Images de page
PDF
ePub

CHAPITRE II.

HISTOIRE DES FABRIQUES.

I. Le droit d'administrer ses biens a été exercé par l'Eglise catholique à toutes les époques de son histoire.

[ocr errors]

Ses évêques et ses prêtres l'ont exercé en son nom; plus tard l'exercice de ce droit fut transmis par elle aux fabriques, sous la direction de ces mêmes évêques.

Le mot fabrique dérive du mot latin fabricare, qui signifie construire; ainsi prises dans le sens littéral, les expressions fabrique des églises, signifiaient la construction des églises. Plus tard on leur donna un sens plu large, et l'on comprit sous ces termes non-seulement les constructions, les réparations, l'entretien des églises, mais encore toutes les dépenses qui avaient pour objet la célébration du culte divin.

Dans une acceptation différente, on entendait par fabrique le temporel d'une église, c'est-à-dire tous les

biens meubles et immeubles d'une église et les revenus affectés à son entretien, tant pour les réparations que pour la célébration du culte divin.

Enfin, on désignait encore par le mot fabrique les personnes chargées d'administrer les biens et les revenus de chaque église.

Aujourd'hui encore on entend par fabrique tantôt le temporel des églises, tantôt les personnes qui en ont l'administration. Sous ce dernier rapport, on peut définir la fabrique : un être moral légalement organisé pour administrer les biens et les revenus des églises, et gérer les affaires temporelles relatives à l'exercice du culte.

II. Voyons maintenant l'origine des fabriques. Si l'on entend par fabriques les dépenses du culte, les fabriques remontent à l'origine même du christianisme. Dès le principe, les chrétiens eurent des lieux de réunion spécialement consacrés au culte divin (1); dès le principe la célébration de l'office divin entraîna des dépenses (2).

III. L'origine des fabriques, prises dans le sens de

(4) Cf. Act. Apost. XI, 26; I Cor. XIV, 34 et 35; Cf. Thomassin, Ancienne et nouvelle discipline de l'Eglise, part. I, liv. III, chap. II, n. 14; chap. III, n. 3, sq.; Selvaggio, Antiquitatum christianarum institutiones, lib. III, part. I, cap. I, § 6.

(2) V. ci-dessus, chap. 1, n. 43, pag. 22 sq.

biens et revenus des églises, est également très-ancienne, et date du berceau du christianisme. De tout temps l'Eglise a possédé des biens (1). Toutefois aucune portion déterminée de ces biens n'était affectée à l'entretien des églises et au service du culte ils formaient un fonds commun, destiné au soulagement des pauvres, des infirmes, et des prisonniers, à l'entretien du clergé et des vierges, à l'ornement des temples et à tous les besoins du culte (2).

:

Plus tard un changement important fut introduit dans la répartition des revenus ecclésiastiques. Ils cescèrent de former une seule masse et furent partagés en quatre lots ou parts égales (3) : la première pour

(1) V. ci-dessus, chap. I, n 14, pag. 25 sq.

(2) Cf. Thomassin, op. cit., part. I, liv. IV, chap. XVI; Devoti, Institutiones canonicæ, lib. II, tit. XIII, § 6.

(3) Cette répartition n'était pas universellement acceptée. En Espagne il n'y avait que trois parts, Conc. Bracar., an. 563, cap. 7. Labb. t. V, col. 840. Le troisième concile d'Orléans (538) donnait à l'évêque le droit de déterminer la quotité de ces parts dans les villes et prescrivait de suivre la coutume dans les campagnes. Un capitulaire de Charlemagne (en 801) ordonnait de suivre les canons dans le partage des dîmes. On devait en faire trois parts: la première pour l'Eglise; la seconde pour les pauvres; et la troisième pour le clergé. Cap. VII, Capilularia regum Francorum, tom, 1, col. 359. Il y a donc une erreur historique dans le passage suivant du Journal des conseils de fabrique et du contentieux des cultes : « En 801, >> un capitulaire de Charlemagne ordonna le partage des dîmes en » quatre portions et leur distribution, conformément au vœu du » Rome. » Tom. 1, pag. 3. La discipline de l'Eglise de Rome était de faire quatre parts égales, et les Papes travaillaient à l'établir dans les

l'évêque; la seconde pour le clergé; la troisième pour les pauvres, et la quatrième pour les fabriques.

Il est difficile de préciser l'époque ou s'opéra ce changement. Le pape Gélase, à la fin du cinquième siècle, présente cette discipline comme établie depuis longtemps dans l'Eglise (1). Avant lui, le pape Simplicius en avait déjà fait mention comme d'une règle en usage, de sorte que cette discipline était incontestablement en vigueur au cinquième siècle (2). Plusieurs auteurs la font même remonter au commencement du quatrième siècle (3).

autres pays, comme l'atteste saint Grégoire le Graud. « Mos autem » Apostolicæ Sedis est ordinatis episcopis præceptum tradere, ut de >> omni stipendio, quod accedit, quatuor fieri debeant portiones. » Lib. XI, epist. 64, tom. II, col. 4450, cf. lib. IV, epist. 44; lib. V, epist. 44; lib. VIII, epist. 7; lib. XIII, epist. 44. Le pape Grégoire II, envoyant un évêque et des cleres pour cultiver la nouvelle église de Bavière, leur ordonna ce même partage des revenus de l'église en quatre portions. Thomassin, op. cit., part. II, liv. IV, chap. XVI, n. 14.

(1) « Sicut dudum rationabiliter est decretum. » Epist. IX, cap. 271, Labb. tom. IV, col. 4495.

(2) Epist. III, Labb. tom. IV, col. 1079. Gaudence, évêque d'Ausinio, négligeait les règles canoniques dans la répartition des revenus ecclésiastiques. Simplicius, en ayant été informé, chargea l'évêque Sévère de ne laisser à Gaudence que la quatrième partie du revenu d'Ausinio, d'en distribuer un autre quart au clergé, et de confier au prêtre Onager l'autre moitié destinée à la fabrique des églises et à l'entretien des pauvres. C'est donc à tort que Champeaux avance que cette discipline fut seulement introduite dans l'Eglise du temps de Simplicius, Dissertation sur le casuel, Bulletin des lois civiles ecclésiastiques, tom. VIII, pag. 27.

(3) Le journal des conseils de fabriques et du contentieux des

[ocr errors]

IV. Enfin, si l'on entend par fabrique le corps chargé d'administrer les biens des églises, il n'est guère facile d'en découvrir l'origine. Il est certain que, dans les premiers siècles, l'évêque avait l'administration des biens ecclésiastiques (1). « Il devait néanmoins, dit » Thomassin, les administrer avec le conseil de son » clergé, c'est-à-dire de ses prêtres et de ses diacres, » et se ressouvenir qu'il en est comptable au synode » provincial (2). Nous ne contredirons pas Thomassin, quoique son assertion nous paraît sujette à contestation. Ce point est de peu d'importance pour notre sujet, et Thomassin lui-même reconnaît que la suprême dispensation des biens et des revenus de l'Eglise restait entre les mains de l'évêque. Ibid.

[ocr errors]

cultes, tom. I, pag. 3, Mgr Affre, Traité de l'administration temporelle des paroisses, introduction, § 1, pag. 9, note 4, et l'abbé André, Cours alphabétique et méthodique du droit canon, v. Fabrique, § 1, t. III, pag. 140, estiment que cette répartition fut prescrite à Rome, dès le règne de Constantin, par un concile assemblé en cette ville. On trouve, à la vérité, dans le recueil d'Isidore Mercator et dans quelques autres anciennes collections, des canons d'un concile tenu à Rome en 324, qui contiennent cette prescription. Mais les critiques s'accordent à regarder ce concile comme apocryphe. Cf. Natalis Alexander, Historia ecclesiastica, sæc. IV, cap. II, n. 4; Constantius, Epistolarum Romanorum Pontificum, col. 348, et Appendix, col. 38 sq.; Blascus, De collectione canonum Isidori Mercatoris, pag. 13; Cabassut, Notitia ecclesiastica canonicorum, pag. 123 sq. edit. Lugd. 1702; Berardi, Gratiani canones genuini ab apocryphis discreti, part. I, cap. VI, pag. 48 sq.

(4) Can. Apost. 40, Labb. tom. I, col. 34; Conc. Gangrense, cap. 7 et 8, Labb. tom, II, col. 420.

(2) Op. cit. part. I, liv. IV, chap. XII, n. 3.

« PrécédentContinuer »