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lui faire agréer les motifs de préférence pour l'Espagne, dont la paix si nécessaire aux deux royaumes, étoit le principal. La duchesse en convint, et n'en pleura pas moins. La princesse Marguerite, qui n'avoit fait ce voyage qu'à contre-cœur, et pour ne pas désobliger sa mère, souffrit ce coup avec une fermeté qui lui mérita l'estime de tout le monde Le duc de Savoie affecta une indifférence qu'il n'avoit pas, et delà peut-être sa conduite équivoque avec Louis XIV pendant tout leur règne. Les deux Cours, en se séparant, se donnèrent tous les témoignages d'une sincère amitié, et regagnèrent chacune leur capitale.

1658.

Marie Man

1659.

On entama aussitôt la négociation Séparation avec l'Espagne. Elle fut livrée aux du roi et de agens subalternes, jusqu'à ce que les cini. premiers ministres des deux royaumes les jugeassent assez avancées pour se donner l'honneur de la conclusion " et en l'attendant, une trève fut conclue jusqu'au mois de juillet. Pendant le travail des négociateurs, travail dont le mariage avec l'infante devoit être nécessairement le fruit, Mazarin, sentant qu'il ne convenoit pas de laisser à Marie, sa nièce, des espérances dont elle et lui peut-être s'étoient bercés, l'envoya à

1659.

Conférences

FLisans.

Brouage, dans un couvent où il avoit placé ses autres nièces. La séparation des deux amans fut douloureuse et les adieux touchans; le jeune monarque ne put retenir ses larmes. Vous pleurez, lui dit Marie avec un air de tendresse, vous pleurez, vous êtes roi, et je pars. La conduite du cardinal en cette occasion plut beaucoup à la reine, qui appréhendoit que la passion de son fils, si elle étoit entretenue par la présence de l'objet qui l'inspiroit, ne préparât des chagrins à l'infante sa nièce.

A la fin de juillet le cardinal quitta de l'Isle des la Cour, qui voyageoit à petites jour nées dans les parties méridionales de la France. Celle d'Espagne s'avançoit avec la même mesure vers le lieu choisi pour les conférences qui devoient mettre le dernier sceau au traité de paix déjà très-avancé. Ce lieu étoit une petite ile, nommée l'Ile des Faisans, placée au milieu de la rivière de Bidassoa, qui sépare les deux royaumes. On y construisit des bâtimens propres à recevoir les plénipotentiaires, Mazarin et don Louis de Haro. Ils s'y rendirent dans le mois d'août. Le rôle qu'ils avoient à y joner étoit bien different. Le Français représentoit un jeune mo narque, vainqueur des factions qui

avoient agité sa minorité, déjà décoré de la gloire militaire, embarassé non pas de se faire restituer des provinces, mais seulement de choisir entre ses conquêtes celles qu'il voudroit retenir. L'Espagnol au contraire traitoit pour un roi qui n'étoit, pour ainsi dire assis que sur les débris du trône de ses ancêtres.

Quelle différence entre l'Espagne de Philippe IV et l'Espagne de Philippe II! Celle-ci possédoit les Pays-Bas dans leur totalité; elle dominoit dans la plus grande partie de l'Italie; aux couronnes de Naples et de Sicile, elle joignoit celle de Portugal, et comptoit les Deux-Indes entre ses possessions. L'Espagne de Philippe IV, attaquée avec succès par les Hollandais, ses anciens sujets, privée du sceptre de Portugal, ne tenant plus que d'une main débile celui de Naples et de Sicile, entamée par les Français sur toutes ses frontières, et morcelée enfin en Asie et en Amérique, ne présentoit plus que le cadavre de son ancienne puissance, sous un prince indolent qui n'étoit pas insensible à ses pertes, mais qui s'en consoloit en les oubliant.

On pourroit le comparer à ces prodigues qui voient sans souci les brèches

1659.

ComparaiFrance et l'Espagne.

son entre la

1659.

Intention

tentiaires.

faites à leur fortune, dans l'espérance qu'un riche mariage les réparera. Ainsi Philippe IV sollicité plusieurs fois par la France d'accepter une paix qui, dans quelques circonstances auroit pn n'être pas trop désavantageuse, s'y étoit toujours refusé, malgré ses revers, se flattant qu'un jour viendroit où l'on seroit trop heureux de lui restituer tout pour la main de l'infante sa fille; mais Mazarin se promettoit bien de ne pas acheter ce mariage par des sacrifices.

Si l'on peut juger de l'intention que des plénipo- portèrent les deux ministres à la conférence par leurs actions, on croira que le cardinal se flattoit d'embarasser l'Espagnol dans ses propres ruses, de le forcer dans les retranchemens de sa circonspection, et de l'amener sans contrainte aux cessions qu'il desiroit. don Louis, de son côté, se promettoit de fatiguer l'activité de Mazarin par une patience inaltérable, et de la déconcerter par sa froide cunctation. Tous deux en effet étoient supérieurement doués des talens qu'ils se promettoient de mettre en œuvre. Don Louis ne donnoit jamais de paroles positives; et Mazarin n'en donnoit que d'équi

voques.

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