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En effet, toute cette agglomération dans les lieux saints d'individus complètement dénués de ressources et de moyens d'existence constitue le plus grand danger pour le développement de toutes maladies, surtout du choléra. D'autre part, les pèlerins qui, à tort ou à raison, se déclarent indigents, ne contribuent pas aux recettes sanitaires du Hedjaz, puisqu'ils ne payent pas les taxes sanitaires, tout en augmentant de beaucoup les dépenses.

Les Gouvernements néerlandais, français et austro-hongrois ont adopté à cet égard une réglementation qui a produit de bons résultats.

«

Les pèlerins néerlandais doivent avant le départ avertir le chef de district qui examine s'ils possèdent l'argent nécessaire pour le voyage et pour l'entretien de leurs familles. Ils doivent, en tout cas, avoir au moins disponible une somme de 1,000 francs. Tous les pèlerins qui s'embarquent dans un port de l'Algérie doivent justifier également de la possession d'une somme de 1,000 francs, somme reconnue indispensable pour effectuer le voyage.

Les pèlerins bosniaques et herzégoviniens, d'un autre côté, n'obtiennent l'autorisation de se rendre aux lieux saints de l'Islam qu'après avoir prouvé qu'ils possèdent les ressources nécessaires (500 florins au minimum).

« De telles prescriptions devraient être, plus que partout ailleurs, adoptées aux Indes Britanniques, où il existe des foyers permanents de choléra, et par le Gouvernement ottoman à l'égard de ses pèlerins qui, bien souvent, viennent de lieux infectés.

« D'aucuns voudraient voir dans ces conditions imposées au pèlerinage une atteinte à la liberté des pratiques religieuses, que le Gouvernement Britannique, comme tous les autres Gouvernements, tient à laisser complète dans toutes ses possessions.

« L'opinion générale de la Commission a été qu'il ne s'agit nullement, par ces restrictions, d'interdire le pèlerinage, mais seulement de le réglementer. En exigeant du pèlerin des ressources nécessaires, on n'interdit pas son départ, on ne fait seulement que l'ajourner. On lui indique qu'il doit amasser le pécule nécessaire pour entreprendre un voyage qu'il considère comme un devoir religieux.

« L'expérience apprend que le pèlerin ainsi averti et conseillé sait toujours réunir la somme dont il a besoin, soit par son travail, soit autrement.

« La Commission, dans l'espoir que les Gouvernements des Indes Britanniques et de l'Empire ottoman entreront bientôt sur cette matière dans l'ordre d'idées des Gouvernements français, néerlandais et austro-hongrois, a adopté à l'unanimité, moins l'abstention des Délégations ottomane, anglaise et des Indes Britanniques, la résolution suivante :

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Les pèlerins seront tenus de justifier des moyens strictement nécessaires pour ac complir le pèlerinage à l'aller et au retour et pour le séjour dans les lieux saints.

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En ce qui concerne une Observation de cinq jours pour les pèlerins avant leur embarquement, proposée par la Délégation française, les opinions des membres de la Commission se sont partagées. Il est indiscutable, en principe, qu'une observation appliquée aux pèlerins isolés dans les meilleures conditions pour être à l'abri de toute infection et assez prolongée pour pouvoir comprendre la période d'incubation de la maladie serait l'une des mesures les plus efficaces pour empècher l'exportation du choléra de l'Inde. Toutefois, il est certain que, dans la pratique, cette mesure peut être très dangereuse et aboutir précisément à un résultat opposé à celui qu'on recherche, si les circonstances des lieux ne sont pas favorables à son application.

pas

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Si des pèlerins ou autres personnes viennent de localités saines où il n'y a de choléra, et s'arrêtent dans une ville, comme par exemple Bombay, où la maladie est en permanence toute l'année d'une manière plus ou moins intense, et s'il n'y a pas moyen de créer un sanatorium pour soustraire absolument ces gens aux influences morbides locales, quelles qu'elles soient, il est bien probable que quelques-uns d'entre eux pourront contracter l'infection et la porter en incubation sur le navire.

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Il faut songer, d'autre part, à la grande difficulté de renfermer des milliers de personnes indisciplinées, arrivant irrégulièrement dans une ville pour les préparatifs de leur voyage, et d'empêcher avec la rigueur indispensable toute communication avec la ville mème. Il est vrai qu'on pourrait faire cette observation à bord des bateaux; mais si ces bateaux doivent rester dans le port, comme c'est inévitable à cause du mouillage, est-ce que les dangers visés ci-dessus ne subsisteront pas en partie?

« Les dépenses inévitables pour une observation de cinq jours sont, d'autre part, considérables et aggraveront les difficultés financières des pèlerins.

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On a donc fait observer qu'une inspection médicale bien faite et pendant le temps nécessaire, telle qu'elle a été établie aux ports de départ, pourrait avoir une efficacité suffisante et ne présenterait pas les inconvénients d'une observation si longue.

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On a émis, en outre, l'opinion qu'il serait en tout cas préférable de considérer comme une observation les jours de voyage du navire en mer, hors de toute infection de la part des villes atteintes de la maladie, pourvu qu'il y eût la facilité de faire subir à ce navire une rigoureuse inspection sanitaire sur sa route. Si des cas se produisaient après le départ de l'Inde, le bâtiment serait désinfecté et il en serait de mème des passagers et de leurs bagages. Pour les navires anglais qui viennent des Indes Britanniques, il y est possible précisément de faire une telle inspection à Aden, après sept jours de voyage. Aux termes des règlements en vigueur dans l'Inde anglaise, tout navire à pèlerins doit obligatoirement faire escale à Aden, d'où il ne peut sortir qu'avec patente nette.

« Si, comme on l'a avancé, des navires ayant subi cette inspection sont néan

CONFERENCE SANITAIRE.

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moins arrivés à Camaran avec des malades ou de l'infection à bord, il lieu d'y améliorer les services sanitaires.

y aura

« C'est à la suite de toutes ces considérations qu'après un long débat on a adopté à l'unanimité, moins l'abstention du Délégué de l'Inde, la proposition

suivante :

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Lorsqu'il existe des cas de choléra dans le port, l'embarquement ne se fera à bord des navires à pèlerins qu'après que les personnes réunies en groupes auront été soumises pendant cinq jours à une observation permettant de s'assurer qu'aucune d'elles n'est atteinte du choléra.

« Il est entendu que pour exécuter cette mesure, chaque Gouvernement pourra tenir compte des circonstances et possibilités locales.

B. Mesures à prendre à bord des navires à pèlerins.

« A la question des mesures à prendre au point de départ des pèlerins faisait tout naturellement suite celle des dispositions à prendre sur les navires qui transportent les pèlerins eux-mêmes. L'infection cholérique peut être embarquée à bord avec de l'eau contaminée, et ce fait causerait une épidémie des plus redoutables. Bien qu'on ait pris toutes les précautions les plus rigoureuses au départ, il n'est pas impossible cependant que, par quelque fissure inaperçue, l'infection s'introduise à bord avec les pèlerins mêmes et leurs bagages.

« D'autre part, la Commission ne pouvait pas laisser passer une occasion si favorable pour suggérer des améliorations dans les conditions bien souvent très mauvaises dans lesquelles les transports s'effectuent par suite des agissements de certains spéculateurs.

« Au double point de vue de la prophylaxie et des devoirs humanitaires, une telle réglementation était digne de toute l'attention de votre Commission. La tâche lui était d'ailleurs facilitée par l'étude que le Conseil supérieur de santé de Constantinople avait déjà faite de la matière et par le projet de règlement général que ce même Conseil avait déjà préparé. La Commission a pris comme base de ses discussions ce projet de règlement, ainsi qu'un résumé que la Délégation néerlandaise a élaboré relativement à la législation française, anglaise et hollandaise sur ce point et elle a confié à une Sous-Commission, constituée par les Délégués techniques et les membres ici présents du Conseil de Constantinople, le soin d'y apporter, s'il y avait lieu, des améliorations.

« Un rapport très détaillé des travaux de cette Sous-Commission, dont vous pouvez prendre connaissance et qui est annexé aux procès-verbaux de la Commission, a été présenté par M. le Docteur Ruysch. Je me borne ici à donner seulement un aperçu général des idées principales qui ont dominé au cours de la discussion.

« La définition du navire à pèlerins a conduit tout de suite à exclure de cette ca

tégorie ceux qui sont affectés aux transports ordinaires de passagers et de marchandises et qui, par exception, prennent à bord des pèlerins.— En établissant un criterium bien arrêté en ce qui concerne cette exclusion, on n'a pas fixé un chiffre unique pour le nombre des pèlerins tolérés, afin de ne pas mettre sur le mème rang les grands paquebots et les petits navires, mais on a déterminé un chiffre variant selon les tonneaux de jauge du navire, en indiquant que ne sont pas considérés comme navires à pèlerins les navires à destination de la mer Rouge qui, outre leurs passagers ordinaires, parmi lesquels peuvent être compris les pèlerins des classes supérieures, embarquent des pèlerins en proportion moindre qu'un pèlerin de dernière classe par 100 tonneaux de jauge.

« On a exigé, en second lieu, que la déclaration de départ d'un navire à pèlerins fùt faite quelques jours avant, pour qu'il fût possible de procéder à une inspection rigoureuse et au mesurage du navire, de s'assurer de ses conditions de sécurité et de propreté, de constater enfin s'il répond aux prescriptions du règlement.

« Les prescriptions hygiéniques principales de ce règlement concernent avant tout l'approvisionnement de l'eau: on exige qu'elle soit fournie gratuitement et en quantité d'au moins 8 litres par jour et par tête, puisée à une source à l'abri de toute contamination et emmagasinée de manière qu'elle ne puisse pas ètre souillée d'aucune façon pendant le voyage. Et pour prévoir le cas possible de manque d'eau, on a aussi prescrit l'installation d'un appareil distillatoire capable d'en fournir la quantité nécessaire aux besoins du bord.

« En second lieu on a beaucoup insisté sur la nécessité de donner, sur les bateaux à vapeur, à chaque pèlerin un espace suffisant dans l'entrepont pour s'y loger le moins mal possible, et on a décidé que le pèlerin doit avoir un minimum de 2 mètres carrés de surface, soit 1 mètre de largeur pour 2 de longueur, l'entrepont ayant 1 m. 80 de hauteur. Sur la grande majorité des navires, l'espace actuellement concédé à chaque pèlerin est bien plus restreint, de telle sorte qu'il ne lui est pas possible de se coucher, et ce, d'autant moins que chaque pèlerin ne veut jamais se séparer de ses bagages, lorsqu'il ne s'agit pas des gros colis qui sont mis à la cale.

« En outre, on a prescrit que le pont doit être toujours à la disposition des pèlerins ou autres passagers et ne doit pas être encombré par des marchandises. Au point de vue du bien-être des pèlerins, on a exigé aussi que le navire fût pourvu d'une quantité suffisante de vivres, à un prix dont le tarif sera affiché dans un endroit visible à bord, afin d'éviter qu'on ne commence pas sur le navire mème à exploiter les pèlerins, dès le début de leur voyage.

«En ce qui regarde la surveillance des conditions sanitaires de la population du bord, il y a un contrôle qui doit être exercé par les autorités des ports de relâche et d'arrivée, en vue de constater si tous les embarqués arrivent à leur destination et, le cas échéant, les raisons pour lesquelles ils n'y arrivent

pas. La liste des pèlerins que le capitaine est autorisé à embarquer et dont il doit être pourvu, le livre ou le journal de bord et la patente de santé du navire certifieront ce point et serviront de base aux autorités précitées pour les dispositions sanitaires à appliquer au navire même.

« Une surveillance plus directe est faite par un ou deux médecins que chaque navire doit avoir à bord, selon qu'il a chargé moins ou plus de 1,000 pèlerins pour le voyage. Afin d'éviter qu'on laisse cette surveillance entre les mains de médecins improvisés ou dans lesquels on ne puisse avoir de confiance, on a insisté pour qu'il fût stipulé que le médecin doit être commissionné par l'autorité supérieure du pays de départ. Le médecin doit s'occuper, en temps et lieu, de tout ce qui a trait à l'hygiène du navire en général et des pèlerins en particulier. Si le choléra se développe sur quelques-unes des personnes à bord, son premier soin doit être de les isoler, et à cet effet on a prescrit qu'un compartiment spécial serait réservé pour les malades et contiendrait cinq places de 3 mètres pour 100 pèlerins embarqués.

« Pour garantir que le traitement, en cas de maladie, se fera sans difficulté et en dehors de toute question d'intérêt pécuniaire, on a introduit dans le règlement une prescription indiquant que le navire sera pourvu des médicaments nécessaires et que ces médicaments et les soins médicaux seront fournis gratuitement.

« Le maintien de la propreté et la désinfection à bord sont des exigences de la plus haute importance. Éviter que les matières provenant de déjections stomacales ou alvines ne se répandent sur le plancher du pont ou de l'entrepont, ou sur les draps, les tapis ou les couvertures des lits; éviter même que le sol des latrines ne soit souillé, constituent des précautions qui, surtout en cas de commencement d'une épidémie de bord, sont indispensables pour empêcher une grande diffusion de la maladie; mais ce sont là, aussi, des exigences fort difficiles à voir accomplir avec la rigueur nécessaire.

« On impose l'installation d'une latrine pour chaque centaine de pèlerins, de latrines spéciales pour les malades avec les dispositions hygiéniques les plus recommandées; il est en effet de toute nécessité que ces latrines soient en état permanent de propreté, avec des lavages au lait de chaux, surtout sur le plancher. Le même système de lavage est recommandé pour assurer la propreté des planchers de l'entrepont et du pont ainsi que des parois des endroits habités du navire. Pour les effets à usage ou de literie emportés en voyage, le moyen de désinfection le meilleur jusqu'à présent consiste dans une désinfection avec des solutions de désinfectants chimiques, tels que le sublimé corrosif au 2 p. 1,000, et 5 p. 1,000 d'acide chlorhydrique, quand il s'agit de linges souillés qu'on doit ensuite laver, ou d'objets qu'on ne peut pas soumettre à la chaleur, ou bien dans la désinfection à l'aide de la vapeur à 100 degrés au moins, quand il s'agit de couvertures, tapis, vêtements, etc.

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