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gnie, pour pouvoir ne comprendre que 8 membres anglais dans la Commission consultative de 22 membres qu'il avait convoquée, et qui devait se réunir le 16 juin;

D'autre part, on n'ignorait pas que, depuis plusieurs années, le Gouvernement égyptien s'opposait à l'exécution du canal d'eau douce d'Ismaïlia à Port-Saïd. Or, par une note que les représentants du Gouvernement de la Reine dans le Conseil avaient remise officiellement à la Compagnie, ils l'informaient que «< le Gouvernement de la Reine était en communication avec le Gouvernement égyptien, avec le désir de trouver une solution favorable de la question de la construction dudit canal dans des conditions qui assureraient à la ville de Port-Saïd un approvisionnement suffisant d'eau douce, tout en permettant l'arrosage des terrains entre Ismaïlia et Port-Saïd.

Au sujet de la quetion du rétablissement du nombre des administrateurs à 32, le Président crut devoir également, dans son Rapport, insister à nouveau sur les avantages qu'il voyait dans la participation des armateurs et négociants anglais à l'administration des affaires de la Compagnie.

Comme l'avaient été les représentants de la Reine dans le Conseil dit-il, notamment les représentants de la marine et du commerce anglais ne seraient pas seulement des individualités ayant le mandat unique de surveiller l'exécution du programme consenti; propriétaires chacun de 100 actions inaliénables, et partageant personnellement et solidairement avec tous les autres membres du Conseil les responsabilités de leur gestion, un intérêt nouveau, favorable aux actionnaires, viendrait se joindre à leur intérêt exclusif d'armateurs et de négociants. Intéressés à voir les recettes s'accroître, pour voir les détaxes arriver le plus rapidement possible, ils s'appliqueraient avec leurs collègues français à n'autoriser que les dépenses strictement nécessaires et à ne faire ces dépenses qu'au fur et à mesure des besoins réels; et ils aideraient puissamment la Compagnie à augmenter ses recettes accessoires, à exécuter et à exploiter le canal d'eau douce d'Ismaïlia à Port-Saïd, à développer son domaine que les difficultés de sa situation ne lui avaient pas permis jusqu'alors d'utiliser aussi largement qu'elle l'eût désiré. Avec ces représentants de la marine et du négoce britanniques dans le sein du Conseil, nombre de questions très importantes comme, par exemple, celle des « perceptions différentielles pourraient être abordées sans trouble, sans animosité, alors que, dans l'état d'antagonisme où l'on était nécessairement, elles devenaient des sujets ou des prétextes de discorde.

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Enfin, il importait de considérer que l'entreprise du Canal, qui était

ENTRE LA COMPAGNIE ET LES ARMATEURS ANGLAIS

et devait rester purement industrielle, ne pouvait progresser que si elle était tenue en dehors des surprises de la politique. Jusqu'alors, l'intérêt universel avait protégé l'œuvre; mais, avec l'ardeur légitime qui poussait les nations européennes à diriger leur activité vers l'Asie, il était devenu nécessaire d'éloigner du canal maritime tout ce qui pourrait susciter des conflits.

Il n'appartenait pas au Président de supputer les vues des Gouvernements européens qui, à propos des affaires d'Egypte, échangeaient pour le moment des bases d'entente ou de règlements internationaux. Mais si, dans ces règlements, la neutralité du canal, inscrite dans l'acte de concession, devait être visée, on ne pouvait méconnaître l'importance exceptionnelle de l'entente intervenue avec les armateurs anglais, approuvée par le Gouvernement de Sa Majesté Britannique, et qui avait donné à l'œuvre la consécration de son caractère exclusivement industriel et commercial, en l'écartant définitivement des discussions et prétentions qui surgissent des contrats politiques.

Enfin, après avoir rappelé la déclaration suivante faite par M. Gladstone, dans la séance de la Chambre des Communes du 30 août 1883, en réponse à une question du chef de l'opposition, Sir S. Northcote, demandant à connaître les intentions et les vues du Gouvernement sur la suite que comportait l'affaire du Canal:

«Le désir du Gouvernement était que les classes commerciales «< elle-mêmes, qui, sous bien des rapports, étaient meilleurs juges de « ces questions qu'aucun gouvernement ne pouvait l'être, pussent être «<et fussent pour et par elles-mêmes mises en contact direct avec le pouvoir dirigeant du Canal. Ce que le Gouvernement espérait et désirait, et il croyait que ce serait la meilleure marche à suivre en « vue d'une solution satisfaisante de la question, c'était qu'il y eût des «< communications entre les autorités de la Compagnie et les intérêts «< commerciaux de l'Angleterre, et, si cela était nécessaire, ceux des « autres pays. »

Le Président faisait remarquer que l'entrée des sept armateurs ou négociants anglais dans le sein du Conseil était la réalisation du sage désir exprimé par le Gouvernement de Sa Majesté Britannique; que c'était là le contact direct, purement commercial, qui donnait à l'entreprise, et définitivement, son caractère exclusivement industriel et pacifique; et il exprimait l'assurance que le Gouvernement français partageait à ce point de vue l'opinion formulée par le Premier Ministre du Gouvernement anglais.

La modification de l'article 24 des statuts rétablissant le nombre des administrateurs à 32, fut finalement votée par

l'Assemblée à la majorité de 2.608 voix contre 556 et 3 bulletins blancs. (Les statuts exigeaient l'approbation des deux tiers des voix représentées à l'Assemblée, soit, un vote favorable de 2.112 voix, sur un nombre total de 3.167.)

§ 6.

DEUXIÈME DÉTAXE DE 0 fr. 50, DÉCIDÉE EN EXÉCUTION DU PROGRAMME DE LONDRES, POUR ÊTRE APPLIQUÉE A PARTIR DU 1o JAN

VIER 1893.

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L'article 8 du programme de Londres stipule ainsi qu'on se le rappelle qu'après la première détaxe de 0 fr. 50 sur le chiffre statutaire de 10 francs par tonne pour être appliquée à partir du 1er janvier 1885, lorsque le revenu des actionnaires s'élèvera à plus de 18 0/0, ou 90 francs, une nouvelle réduction dans le droit de transit devra se faire sur la base de la moitié de l'excédent de ce revenu de 18 0/0.

Ce ne fut qu'en 1891 que le revenu net distribué aux actionnaires atteignit pour la première fois et même dépassa notablement 18 0/0 : Le compte des dépenses et recettes de cet exercice, accompagnant le rapport du Président de la Compagnie à l'Assemblée générale des actionnaires du 31 mai 1892, montre que le revenu brut des actionnaires. pour ledit exercice se trouva être de 112 fr. 14, et le revenu net, impôts déduits, de 105 fr. 50.

En présence de ce résultat, la question d'une nouvelle détaxe, par application du programme de Londres, s'imposait à l'examen du Conseil d'administration de la Compagnie.

Le Président, dans son Rapport à l'Assemblée, donna à ce sujet les explications suivantes:

Bien que l'article 34 des statuts disait le Rapport attribuât au Conseil d'administration les modifications du droit de navigation, le Conseil, sans vouloir se soustraire aux devoirs qui lui étaient ainsi imposés, tenait pourtant à recueillir l'expression des opinions des actionnaires afin de maintenir entre eux et lui ces liens intimes si indispensables à la bonne marche de l'entreprise et à sa prospérité.

ENTRE LA COMPAGNIE ET LES ARMATEURS ANGLAIS

Depuis plus de huit ans, dans chacune des réunions de l'Assemblée, on avait entendu développer sous toutes ses faces la question de savoir si les abaissements de tarif représentaient une perte sans compensation possible, ou si, au contraire, ils concouraient à l'accroissement du trafic et, par conséquent, du revenu des actionnaires'. Il était, en effet, permis de se demander comment, seule parmi les entreprises basées sur le transport des marchandises, la Compagnie de Suez pourrait à la fois consolider les résultats acquis et préparer son développement en conservant ses taxes dans un état d'intégralité immuable.

Mais, en dehors des considérations économiques sur les effets d'une diminution de tarif, il en existait d'autres d'un ordre différent, dont l'importance ne saurait être méconnue, et qui devaient être soumises aux réflexions de l'Assemblée.

Il s'agissait, en effet, après la grande élévation de revenus dont les actionnaires bénéficiaient sur le dernier exercice, de prendre une décision de nature à avoir, suivant le système qui prévaudrait, les conséquences les plus graves pour l'avenir de la Compagnie ou les plus heureuses pour la consolidation, non seulement des revenus acquis aux actionnaires, mais des revenus encore plus importants que l'on avait le droit d'espérer par la suite.

Le Président ne pouvait pas ne pas se reporter à l'origine de la concession, qui, faisait-il remarquer, avait été accordée aux actionnaires dans le but de leur assurer, en cas de succès, une richesse qui fut la rémunération légitime des risques qu'ils assumaient en accomplissant

1. Depuis l'adoption du programme de Londres par l'Assemblée générale des actionnaires dans sa réunion du 12 mars 1884, un certain groupe d'actionnaires n'avait pas cessé, à chaque nouvelle réunion, de demander l'annulation de ce programme et le retour à l'ancien état de choses.

Notamment, dans l'Assemblée du 4 juin 1890, divers actionnaires s'étaient fait les interprètes des doléances et des revendications du groupe en question, prétendant que, depuis les détaxes, les recettes n'augmentaient plus avec la même rapidité que dans les périodes précédentes; que, cependant, toutes les entreprises maritimes étaient prospères; que la plupart des Compagnies de navigation qui alimentaient le trafic du Canal touchaient des dividendes énormes, que la valeur de leurs titres montait sans cesse, tandis que ceux de Suez restaient stationnaires ou reculaient. Finalement, il demandaient la suppression des détaxes.

M. Ch. de Lesseps, Vice-Président de la Compagnie, répondit à toutes ces allégations. Après avoir réfuté celles concernant la prospérité générale des entreprises maritimes, arrivant à la question des détaxes, il présenta les considérations suivantes :

Il posait, en principe que, quand on avait affaire à une cliente comme l'Angleterre, qui fournissait à elle seule 80 0/0 du trafic total, il était légitime de lui faire des concessions; que cela était même utile; que, dans le monde entier, toutes les entreprises de transports étaient entrées dans cette voie et

une œuvre réputée impossible; et, en même temps, de doter le monde d'une voie nouvelle destinée à multiplier, à faciliter, à rendre sans cesse plus accessibles les échanges entre les peuples des divers continents.

Pour tenir compte de ce double point de vue, principale raison d'être du respect dont jouissait la Compagnie et qui constituait sa force, le Conseil ne devait consentir à des diminutions de tarif qu'autant que les avantages à faire au public ne vinssent ni détruire les avantages obtenus ni paralyser le progrès ultérieur et rationnel.

Tel était déclara le Président l'ordre d'idées dont le Conseil se proposait de s'inspirer pour statuer, quand le moment serait venu, sur une diminution de tarif applicable le 1er janvier 1893 et équivalant à 0 fr. 50 par tonne, chiffre égal à celui qui avait été appliqué antérieurement sans empêcher le revenu de grandir jusqu'au point qu'il venait d'atteindre en 1891.

En terminant ses explications, le Président exprimait la confiance que l'Assemblée continuerait au Conseil cet appui qui lui était si nécessaire pour maintenir l'entreprise dans la voie la plus favorable aux véritables intérêts des actionnaires.

Après la lecture du rapport du Président, des oppositions s'étant produites de la part de divers membres de l'Assemblée, les unes contre la proposition même de réduction du tarif, d'autres, tout en admettant le principe des réductions,

que, partout, un accroissement de trafic avait correspondu à une réduction du prix des transports.

Ce n'était pas, d'ailleurs, la première fois que la Compagnie avait fait des réductions. Les réductions étaient prévues dans l'acte même de concession. Ces réductions de taxe n'avaient pas été nuisibles: après une période de stagnation, les recettes n'avaient pas cessé d'aller en croissant, si bien que, pour l'année 1889, le dividende proposé était de 91 fr. 05.

On n'avait donc pas perdu autant qu'on le prétendait à désarmer l'opposition menaçante de l'Angleterre.

L'Angleterre, d'ailleurs, de son côté, se montrait en cette affaire raisonnable et courtoise. Les armateurs anglais qui figuraient dans le Conseil d'administration l'avaient bien montré. Il avait été stipulé que nulle réduction de taxe ne serait possible tant que le dividende ne dépasserait pas 90 francs par titre. Or, cette année, le dividende était de 91 fr. 05. Allaientils, épiloguant sur le programme de 1883, réclamer une nouvelle réduction? On l'eût pu craindre. Au contraire, tous spontanément, ils avaient interprété le programme en ce sens que, par 90 francs, « il fallait entendre 90 francs » nets d'impôts >>.

L'Assemblée générale des actionnaires, en approuvant le rapport du Président par 1244 voix contre 200 et 30 bulletins blancs, repoussa par cela même la motion des opposants tendant à la suppression des détaxes.

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