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sures pour augmenter la facilité du transit des navires de commerce entre la mer Rouge et la Méditerranée ». La députation des Chambres de Commerce demandait que le Gouvernement fît des démarches afin d'obtenir une part de contrôle dans les affaires du Canal proportionnée à l'importance du Commerce anglais; la députation des armateurs insistait sur la nécessité de créer un nouveau canal.

La réponse de Lord Granville aux desiderata formulés par les deux députations, peut se résumer de la manière sui

vante :

Le Ministre, après avoir constaté l'importance des questions qui lui étaient soumises, exprima tout d'abord sa satisfaction de ce que les délégués, tout en formulant certaines plaintes sur l'état du Canal et tout en étant d'accord sur les perfectionnements qu'ils croyaient nécessaires, sans cependant émettre les mêmes recommandations, s'étaient abstenus, des deux parts, de prononcer une seule parole d'hostilité déraisonnable à l'égard de la Compagnie.

Quant à sa réponse aux demandes des députations, elle se trouvait facilitée, disait-il, en ce qui le concernait, par le fait que le Gouvernement avait examiné soigneusement la question du Canal et était arrivé à une conclusion préliminaire que, quant à lui, il approuvait entièrement: Le Gouvernement — déclarait Lord Granville - pensait que les responsabilités qu'il assumait alors en Egypte ne lui fournissaient pas de motif d'engager le Cabinet, plus que dans d'autres circonstances, dans des entreprises industrielles générales.

Le Ministre se disait disposé à admettre qu'il pourrait y avoir des travaux particuliers ainsi que des circonstances spéciales qui pourraient être traitées exceptionnellement, et que le Gouvernement pourrait être appelé à prendre en considération. Il admettait cependant, qu'en pareille éventualité, les projets devaient être mùris de manière à pouvoir être soumis à son appréciation et qu'on ne demanderait pas à connaître ses vues comme devant servir de bases à appliquer, soit aux actionnaires, soit au Gouvernement égyptien.

Le Gouvernement, ajoutait le Ministre, avait examiné très attentivement la question; mais les délégués devaient se rendre parfaitement compte des grandes complications qui s'y rattachaient. Il y avait là des questions compliquées, d'un caractère légal; d'autres, d'ordre international; des questions techniques, des questions concernant même les désirs des Egyptiens, comme aussi la question de savoir comment le commerce universel, dans lequel l'Angleterre prenait une si large part, pourrait être le plus avantagé.

ENTRE LE GOUVERNEMENT ANGLAIS ET LA COMPAGNIE

Dans ces circonstances, disait le Ministre en terminant, le Gouvernement ne pouvait attacher trop d'importance au fait de posséder toutes les informations que des hommes au courant des affaires pratiques se rattachant au Canal étaient à même de lui fournir.

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AVIS DES DIRECTEURS DU CONTENTIEUX DU GOUVERNEMENT ÉGYPTIEN, DU 7 MAI 1883, SUR LA QUESTION DE SAVOIR SI LA CONCESSION DE LESSEPS CONSTITUAIT UN MONOPOLE DE VOIE DE COMMUNICATION PAR EAU ENTRE LA MÉDITERRANÉE ET LA MER ROUGE.

En même temps que la question d'établissement d'un second canal était agitée en Angleterre, les Directeurs du Contentieux du Gouvernement égyptien étaient consultés sur la question suivante :

«La concession de Lesseps constitue-t-elle un monopole qui interdise à tout jamais au Gouvernement de Son Altesse la faculté d'établir une nouvelle voie de communication. par eau entre la Méditerranée et la mer Rouge?

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Et ils formulèrent leur avis le 7 mai 1883, comme suit:

Considérant que l'effet des concessions est de soumettre un seul particulier ou une association à l'obligation de construire et d'entretenir à ses frais, risques et périls, un ouvrage d'utilité publique, moyennant l'abandon, pour un temps déterminé, de l'exercice de droits qui ont le plus ordinairement pour objet la perception d'un péage; que le Gouvernement ne donne donc et le concessionnaire ne reçoit, pour indemnité de ses travaux et dépenses, que l'autorisation de percevoir certaines taxes; que ces taxes sont tout le prix de l'entreprise pour le particulier ou l'association qui s'est chargée de l'exécuter; que, par suite, la position du concessionnaire n'est autre que celle de l'adjudicataire qui a mené à fin son entreprise, à cette différence près que celui-ci est payé par le versement de la somme stipulée, tandis que celui-là doit trouver son prix dans les produits d'une taxe à percevoir; que, dès lors, la taxe et le droit de la percevoir, voilà ce qui reste au concessionnaire. Pour lui, tout est là. Que s'il s'agit de déterminer les garanties et la protection qui lui sont dues, c'est à ce droit, dans la nature qui vient de lui être assignée, qu'il faut se rapporter; que s'il s'agit, au contraire, d'expliquer et de justifier les pouvoirs de protection, de conservation et de disposition attribués au Gouvernement, c'est encore à ce droit qu'il faut se rattacher;

Considérant que l'octroi à un particulier ou à une association d'une

concession dont le but est identique à une précédente concession est manifestement de nature, par le seul effet de la concurrence, à diminuer l'usage et, partant, le produit des taxes du travail d'utilité publique, c'est-à-dire à porter atteinte, par le fait du Gouvernement, aux conditions mêmes de l'entreprise;

Considérant que, dans le silence du cahier des charges, on peut admettre qu'une concession préexistante ne met pas obstacle à une concession nouvelle réclamée par l'utilité publique, mais que ce tempérament est corrélatif aux droits essentiels et primordiaux du pouvoir souverain; qu'il est même généralement subordonné à l'exercice de ce pouvoir, par voie législative, et qu'il ne s'applique en réalité qu'avec l'assentiment ou à la suite d'arrangements spéciaux intervenus entre le Gouvernement et les intéressés;

Considérant au surplus que la proposition soumise à l'examen des Directeurs du contentieux ne présente aucune de ces conditions, soit qu'on considère les faits eux-mêmes, soit qu'on considère les rapports de la Compagnie universelle du Canal maritime de Suez avec le Gouvernement égyptien, rapports qui sont et demeurent régis par les principes du droit commun et notamment par les dispositions de l'article 7 du Code civil égyptien;

Considérant que les actes constitutifs de la Compagnie universelle du Canal maritime de Suez ne laissent aucun doute sur la pensée absolue des vice-rois d'Egypte et de M. de Lesseps, d'accomplir une œuvre unique excluant toute idée d'entreprise rivale; que cette pensée s'explique par la grandeur du projet et par les obstacles de tout genre qui lui étaient opposés; qu'elle devient plus éclatante encore par le concours et les concessions extraordinaires donnés par le Gouvernement égyptien; qu'ainsi il n'est jamais question de l'exécution d'un canal, mais bien de « l'exécution du Canal maritime de Suez »; et, ailleurs, « du grand Canal maritime de Suez à Péluse ; qu'il serait aisé de rapprocher plusieurs expressions du même genre, concourant toutes à témoigner de la pensée absolue d'une œuvre unique; que le firman de S. M. Impériale le Sultan a été conçu et écrit sous l'empire de cette même pensée; que le caractère universel donné à la Société corrobore ces considérations;

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Considérant que si la concession donnée à M. Ferdinand de Lesseps n'est pas qualifiée de monopole dans les actes constitutifs, elle y est déterminée et expliquée en termes qui seraient vides de sens s'ils n'avaient point cette signification. Telle est l'incontestable portée du préambule du premier acte de concession: « Notre ami, M. Ferdinand de Lesseps, ayant appelé notre attention sur les avantages qui résulteraient pour l'Egypte de la jonction de la mer Méditerranée et de la mer Rouge par une voie navigable pour les grands navires et nous ayant fait connaitre la possibilité de constituer à cet effet une Compa

ENTRE LE GOUVERNEMENT ANGLAIS ET LA COMPAGNIE

gnie formée de capitalistes de toutes les nations, nous avons accueilli les combinaisons qu'il nous a soumises et lui avons donné par les présentes pouvoir exclusif de constituer et de diriger une Compagnie universelle pour le percement de l'isthme de Suez et l'exploitation d'un Canal entre les deux mers >> ;

Considérant que la concession de Lesseps, dans les conditions particulières d'existence et de fonctionnement de la Compagnie universelle du Canal maritime de Suez, n'est pas exclusive du droit éminent de l'Etat agissant dans l'intérêt public en vue d'obtenir des travaux additionnels ou modificatifs; que ce droit est incontestable et que la Compagnie a l'obligation d'en tenir compte dans ses rapports avec l'Etat ; Considérant que la durée de la Société et de la concession est fixée par l'article 16 de l'acte du 5 janvier 1856;

Estiment:

Que, dans la mesure de la réserve contenue au présent avis relativement à l'exercice du droit éminent de l'Etat dans les questions d'utilité publique, la concession de Lesseps constitue un monopole qui interdit, pendant sa durée, la création d'une nouvelle voie de communication par eau entre la mer Méditerranée et la mer Rouge.

§3.- EXPOSÉ DES VUES DE LA COMPAGNIE SUR LA QUESTION D'UN SECOND CANAL, PRÉSENTÉ PAR M. DE LESSEPS DANS SON RAPPORT A L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES ACTIONNAIRES DU 4 JUIN 1883 (Résumé).

Dans son rapport à l'Assemblée générale des actionnaires du 4 juin 1883, le Président de la Compagnie fit un exposé complet des vues du Conseil d'administration sur la question d'établissement d'un second canal.

Après avoir rappelé les termes de la délibération de la Commission des travaux du 9 janvier 1883, approuvée le même jour par le Conseil d'administration, M. de Lesseps s'exprimait ainsi :

Nous vous ferons remarquer, Messieurs, que cette délibération si complète porte la signature des trois représentants du Gouvernement de la Reine dans le sein du Conseil. Nous ajouterons, que le Conseil ayant à désigner trois de ses membres pour faire partie de la Commission des travaux, deux administrateurs anglais furent choisis.

Nous sommes heureux d'avoir à déclarer, ici, que nos relations constantes avec nos collègues anglais n'ont cessé un seul instant d'être des plus cordiales, et que c'est en plein accord que nous avons étudié, que nous étudions et que nous réaliserons les grands projets

que comporte le développement progressif de l'œuvre que vous avez accomplie.

Il a été dit que le Gouvernement de S. M. Britannique voudrait, dans l'intérêt exclusif de la marine anglaise augmenter vos charges ou diminuer vos revenus, en essayant de vous imposer, soit des travaux d'amélioration excessifs, soit des diminutions de taxes. A ceux qui, de l'autre côté du détroit, ont osé, dans l'intérêt de leurs manœuvres déplorables, insinuer que le Gouvernement anglais irait jusqu'à favoriser une violation flagrante de vos droits, nous répondrons par une citation d'un journal anglais, le Times, qui disait au mois de décembre dernier : « Il ne faut jamais oublier, quand on parle des rapports de l'Angle<< terre avec la Compagnie, qu'elle est gouvernée par un traité, au nom « de Sa Majesté, et que, tant qu'il n'est pas déchiré et il n'est pas

<«< au pouvoir de l'une ou l'autre des parties de le déchirer — c'est précisément au Gouvernement anglais, si le traité était en danger, << qu'incomberaient le droit et le devoir de le défendre. »

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Ce traité, Messieurs, qui porte la signature des représentants autorisés de la Reine d'Angleterre ; qui, par l'intervention du Gouvernement anglais lui-même, a été sanctionné par les Puissances; que vous avez revêtu enfin de votre approbation, prévoit de grands travaux, qui s'exécutent actuellement, et des détaxes de tarif qui sont en cours d'application.

Et c'est avant que ces travaux ne soient achevés, avant que les détaxes consenties ne soient terminées, lorsque nous étudions, avec le concours loyal des représentants de la Reine, des projets d'avenir, que le Gouvernement anglais favoriserait un attentat à votre droit écrit, à vos prétentions légitimes! Cela serait impossible; et, d'ailleurs, nous vous l'affirmons, cela n'est pas.

Ce traité, cette convention du 21 février 1876, est, avec notre acte de concession, notre loi.

L'acte de concession a donné à votre Président un pouvoir exclusif à l'effet de constituer et diriger une Compagnie universelle pour le percement du Canal maritime, de la mer Méditerranée à la mer Rouge. Tel est votre droit d'origine.

Le traité de 1876, dont le caractère est international, a fixé les dépenses d'amélioration à votre charge; il a arrêté les décroissances de tarif; il a ainsi constitué définitivement les conditions de votre exploitation.

Mais, dans la plénitude de votre droit, et à la condition qu'on le respecte, sans admettre une autre influence que celle d'une intervention loyale, amicale, ayant en vue un but universel, votre Conseil se préoccupera toujours, et dans une mesure égale, des intérêts des armateurs et des intérêts de ses actionnaires. Il a la conscience de n'avoir ailli à son mandat, ni envers les uns ni envers les autres.

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