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d'hui on veut faire de l'institution des fabriques une simple administration, agissant au nom de l'Etat et au profit de l'Etat; on en arriverait ainsi à détruire le dernier vestige de cette institution du concordat, c'està-dire d'une institution essentiellement catholique; et au lieu que la fabrique d'église soit pour le culte catholique le boulevard de son indépendance et de sa liberté, on en ferait entre les mains de l'Etat, l'instrument qui doit amener sa sujétion et son asservissement.

§ 2. Mission des fabriques.

I. Les fabriques sont des établissements publics ayant pour mission de gérer le temporel du culte. « On nomme établissements publics, dit M. Dalloz, » des établissements civils ou religieux qui ont pour » objet l'utilité morale ou matérielle des citoyens (1). » « A cette définition, poursuit le nouveau Journal des » Conseils de Fabriques, il faut ajouter une condition essentielle et caractéristique, c'est qu'il s'agisse

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» d'établissements élevés à l'état d'êtres moraux, de >> personnes civiles, par la loi ou par un acte du gou» vernement (2). » Or les fabriques existant en vertu

(4) Nouveau Répertoire, V. Etablissement public. (2) T. V. p. 37.

de la loi, sont considérées comme des personnes morales jouissant de la vie civile, et ont un but d'utilité publique; de sorte qu'on ne peut leur contester la qualité d'établissements publics. Aussi n'y a-t-il point de controverse sur ce point; et il ne peut y en avoir, du moins en Belgique, où la loi communale les comprend évidemment sous cette dénomination (1). Tous les auteurs, du reste, s'accordent à leur reconnaître la qualité d'établissements publics (2).

La jurisprudence ne s'écarte point de ces principes. « Attendu, dit la Cour de Liége, que l'administration >> des biens des Fabriques est un établissement public; qu'ainsi les règles établies pour la signification des ajournements aux établissements publics leur sont applicables (5). » « » « Attendu, dit aussi la Cour de

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(1) Art. 76.

(2) Manuel raisonné de l'administration des fabriques d'églises belges, V. Fabrique, n. 5. Cf. Larade et Caugé, Guide et formulaire des fabriques des églises, V. Fabrique, n. 4; Prompsault, Dictionnaire raisonné de droit et de jurisprudence civile ecclésiastique, V. Fabrique, § VIII, t. II, col, 406; Delcour, Traité de l'administration des fabriques d'églises, introduction. n. 46; André, Cours alphabétique, théorique et pratique de la législation civile ecclésiastique, V. Fabrique, t. II, p. 400; Corbière, Le droit privé administratif et public dans ses rapports avec la conscience et le culte catholique, V. Fabriques d'églises, t. I, p. 440; Vuillefroy, Traité de l'administration du culte catholique, V. Fabrique, n. XXVII; Roy, Le Manuel du curé, du maire et du fabricien comptable, p. 13; Journal des conseils de fabriques, t. 1, p. 57, n. 4.

(3) Arrêt du 27 juillet 1810. Cf. Journal des conseils de fabriques, t. II, p. 242.

» cassation de France, que cet article 1052 (Cod. pro>> céd. civ.) dispose, en effet, à l'égard de tous les éta>>blissements publics, et que les Fabriques sont évi» demment de ce nombre (1).

II De là résulte que les Fabriques sont, du moins pour la plupart de leurs actes, dans une certaine dépendance de l'autorité supérieure. Les intérêts, dont les Fabriques sont chargées, étant des intérêts religieux, les chefs de la communauté religieuse, devaient naturellement avoir la haute tutelle administrative de ces établissements: mais l'Etat intervenant dans les ressources fournies aux Fabriques, intervient à son tour dans l'administration des Fabriques pour la surveiller.

III. Quoiqu'établissements publics, les Fabriques ne constituent cependant pas des administrations publiques, mais des administrations privées. « Le culte, » dit Gaudry, n'a jamais été placé au rang d'une ad>> ministration publique. Chaque paroisse a son admi>>nistration privée, entièrement en dehors des autres

paroisses, et même en dehors des membres du culte » dissident de la commune. Ses intérêts pécuniaires » sont les intérêts de l'association religieuse des ci

(4) Arrêt du 7 juin 1826, ibid., p. 243. Cf. arrêt de la cour royale de Paris, du 8 janv. 1836, ibid., pag. 244.

» toyens (1). » C'est donc avec raison que la Cour de Liége a décidé que les fabriques sont simplement des administrations privées (2); d'où découle la conséquence que les fabriciens ne peuvent être considérés comme des fonctionnaires publics. Par arrêt du 17 août 1858, la Cour royale de Limoges a jugé que les fabriciens n'étant préposés qu'à des intérêts particuliers, ne sont point des agents du gouvernement (5). Un arrêt de la Cour de cassation de France, en date du 3 mai 1858, proclamait le même principe (4), que nous

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(1) Traité de la législation des cultes et spécialement du culte catholique, n. 1090, t. III, p. 312.

(2) Arrêt du 6 mai 1846. Jurisprudence du XIXe siècle, an. 1846, part. II, p. 366. Cf. Mémorial belge des conseils de fabriques, etc., t. I, col. 491, n. 4, col. 902.

(3) Cité par Prompsault, op. cit., V. Membres de la fabrique, n. 4. Tom. II.

(4) Rapporté dans le Journal des conseils de fabriques, t. V. .μ. 142: « Attendu, dit la cour, que l'on ne doit considérer comme agents du >> gouvernement que ceux qui, dépositaires d'une partie de son auto>> rité agissent en son nom et sous sa direction médiate ou immé>>diate, et font partie de la puissance publique; que l'on ne peut >> ranger dans cette classe les membres des conseils de fabriques, >> dont les fonctions se bornent, d'après l'article premier du décret >> du 30 décembre 1809, à veiller à l'entretien et à la conservation » des temples, à administrer les aumômes et les biens et revenus >> des paroisses, et à assurer l'exercice du culte; que leur adminis>>tration tout intérieure est entièrement étrangère à l'action du gou>> vernement, qui n'a avec elle d'autre rapport que celui de la sur» veillance qu'il exerce sur elle comme sur l'administration des >> communes et des autres établissements publics. » De Champeaux >> en cite un autre du 34 juillet 1839, Bulletin des lois civiles ecclesiastiques, tom. II, p. 188, n. 3.

voyons du reste adopté par la plupart des auteurs (1).

IV. Les fabriques ont donc pour mission de gérer le temporel du culte. Voici en quels termes cette mission est décrite par l'article premier du décret du 50 décembre 1809. « Les fabriques dont l'article 76 de la loi » du 18 germinal an X, a ordonné l'établissement, » sont chargées de veiller à l'entretien et à la conser»vation des temples, d'administrer les aumônes et les >> biens, rentes et perceptions autorisées par les lois >>> et réglements, les sommes supplémentaires fournies >> par les communes, et généralement tous les fonds qui sont affectés à l'exercice du culte, enfin d'assu

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rer cet exercice et le maintien de sa dignité dans » les églises auxquelles elles sont attachées, soit en » réglant les dépenses qui y sont nécessaires, soit en >> assurant les moyens d'y pourvoir.

L'article 1er du décret organique semble restreindre cette mission à certains actes; mais contient-il réellement une restriction? Déclare-t-il les fabriques incapables de poser d'autres actes que ceux qu'il énumère, de posséder autre chose? Non; car, comme le disait M. le procureur général Leclercq dans son réquisitoire

(4) Cf. De Champeaux, loc. cit., et tom. V, p. 25, n. 9; André, op. cit. V. Fabricien, § VIII, t. II, p. 99; V. Fonctionnaires, ibid., p. 149; Gaudry, op. cit., t. III, p. 181, n. 970; Journal des conseils de fabriques, t. V. p. 143, n. 8; Corbière, op. cit., t. 1, p. 423.

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