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régence, que la déclaration de Louis XIII lui donnoit. Mais le duc d'Enghien ne s’en tint pas à la neutralité de son père, et il y eut un moment où on le crut absolument livré à la cabale des Importans.

Ce guerrier, plus fait pour la franchise des camps que pour le manège des Cours, et à qui ses fautes et ses malheurs n'ont pu ôter le nom de Grand, venoit, à 22 ans de " gagner la bataille de Rocroi, et de remporter une victoire qui auroit illustré un vieux général. Don Francisco de Melos vainqueur du maréchal de Grammont à Honnecourt, s'étoit promis cette année de plus grands succès. Ne projetant pas moins que l'envahissement de la Champagne, il leva ses quartiers de bonne heure et investit Rocroy. Cette ville, située au milieu d'une vaste plaine," étoit entourée de bois et de marais, et on ne pouvoit y pénétrer que par un défilé. Si Don Francisco eût défendu ce passage, peut-être eût-il arrêté le prince et forcé la place après quelques assauts. Mais la confiance d'avoir bonmarché des Français, sous un général de vingt ans, lui fit laisser à dessein une issue libre jusqu'à lui; seulement, pour ne pas négliger les moyens d'assurer la

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1643.

Campagne de Flandre.

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victoire, il avoit mandé au général Beck de le venir joindre.

Le duc d'Enghien avoit été nommé en même temps au commandement de l'armée de Flandre et au gouvernement de Champagne. A ce double titre, il tenoit à déshonneur de se laisser enlever Rocroi, et il se hâtoit avec l'intention de pousser vigoureusement les Espagnols, lorsqu'il reçut la nouvelle de la mort du roi et l'ordre de ne rien. hasarder. Les mêmes avis avoient été adressés à l'Hôpital, maréchal de Fitri, qu'on lui avoit donné pour modérateur: mais autant celui-ci, d'après ses instructions, mettoit d'obstacles aux mesures qui pouvoient amener une bataille, autant le jeune prince, qui ne partageoit pas la circonspection du vieux maréchal, usoit d'adresse pour le faire tomber lui-même dans la nécessité de la livrer. Il ne témoigna d'abord que le dessein de jeter du secours dans Rocroi. Vitri, persuadé que le défilé seroit gardé, et qu'il ne résulteroit de cette tentative qu'une simple affaire de poste, n'y apporta pas d'opposition, mais sa prudence fut mise en défaut par les combinaisons présomptueuses de l'ennemi. La tête de l'armée ayant

passé sans trouver de résistance, ce
fut pour
le reste une nécessité de la
soutenir, et quand toute l'armée fut
dans la plaine, ce fut encore une autre
nécessité d'y demeurer, car la retraite
eût été plus périlleuse que le combat.
Il fallut même se hâter d'attaquer pour
prévenir la jonction du général Beck
qui étoit attendu à chaque moment par
les Espagnols, et qui eût ajouté à la
supériorité du nombre qu'ils avoient
déjà. Le jeune duc faisoit ses disposi-
tions en conséquence, lorsque l'im-
prudence du marquis de la Ferté,
qui, sans ordre, essaya de faire péné-
trer un secours dans Rocroi, découvrit
son aile gauche et pensa le mettre dans
l'impossibilité de prévenir sa défaite.
Le prince, à la place du général espa-
gnol, n'eût pas manqué une pareille
occasion de battre son adversaire
c'est même à ce coup d'oeil si vif, qui
lui faisoit saisir sur-le-champ les fautes
de l'ennemi pour en profiter, qu'il dut
par la suite la majeure partie de ses
succès; mais don Francisco crut que
les siens seroient plus assurés, s'il atten-
doit Beck pour agir, et cette prudence
intempestive fut le salut de l'armée
française. Cependant le temps nécessaire
pour y rétablir l'ordre, força le due

et

1543.

1643. d'Enghien à différer la bataille et à la remettre au lendemain 19 mai, cinquième jour depuis la mort de Louis XIII. Soit lassitude, soit sécurité, dormit profondément en attendant le combat, et il fallut l'éveiller à la pointe du jour, comme autrefois Alexandre à Arbelles.

Bataille de

Rocroi.

il

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L'armée espagnole comptoit dixhuit mille fantassins et huit mille cavaliers. L'armée française, moins forte de trois mille hommes de pied, et de mille chevaux, s'ébranla néanmoins la première. Le duc commandoit la droite, Vitri la gauche, et Sirot baron de Viteaux, dont la bravoure étoit renommée pour avoir fait le coup de pistolet avec trois rois et avoir percé d'une balle le chapeau de Gustave Adolphe, conduisoit la réserve. Le prince, après avoir parcouru les rangs, harangué le soldat et l'avoir encouragé à étrenner la couronne du jeune roi, donna le signal du combat en assaillant de front la cavalerie qui lui étoit opposée, tandis que Gassion, son bras droit, et qui avoit eu son secret, prenoit cette même cavalerie en flanc " après avoir dispersé un parti de mousquetaires qui la couvroit. Cette double attaque la mit promptement en déroute.

Le prince laissant à son lieutenant le 1643. soin de la poursuivre, et de l'empêcher de se rallier, rabat sur l'infanterie allemande, italienne et valonne ; ces corps, malgré le désavantage du lieu, soutiennent avec courage les charges de la cavalerie, mais ils finissent par céder. Le maréchal de Vitri n'étoit pas aussi heureux à la gauche. Sa cavalerie partie au grand galop, et toute essoufflée quand elle atteignit l'ennemi, fut repoussée avec une perte considérable. Blessé lui-même au milieu de ses efforts pour rétablir le combat, il crut la bataille perdue, et fit dire à Sirot d'aviser à la retraite. Non, non, répondit celui-ci, la bataille n'est pas perdue, car Sirot n'a pas donné, et le duc d'Enghien vit encore. Il se hâte en même temps de donner avis à ce dernier de la détresse de son aile gauche, et avec les forces inégales de la réserve, il maintient le combat jusqu'à l'arrivée du prince, qui aussitôt qu'il est instruit, tournant par-derrière les bataillons espagnols, fond à l'improviste sur leur cavalerie victorieuse, mais débandée et la dissipe en un instant.

Il ne restoit de l'armée que les fameuses bandes espagnoles, corps d'infanterie formidable, entièrement com

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