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heureux qui seraient une garantie de plus contre la propagation du choléra dans les autres contrées et en Europe.

Il n'est peut-être pas inutile de signaler ces points qui pourront servir pour compléter le tableau de la situation et les discussions sur les questions principales du golfe Persique et de la mer Rouge.

II.

Observations sur le Teskéré impérial du 4 décembre 1893.

Remarques faites par le Délégué austro-hongrois au Conseil sanitaire international d'Égypte à l'égard du Teskéré pour la réforme sanitaire à la Mecque.

Janvier 1894.

Le Teskéré que le Grand Vizir a adressé le 16 décembre 1893 au Conseil sanitaire de Constantinople a également été communiqué au Conseil d'Alexandrie.

Les projets qu'il renferme d'établir des hopitaux et des asiles à la Mecque même, ainsi que de construire des aqueducs à Djeddah et Mina, et de créer de nouveaux lazarets à Abou-Ali et Roniers, aux environs de Djeddah, présentent sans aucun doute un notable progrès dans le service de santé en Orient.

Il serait très désirable que le Conseil de Constantinople ordonnât de soumettre, avant leur débarquement à Djeddah, les pèlerins arrivant de Bassorah par mer, à une quarantaine à Abou-Ali.

Il est en effet notoire que beaucoup de pèlerins indiens et persans, afin d'éviter la quarantaine à Camaran, se font débarquer dans les ports persans du golfe Persique et se rendent de là par la voie de terre à Bassorah d'où ils s'embarquent pour se rendre directement à Djeddah.

Dans les ports persans susmentionnés où il n'y a pas de service de santé, les papiers de bord sont visés par le Vice-Consul d'Angleterre, tandis qu'un commis est préposé au service quarantenaire à l'embouchure de l'Euphrate. A Bassorah, ville située 8 heures en amont, un médecin doit visiter les individus arrivant par la voie d'eau.

Une partie des pèlerins se rendant de Bassorah à la Mecque par la voie de terre, il serait utile de faire surveiller la route, qui passe en partie par des contrées habitées.

Un autre point choisi pour éviter la quarantaine par les pèlerins venant de l'ExtrêmeOrient à la Mecque est la ville d'Aden.

Pour empêcher l'importation du choléra dans le Hedjaz', bien des mesures seraient encore à prendre dans la mer Rouge et le golfe Persique, eaux difficiles à contrôler, vu leur grande distance du Conseil de Constantinople.

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Rapport fait par le médecin de district J. Karlinski, docteur en médecine, à l'Administration de Bosnie et d'Herzégovine à Sérajévo, sur son voyage à Djeddah, entrepris d'ordre du Gouvernement pour surveiller le retour des pèlerins bosniaques et herzégoviniens.

Constantinople, le 8 octobre 1893. Conformément aux ordres qui m'ont été donnés, j'ai quitté le 4 juin 1893 Konjica pour me rendre, après un court séjour à Sérajévo, à Trieste, où je me suis embarqué le

9 juin pour la ville d'Alexandrie sur un vapeur du Lloyd. Au moment de mon départ de Trieste je reçus une dépêche qui m'informa de l'apparition du choléra à la Mecque.

Arrivé à Alexandrie le 12 juin, je me rendis auprès du président du Conseil de santé, M. Miéville, pour obtenir une lettre de recommandation pour les autorités d'El-Tor en vue de faciliter par ce moyen l'exécution des ordres dont j'étais chargé.

Le service régulier de navigation au port de Djeddah ayant cessé à cause du choléra, je ne pus m'embarquer à Suez que le 23 juin sur un vapeur qui arriva à Djeddah le soir du 26 juin.

Déjà, lors de mon séjour à Trieste, je m'étais adressé à plusieurs membres de ma connaissance du Conseil de santé à Constantinople avec prière de vouloir bien provoquer les ordres nécessaires, afin que les autorités locales de Djeddah reconnussent ma qualité de délégué spécial. Cette demande, ainsi que l'entremise du Docteur Hagel, délégué de l'AutricheHongrie au sein du Conseil de Constantinople, ont été couronnées de succès. Je fus reçu à Djeddah de la part des autorités de la manière la plus avenante.

Ce fut le 28 juin que les premiers pèlerins revenant de la Mecque se montrèrent à Djeddah. Deux jours plus tard le mufti Jusuf Effendi Jahic y arriva en compagnie d'une douzaine de Bosniaques, auxquels succédèrent au bout de quelques jours les autres pèlerins de la Bosnie et de l'Herzégovine. Ces derniers se rendirent à Djeddah avec la grande masse des autres pèlerins de sorte que j'ai eu de véritables difficultés à les former de nouveau en troupe.

Tous ces pèlerins se trouvaient dans un état absolument déplorable. Je me vis forcé à faire transporter sur-le-champ 5 parmi eux atteints du choléra à l'hôpital. Les pèlerins qui n'étaient que légèrement atteints de la maladie furent soignés par moi-même dans le hangar que j'avais réservé pour ma troupe.

Le reste des pèlerins étant arrivé à Djeddah, le 8 juillet, je quittai cette ville le lendemain, accompagné de 57 pèlerins, sur le bateau Numet-Huda qui, après une traversée fort orageuse, atteignit le port d'El-Tor le 13 juillet.

Grâce à la reconnaissance de ma mission de la part du Conseil d'Alexandrie, je n'y rencontrai que peu de difficultés. Je réussis donc à réserver pour mes pèlerins une douzaine de tentes, en outre une tente pour les femmes, une tente avec un bassin de bain, un réservoir d'eau spécial et une latrine à part. On m'accorda la visite et le traitement des pèlerins, on me réserva en partie l'hôpital pour les pèlerins de Bosnie et d'Herzégovine et on me fournit en même temps le matériel pour mes études de bactériologie.

La quarantaine, qui d'abord avait été fixée à 15 jours, subit une prolongation à cause des cas de choléra survenus dans notre campement entre le 13 et le 17 juillet, et ne prit fin que le 31 juillet.

Les effets de voyage et le linge des pèlerins furent soumis avant l'embarquement à la désinfection. Grâce à l'obligeante intervention du directeur de la quarantaine, Docteur Zachariades, et du chef militaire colonel Radley Bey, mes pèlerins ont été traités et casés convenablement. Quant à la désinfection pratiquée à El-Tor, j'aurai l'occasion d'y revenir dans ce rapport.

Le 1er août nous arrivâmes à Suez, où le bateau et l'équipage furent visités d'une manière rigoureuse par une Commission mixte, composée du directeur du service sanitaire et des délégués autrichien, français et ottoman du Conseil sanitaire.

Je demandai d'abord la fourniture d'eau potable, car l'eau à bord était de mauvaise qualité.

Le 7 août le bateau Numet-Huda entra dans la station quarantenaire de Clazomène, où le débarquement des pèlerins eut lieu le lendemain.

CONFÉRENCE SANITAIRE.

10

Les autorités ottomanes ayant reconnu ma qualité de délégué spécial, je réussis à placer les pèlerins de Bosnie et d'Herzégovine dans une maison isolée, à les soigner moi-même et à surveiller la désinfection de leurs effets et bagages.

Ce fut dans cette station quarantenaire que m'arriva l'invitation de la Porte à me rendre à Smyrne, ville dans laquelle le choléra venait de faire son entrée, pour examiner les cas suspects et donner les ordres nécessaires. Ce fut à mon vif regret que je dus refuser cette invitation, ma présence auprès de mes pèlerins étant de toute nécessité. Or, si j'étais allé à Smyrne, j'aurais dû purger lors de mon retour une nouvelle quarantaine de 10 jours, ce qui m'eût éloigné de nouveau de la troupe confiée à ma surveillance. Je me bornai donc à mettre à la disposition du général Bonkowski, délégué spécial de Sa Majesté le Sultan, par l'entremise du consulat général I. et R. à Smyrne, une partie de mon laboratoire conjointement avec un mémoire sur les diverses méthodes adoptées pour les essais bactériologiques.

Le nombre des pèlerins de Bosnie et d'Herzégovine qui cette année-ci se sont rendus à la Mecque s'élève d'après les listes officielles à 120, dont 5 sont restés à la Mecque; comme i n'y a que 56 pèlerins qui sont rentrés dans leur patrie, le reste doit avoir succombé à la maladie, ce qui correspondrait à la mortalité effrayante de 50 p. 100.

Dans le total des pèlerins en 1893 on compte comme morts du choléra :

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Je me crois autorisé à ajouter à ces données quelques mots sur les observations que j'ai eu l'occasion de faire sur le régime sanitaire.

par

Je ne parlerai point du service sanitaire dans la ville de la Mecque, tel qu'il m'a été décrit

les pèlerins, récits qui, sans doute, doivent être entendus avec une certaine réserve. Je me bornerai à ne reproduire que mes impressions personnelles.

Il est d'abord absolument évident que l'épidémie n'a pas été importée, cette année-ci, du côté de l'Inde. Les premiers cas cholériques parmi les troupes ottomanes arrivées du Yémen se sont montrés déjà à l'époque où les pèlerins indiens se trouvèrent encore en quarantaine sur l'île de Camaran. A en croire les rapports privés, le choléra n'a cessé d'exister dans le Yémen depuis 1890, bien que cette circonstance ait été omise lors de la dislocation des troupes. Quant à la supposition que le choléra fût importé par les pèlerins persans, elle est réfutée par le fait que les caravanes se trouvèrent déjà depuis le commencement d'avril dans la province, sans qu'on eût pu constater parmi eux l'apparition de la maladie. Au contraire il a été vérifié que les premiers cas de choléra se sont montrés le 6 juin parmi les troupes ottomanes, qui transmirent alors la maladie aux pèlerins. D'après les bulletins officiels la propagation de l'épidémie à la Mecque ne fit d'abord que des progrès très lents. La mortalité ne s'éleva jusqu'au 23 juin (jour d'Arafat) qu'au chiffre de 250 par jour, nonobstant l'encombrement considérable des pèlerins. Ce ne fut que du 24 au 28 juin, c'est-à-dire pendant le temps où les pèlerins assistèrent aux fêtes d'offrande dans la vallée de Mina, que l'épidémie prit des proportions beaucoup plus considérables. Les listes officielles

indiquent pour ce temps 900 à 1,000 cas de décès par jour, tandis que les pèlerins et les

médecins revenant de la Mecque parlèrent de 3,000 morts par jour.

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Dès le retour de ces pèlerins (29 juin), l'apparition du choléra fut constatée à Djeddah, et comme dans cette ville on n'avait pris presque aucune mesure de précaution, l'épidémie y fit des progrès rapides. Il n'y avait que quatre médecins, auxquels les moyens de désinfection manquèrent presque complètement et qui ne trouvèrent point d'assistance de la part des autorités locales.

L'effectif des caravanes quotidiennes variait de 1,000 à 7,000 pèlerins arrivant de grand matin à la porte, dite de la Mecque, où ils furent obligés de s'arrêter pendant qu'on enlevait les morts des chameaux et qu'on emportait les suspects dans les hôpitaux provisoires. Ce service devant ètre fait par deux médecins seulement, il est évident qu'à cette occasion un bon nombre d'individus qui ne se trouvaient que légèrement indisposés a pu s'introduire dans la ville de Djeddah.

Des milliers de pèlerins campaient pendant plusieurs jours en plein air dans les rues de la ville, attendant le départ des bateaux. Il manquait des bras pour emporter des cadavres, et des médecins pour soigner les malades; aussi, lorsque enfin les bateaux-furent prêts à lever l'ancre, les pèlerins furent emmenés par des navires surchargés dans les quatre coins du monde sans qu'une séparation préalable des malades ait pu être opérée par les médecins.

Les désinfectants ayant complètement fait défaut lors du retour des pèlerins, il fallut se contenter de brûler les vêtements des individus morts dans les hôpitaux, sans pouvoir désinfecter les effets des personnes guéries, augmentant ainsi le danger de la propagation de l'épidémie.

Dans les listes officielles des morts de la Mecque il n'était pas fait mention des individus morts en chemin; pourtant, lors de mes nombreuses excursions aux environs de Djeddah, je vis le long de la route qui mène à la Mecque des centaines de cadavres qui y gisaient des journées entières en état de putréfaction, servant de proie aux fauves et aux oiseaux. Dans la ville de Djeddah même, les cadavres de personnes mortes du choléra encombraient les rues les plus fréquentées pour n'être ensevelis que plus tard hors de la ville dans des fosses communes.

Les derniers jours de juin et les premiers de juillet se firent remarquer par une température extraordinaire; même pour Djeddah, la chaleur baissait à peine pendant la nuit, et comme dans le courant des deux dernières années aucune pluie tant soit peu considérable n'était tombée, le manque d'eau se fit bientôt ressentir : des milliers de pèlerins ne purent se procurer même à grands sacrifices d'argent que des quantités tout à fait insuffisantes d'une mauvaise eau de citerne.

Il n'est pas étonnant dès lors que la mortalité parmi les pèlerins de Bosnie ait été si grande. Depuis leur retour de la Mecque j'ai eu à traiter à Djeddah 31 pèlerins de Bosnie-Herzégovine, pour cause de choléra, et malgré tous mes soins j'en ai perdu 17.

Les effets de menue valeur des morts furent brûlés avant l'embarquement; les autres objets, ainsi que ceux appartenant aux convalescents, furent désinfectés avec de l'acide phénique à 5 p. 100 et du sublimé, et de plus exposés au soleil.

Si le séjour à Djeddah, par suite de la défectuosité des mesures hygiéniques, offre bien des dangers pour les pèlerins, et si les inconvénients résultant des circonstances locales, comme le manque de médecins, de désinfectants, d'hôpitaux, d'abris et d'eau, demandent à être redressés à fond, l'état de choses à bord des bateaux à pèlerins exige l'intervention énergique de la part des Puissances intéressées, attendu que le séjour à bord menace les pèlerins de périls encore plus sérieux.

Arrivés à Djeddah, les pèlerins se trouvent à la merci des agents et des capitaines des compagnies de navigation.

Grâce à l'intervention des autorités turques à Djeddah, les exigences de prime abord très élevées des agents des compagnies furent considérablement réduites et les bateaux sous pavillon turc ou égyptien furent obligés de transporter les pèlerins à Constantinople moyennant 4 L. T. et en Syrie pour 3 L. T.

Afin de se dédommager en quelque sorte de la perte des recettes qu'ils avaient espéré faire, les agents entassaient les pèlerins sur les bateaux sans tenir le moindre compte du tonnage et des espaces donnés.

Dans le but de dissimuler plus facilement la mort des individus qui pouvaient succomber pendant la traversée, le nombre des pèlerins indiqué dans les papiers de bord se trouvait presque sans exception inférieur au nombre effectif.

A l'appui de ce que je viens d'avancer je cite les données que voici qui ont été puisées dans les actes de la quartanaine d'El-Tor.

Le bateau turc Murvet, de 886 tonneaux, emmenait à El-Tor 920 pèlerins, bien que les papiers de bord n'en indiquaient que 850.

Le bateau français Lutetia, de 671 tonneaux, avait 994 pèlerins à son bord, tandis que les papiers de bord n'en faisaient mention que de 800.

Le bateau turc Numet-Huda, de 1,183 tonneaux, emmenait 1,119 pèlerins, bien que les papiers de bord ne parlaient que de 990.

Le bateau français Languedoc, de 846 tonneaux, emmenait 1,110 pèlerins, pourtant dans les papiers de bord il n'était question que de 1,059.

Le bateau turc Bahr Djeddid, de 895 tonneaux, emmenait 1,022 pèlerins, bien papiers en indiquaient seulement 880.

que les

Je n'ai pas reculé devant la peine de m'enquérir sur certains bateaux s'il y était tenu compte des dispositions de la Conférence de Rome qui fixe l'espace auquel chaque pèlerin a droit. Un simple calcul me démontra que tous les bateaux étaient deux fois, quelquesuns même trois fois surchargés. Pour se conformer aux décisions de ladite Conférence, le bateau turc Numet-Huda par exemple, en raison des nombreux colis que chaque pèlerin emportait, n'aurait pas dû avoir à bord plus de 527 pèlerins.

Entassés dans les bateaux, les pèlerins ont à peine la place nécessaire pour s'asseoir et, serrés dans les parties inférieures, suffocantes et mal aérées à l'intérieur du navire, ils se trouvent encore à la merci du commandant.

Bien qu'ils aient payé 3 à 4 L. T. pour la traversée, ils sont de plus obligés à verser 2 à 6 L. T. pour une place d'une étendue de cinq pieds carrés à peine, de manière que les mesures des autorités turques pour régler le prix de la traversée se trouvaient par ce fait rendues illusoires.

De tous les 27 navires qui sont arrivés à El-Tor pendant mon séjour et que j'ai eu l'occasion de visiter, un seul (le bateau anglais Afghan) possédait un appareil à vapeur pour la désinfection, et le seul bateau français (Amérique) avait un médecin muni d'un diplôme européen à bord, tandis que le service médical, sur les autres navires, était exercé par des aides-chirurgiens ignorants, la plupart n'ayant pas fait les moindres études.

Tous les navires emportaient la mauvaise eau de Djeddah, ou bien de l'eau du Nil, provenant de Suez et datant de plusieurs semaines. Cette eau fut donnée aux pèlerins non bouillie et en quantité insuffisante. En outre, à bord du bateau Numet-Huda, sur lequel j'ai fait voyage avec les pèlerins de Bosnie, les surveillants des réservoirs d'eau demandaient 1 à 3 piastres pour chaque seau d'eau qu'ils délivraient en dehors de la ration ordinaire.

En général les pèlerins emportaient leurs provisions de bouche avec eux et faisaient eux

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