependant, le principal objet étant d'abréger le séjour du poison dans l'estomac, on doit procurer de promptes évacuations, soit par le haut, soit par le bas.

Pour faciliter le vomissement donne-t-on les émétiques? Si l'empoisonnement est l'effet d'un émétique lui-même, on redoublera le mal évidemment. Fait-on boire au malade l'eau tiède en abondance? Cette eau divise bien le poison, mais elle séjourne, et son séjour est nuisible tant que l'estomac n'a pas fait les efforts nécessaires pour expulser ce qu'il contient, efforts d'autant plus pénibles qu'il est d'ailleurs très-douloureusement affecté, et que le cardia et l'œsophage sont très-resserrés. L'expérience prouve

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