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» La loi laisse bien subsister ce qui est fait et ce qu'elle ne peut empêcher; mais elle arrête tout ce qu'elle peut arrêter. Or, ne serait ce pas favoriser le Divorce, lui procurer une exécution qu'il n'a pas eue encore, que d'autoriser le conjoint dont la première femme vit, de se remarier avant son prédécès. Il est vrai que la première femme est remariée ; c'est un malheur dont le divorcé qui veut aussi se remarier, est peut-être lui-même l'auteur. Mais parcequ'il y a eu un premier malheur, faut-il en permettre un second ? L'institution du Divorce ayant été jugée abusive, il faut diminuer l'abus autant qu'il est possible. La loi du 8 mai 1916, en obolissant le Divorce, a condamné d'avance toute faculté qui tendrait à lui donner un effet qu'il n'a pas eu encore. Et une loi qui se prêterait aujourd'hui à un second mariage avant le prédécès du premier conjoint, non seulement ne serait pas en harmonie avec la précédente, mais se trouverait dans une véritable contradiction avec elle ».

J'ai déjà répondu à ce premier motif, et les nouveaux développemens que donne M. le rapporteur au principe qui en forme la base, sont loin de le justifier.

Oui, quand un arbre est abattu, les branches tombent aussi, et les germes à éclore sont anéantis. Mais un arbre n'est abattu par pas cela seul qu'il intervient, de la part du législateur, une défense d'en planter de semblables; il survit à cette défense, parcequ'elle ne l'atteint pas; il continue d'exister, et par conséquent il conserve ses branches, ainsi que ses

germes non encore éclos.

Or, qu'a fait la loi du 8 mai 1816 ? Elle a aboli le Divorce, mais pour l'avenir seulement. Elle ne l'a point aboli pour le passé. Elle a donc maintenu les Divorces prononcés antérieurement; et dès qu'elle les a maintenus, il faut bien qu'elle ait aussi maintenu les facultés non encore exercées qui en dérivent, ou que du moins elle ait exprimé formellement une volonté contraire, ce qu'elle n'a pas fait, et qu'elle n'aurait pas pu faire, comme je viens de le prouver, sans injustice.

20 La morale ne permet pas non plus ce

convol du second époux avant le prédécès du premier.

» Le domaine de la morale embrasse tous les temps. Elle reporte ses regards sur le passé comme sur le présent; et ce qu'elle trouve de blamable dans ces deux époques, elle l'improu ve sans ménagement. Point de prescription contre elle; et les reproches de rétroactivité ne sauraient lui être opposés ; les Romains autrefois, qui, après avoir été faits prisonniers de guerre, rentraient dans leur patrie, reprenaient à leur retour et leurs bien présens et ceux qui leur avaient été enlevés, par ce droit appelé jus postliminii; de même la morale, à son retour, reprend tous ses droits et les fait remonter jusqu'au moment où il les a fait disparaître. Ce droit de retour est l'apanage inséparable de la morale et de la vérité.

» Les mœurs ont plus de force que les lois, et les lois mêmes tirent leur principale force des mœurs: Sine moribus, quid leges proficiunt

vance?

>> On a eu beau introduire le Divorce en France, l'opinion publique a lutte contre la loi. On a toujours persisté à regarder le mariage comme une union sainte, que le créateur luimême avait instituée pour être indissoluble. Nos premières études nous répétaient que la société de l'homme et de la femme mariés était indivisible: conjunctio viri et mulieris individua vito consuetudinem continent. L'incompatibilité des caractères, la dureté des procédés ne paraissaient pas des motifs d'annuler les mariages. La persévérance constituait une vertu, et la fidélité un devoir. On n'a donc pu s'accoutumer à voir une femme, dont le mari était encore vivant, passer entre les bras d'un autre. Il faut convenir que les premiers essais en matière de Divorce n'ont pas prévenu en sa faveur.

>> Les idées morales, soutenues et fortifiées par les principes de la religion, ont donc toujours laissé dans le gros de la nation une espèce de répugnance, je dirais presque d'antipathie, contre le Divorce.

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Aujourd'hui que les anciennes règles ont repris tout leur empire, que le Divorce estaboli, de quel œil verrait-on les abus se continuer, le Divorce se survivre à lui-même et se perpé. tuer dans de nouveaux mariages? On crierait au scandale »>.

Il n'y a certainement pas plus de scandale à voir une femme passer dans les bras d'un autre homme par un nouveau mariage, qu'il n'y en a à voir son ci-devant mari rester dans les bras d'une autre femme en vertu du nouveau mariage qu'il a précédemment contracté avec elle; et la loi qui défendrait l'un, en permettant

l'autre, se contrarierait évidemment elle-même.

« 30 La religion enfin élève ici sa voix encore plus haut. Quel que soit le sort et la position de l'un des conjoints, qu'il soit remarié ou non, il suffit qu'il soit vivant pour qu'elle ne puisse consentir au mariage de l'autre conjoint. Que ce second conjoint se présente devant le prêtre et lui demande le sacrement, dans quelle position se trouvera ce prêtre, si la loi civile permet un second mariage, tandis que la religion le défend? La loi civile serait donc en opposition avec la religion!

>> Lorsque la loi du Divorce fut établie, il n'existait pas de religion d'Etat. On avait réglé le mariage comme institution purement civile, et abstraction faite de tout culte, mais aujourd'hui que la religion catholique est déclarée et reconnue par la charte, religion de l'État, la loi de l'État peut-elle être en contradiction avec la religion? Et c'est ce qui arriverait, s'il était permis au second conjoint de se remarier, parceque le premier l'a déjà fait.

» La religion n'examine pas la nature du mariage du premier conjoint; elle en respecte les effets civils et temporels; mais pour le sacrement, elle a aussi ses règles, règles qui sont invariables; et sitôt que, d'après ces règles, le second conjoint n'est plus valablement libéré, elle ne peut lui permettre un second mariage».,

Ici M. le rapporteur raisonne comme si le mariage était redevenu, par une conséquence de l'art. 6 de la charte constitutionnelle, ce qu'il était sous l'ancienne législation, c'est-à-dire, un acte essentiellement nul comme contrat civil, par cela seul qu'il serait nul comme sacrement (1): comme si la loi qui déclare qu'à ses yeux, le mariage n'est qu'un contrat civil, ne continuait de nous régir (2) ! Comme si des pas époux qui ne se marieraient que devant l'officier de l'état civil, pouvaient se jouer de leur engagement et en contracter un nouveau, avant qu'il fût légalement dissous! Comme s'il ne dépendait pas encore des époux qui se sont mariés devant l'officier de l'état civil, de faire ou de ne pas faire bénir leur mariage par un prêtré! Comme si les protestans et les juifs étaient incapables de se marier, parcequ'ils ne peuvent pas élever à la dignité de sacrement les mariages qu'ils contractent! Or, il n'y a pas

(1)V. le préambule de la déclaration du 26 novembre 1639, rapporté dans le Répertoire de jurisprudence, au mot Mariage, sect. 3, §. 1, no 3, quest. 2; et la déclaration du 15 juin 1697, rapportée au mème endroit, sect. 4, §. 1, no 11.

(2) V. Particle Biens nationaux, §. 1, no z.

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un mot de vrai dans toutes ces suppositions (1). Les raisonnemens de M. le rapporteur tombent donc d'eux-mêmes.

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Aussi n'ont-ils pas fait illusion à tous les membres de la chambre des pairs, dans le cours de la discussion qu'a subie dans cette chambre, le projet de loi du 7 décembre 1816. « Ce projet (a dit l'un d'eux) attaque les Divorces pronon»cés jusqu'à présent, en ôtant aux époux qui » les ont obtenus, la liberté acquise par ces Di»vorces, en changeant l'état civil dont ils jouis. » sent, en les condamnant à un célibat forcé, > non moins contraire à leurs droits, qu'au vœu » de la nature. C'est, dit-on, par respect pour >> leur premier noeud qu'on leur en interdit un » second; mais la même loi qui défend à l'é»poux resté libre de se remarier, maintient » l'engagement de celui qui a contracté un se»cond mariage. Le premier est-il donc plus in

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dissoluble pour l'un que pour l'autre ; et, s'il » l'est également pour tous les deux, la loi qui >> maintient le second mariage, en admettant l'indissolubilité du premier, ne consacre-t-elle >> pas une véritable polygamie? D'un autre coté, comment défendre tout-à-la fois à l'époux resté libre, et de former un nouvel engage»ment, et de reprendre ses premiers nœuds? >> Comment lui imposer la double loi d'être fi» dèle à sa femme, et de la voir dans les bras » d'un autre? Peut-il être en même temps es» clave et libre, marié et célibataire ? Voilà » dans quelles difficultés on s'engage en vou»lant mêler deux choses essentiellement dis»tinctes, le contrat et le sacrement, la loi ci» vile et la foi religieuse. Pourquoi, dans un » réglement politique aspirer à la domination » des consciences? Pourquoi vouloir, au nom » du ciel, gouverner les choses de la terre ? » C'est dans le for intérieur que doivent se ju» ger les questions relatives au lien religieux; » évitons de compliquer, par leur mélange, la législation extérieure. Il est des efforts, il est » des sacrifices que Dieu seul peut comman» der. Les lois humaines, bornées dans leur pouvoir, doivent l'être aussi dans leurs dispositions (2) »

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Ainsi restent dans toute leur force les argumens qui établissent que la loi du 8 mai 1816 n'aurait pas pu, sans injustice, retirer aux époux précédemment divorcés et dont elle maintenait le Divorce, la faculté de se remarier du vivant l'un de l'autre.

Ainsi, et à plus forte raison, s'évanouissent

(1) V. le Répertoire de jurisprudence, au mot Célibat, no 5

(2) Procès-verbal de la Chambre des pairs,session de 1816, tome jer, page 273.

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les prétextes dont on voudrait s'étayer pour dire qu'elle la leur a retirée de fait par son silence.

Ainsi, nul doute qu'ils ne conservent encore cette faculté.

§. XIII. De l'abolition du Divorce prononcée en France par la loi du 8 mai 1816, résulte-t-il un empêchement légal au mariage qu'un français voudrait aujourd'hui contracter avec une étrangère légalement divorcée dans son pays, et dont le ci-devant époux vit encore?

Cette question doit nécessairement être résolue dans le même sens que celle dont la discussion fait la matière du §. précédent. Le moyen, en effet, d'imaginer que la faculté d'épouser une française légalement divorcée avant la loi du 8 mai 1816, du vivant de son ci-devant mari, n'emporte pas celle d'épouser une anglaise ou une belge légalement divorcée dans son pays et dont le ci-devant mari vit encore? Il faudrait pour cela aller jusqu'à dire, ou que le mariage est interdit entre un français, et une femme étrangére, tandis que l'art. 12 du Code civil porte en toutes lettres que l'étrangère qui aura épousé un français, suivra la condition de son mari, ou que les femmes étrangères sont soumises en France à des empêchemens de mariage qui ne sont reconnus ni par les lois françaises ni par celles qui régissent leur domicile. Or, l'une et l'autre assertions seraient également insoutenables.

Voici cependant une espèce dans laquelle il en a été jugé autrement par la cour royale de Paris.

En 1824, le sieur Mansion, français, et la dame Mary Bryan, née en Angleterre et devenue irlandaise par un mariage dissous en 1822 par un Divorce légal, se présentent devant le maire du troisième arrondissement de Paris, et le prient de les marier.

Parmi les pièces qu'ils lui exhibent pour établir leur capacité, le maire en remarque une qui est ainsi conçue :

« Nous, consul général de sa majesté Britannique en France, certifions que ce qui suit est un extrait fidèle d'un article de la même teneur, faisant partie d'un acte du parlement, fait et passé en la troisième année du règne de sa majesté actuelle, le roi Georges IV, lequel acte relate et décrète la dissolution du mariage de sir John-Milley Doyle, chevalier, et de Mary Doyle, alors son épouse.

>> Ledit acte est intitulé: Acte pour dissou dre le mariage de sir John-Milley Doyle, chevalier, commandeur du très-honorable or

dre militaire du Bain, et lieutenant-colonel de l'armée, et de Mary Doyle, actuellement son épouse, et pour lui donner la faculté de se remarier, et pour d'autres fins y mention

nées.

» Consentement royal, du 1er juillet 1822. » Et il est décrété par sa majesté le roi, sur l'avis et du consentement des lords spirituels et temporels, et de la chambre des communes dans le présent parlement assemblé, et par l'autorité d'icelui, que lesdits liens du mariage entre ledit sir John-Milley Doyle et ladite Mary, son épouse, ayant été rompus par l'adultère manifeste et évident de ladite Mary, ledit lien du mariage serait et est pour le présent et pour l'avenir, entièrement dissous, annulé, cassé et rendu nul dans tous les sens, et à tous égards quelconques.

>> Et nous, ledit consul général, certifions avoir collationné l'extrait qui précède avec un exemplaire imprimé dudit acte du parlement, et qu'en Angleterre, ledit acte du parlement a force de statut ou loi définitive, qui est sans appel, et auquel pleine foi et croyance doivent être ajoutées, tant en Angleterre que dans les pays étrangers, pour autant que cela concerne la dissolution du susdit mariage entre lesdites parties y mentionnées.

»>En foi de quoi, j'ai apposé au présent ma signature et le sceau de mon office, en ma susdite qualité de consul général.

Paris, le 25 février 1824 ». ture du consul général.

Suit la signa

A la vue de cette pièce, le maire, regardant la dame Bryan comme incapable de se marier en France, se refuse à la célébration du mariage qu'elle se propose de contracter avec le sieur Mansion. Cependant il en réfère au procureur du roi, qui lui répond qu'il incline à croire que son refus est fondé.

Le sieur Mansion et la dame Bryan font assigner le maire devant le tribunal de première instance du département de la Seine, pour voir dire qu'il sera tenu de les marier.

Le maire s'en rapporte à la prudence du tribunal, mais l'avocat du roi entreprend de justifier son refus, et il emploie pour cela deux

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tion en pays étranger est postérieure à cette loi».

M. Férey, avocat de la dame Bryan, répond ainsi à ces deux moyens :

<< La capacité de former le lien de mariage, tient essentiellement à l'état des personnes. L'état des personnes est de droit public; et le mariage qui est le principe et le fondement des sociétés, tient par-dessus tout à l'ordre public. Ainsi, pour savoir si telle personne qui veut se marier hors de sa patrie, est majeure ou mineure, libre ou engagée dans les liens du mariage, il faut nécessairement se reporter aux lois de son pays natal. On ne peut donc être gouverné, sous le rapport du mariage, que par la loi du pays auquel on appartient.

» Cependant on conteste aujourd'hui à une étrangère divorcée conformément à ses lois nationales, le droit de contracter en France une nouvelle union avec un français, parceque, ditun, le Divorce n'est plus admis en France. Mais l'état des personnes ne saurait être mixte; on ne peut être ensemble majeur et mineur; et pourtant, si l'on admettait l'opposition formée au mariage de madame Bryan, le sort de cette étrangère serait d'être considérée à la fois comme esclave et comme libre, comme célibataire et comme mariée, comme divorcée et comme unie d'une manière indissoluble, selon pays où elle se trouverait ».

le

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Après ce début, M. Férey rend compte des faits; et à l'appui de l'acte délivré à sa cliente, le 25 février 1824, par le consul général d'Angleterre, il invoque un certificat de l'ambassadeur du même gouvernement, du 6 mai suivant, qui atteste que, « quand un mariage » est dissous par un acte du parlement d'Angleterre, les époux, dont le mariage est ainsi >> annulé, sont tous les deux libres de contracter » de suite un second mariage avec qui bon leur >> semble, sans même qu'il soit nécessaire » que la permission de se remarier soit formelle>>ment introduite dans l'acte de Divorce, même » en cas d'adultère, seule cause (sauf celle » provenant des défauts de la nature) pour laquelle le Divorce est permis en Angleterre

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De là M. Férey conclud que ce n'est pas une simple séparation de corps qui a été prononcée par l'acte du parlemeut d'Angleterre, du mois de juillet 1822, entre le sieur John-Milley Doyle et la dame Bryan, mais que cet acte a véritablement dissous leur mariage.

« Ainsi (continue-t-il), il est impossible de ne pas reconnaître que madame Bryan est devenue libre et capable de contracter légitimement un second mariage. Cette capacité ne lui est pas acquise seulement en Irlande, mais

partout où elle voudra résider, parceque cette capacité résulte d'un statut personnel qui règle le sort des personnes d'une manière générale et absolue.....

» Dans toute espèce de contrat, il faut distinguer la capacité de la personne de la teneur de l'acte; pour la teneur de l'acte et lorsqu'il s'agit des formes, c'est le lieu de la passation qu'il faut considérer,parcequ'il y a nécessité dans les actes que l'on passe, de se soumettre aux formalités en usage dans le lieu où l'on contracte: la loi nationale determine la capacité de la personne. Ainsi, l'art. 3 du Code civil dispose: » Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire.

» Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi fran çaise.

» Les lois concernant l'état et la capacité des personnes, régissent les Français, même résidant en pays étranger.

>> Cet article renferme la distinction la plus exacte entre les status personnels et les status réels.

po

>> On ne pourrait sans doute prétendre sérieusement que la capacité de contracter mariage, est déterminée dans la première partie de cet art. 3; car la loi des mariages, qui intéresse si hautement la morale, ne pourrait être appelée, pour ainsi dire, une loi de haute lice. La nature de pareilles lois est d'être prohibitive ou impérative, tandis que la loi du mariage est facultative; et les formes habilitantes d'un acte, ayant pour objet de le permettre ou de le prohiber, relativement à certaines personnes et dans certains cas determinés, touchent à la capacité de ces personnes, et les dispositions qui la régissent sont des lois personnelles.

» Mais, dit-on, le mariage est d'ordre public; la loi qui le régit, assure le repos des familles, la pureté des mœurs et l'honneur de l'union conjugale. Ce serait donc y porter une atteinte grave que d'admettre des étrangers à s'autoriser de leurs statuts personnels, pour introduire chez nous, par exemple, la polygamie el l'inceste, consacrés par les lois de certains peuples.

» Mais madame Bryan ne veut point souiller la société conjugale par de parcils désordres; elle n'invoque son statut personnel qu'en ce qu'il peut avoir de conforme aux lois de France; elle n'invoque son statut personnel que pour prouver qu'elle est libre, qualité essentielle exigée par la loi du mariage en France.

>> Nos lois permettent à un Français d'épouser une étrangère; elles ont le droit de soumettre cette étrangère à remplir certaines forma

lités, de l'obliger, par exemple, de justifier de l'âge compétent et du consentement des parens. Cependant des officiers de l'état civil ont célébré, d'après l'avis de M. le procureur du roi, les mariages d'étrangers âgés de 21 ans, sur un certificat qui déclarait qu'à cet âge, ils étaient dispensés, d'après leurs status personnels, de représenter l'acte de consentement de leurs parens. Ce n'est pas tout: nos lois ajoutent que l'on ne peut contracter un nouveau mariage avant la dissolution du premier : ne suffit-il pas à une étrangère de rapporter la preuve légale de la dissolution de son premier mariage? Le polygame détruit la chasteté du mariage, l'incestueux souille la pureté des mœurs dont la famille doit être le sanctuaire; il y aurait du danger à admettre le désordre de leurs unions scandaleuses. Mais l'étranger divorcé qui veut contracter en France une nouvelle union que nos lois déclarent indissoluble, rend hommage à la sévérité de nos lois et à la morale publique.

» Les lois françaises sur le mariage, règlent l'état des Français seulement; les époux étran gers ont leur état réglé par les lois de leur pays....

» Si donc l'on consulte les lois irlandaises, qui sont les lois matrimoniales de la dame Bryan, on reconnaît qu'elle est libre, non seulement en Irlande, non seulement en Angleterre, mais partout où elle établira sa résidence et son domicile; elle est donc capable de contracter en Erance une nouvelle union; puisqu'elle n'est plus engagée dans les liens du mariage.....

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Mais, si la loi du 8 mai 1816 a supprimé le Divorce, au moins ne faut-il pas en étendre les conséquences. En restreignant aux effets de la séparation les jugemens rendus sur une demande en Divorce, elle a respecté ce principe si général, si important, qui défend de porter atteinte à la chose jugée : ne convellantur res judicatæ. Les lois introductives d'un droit nouveau ne règlent que l'avenir et non le passé; c'est un principe répandu partout. Ainsi, une loi ne peut anéantir ce qui a été fait en vertu de la loi qu'elle abroge; de là ce principe qui établit, pour la conservation des droits acquis, que la loi ne dispose que pour l'avenir, qu'elle n'a pas d'effet rétroactif; or, la loi nouvelle ne peut toucher sans rétroaction, à tout ce qui constitue un droit acquis.....

» Ces principes ont été confirmés par le rapporteur de la loi du Divorce à la chambre des députés; M. Corbière disait:

» Dans tout ce qui est contrat de mariage, et en général dans tout ce qui concerne l'état

des personnes, les citoyens demeurent_toujours soumis aux lois, telles qu'elles peuvent étre successivement rendues; on n'a jamais élevé de difficulté à cet égard. Sans sortir de la matière, lorsque la loi de 1792 a été rendue, elle a, sans la moindre difficulté, régi les mariages antérieurement contractés. Siun époux, refusant le Divorce, eút invoqué contre l'autre le statut matrimonial de l'époque de leur mariage, une pareille exception n'auruit pas été accueillie. Ainsi, il ne pourrait y avoir le vice de rétroactivité sérieusement opposé.

» Et il ajoutait: Ainsi, à moins que le Divorce n'ait été consommé, le mariage subsiste; la loi que vous allez rendre, trouve les époux dans l'état de mariage, ELLE NE RÉTROA

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et

» La loi du 8 mai 1816 n'a donc eu pour objet pour effet que d'abolir le Divorce et de convertir les demandes et instances en Divorce pour causes déterminées, en demandes et instances en séparation de corps. On a senti qu'il fallait une loi spéciale pour régler les effets du Divor ce. Cette loi a été proposée, mais elle n'a pas été adoptée, et il faut en conclure que les effets du Divorce ont continué d'être réglés par la loi même qui avait introduit le Divorce.

» Avoir démontré, par les actes et les discussions des chambres législatives, qu'aucune loi n'a interdit aux éponx divorcés légalement la faculté de se remarier, n'est-ce pas avoir démontré également que la dame Bryan est libre de contracter mariage, puisqu'elle a une capacité égale à celle qui est exigée pour les regnicoles?

» Sa qualité d'étrangère ne peut être un obstacle à la célébration de son mariage, puisque la loi permet à un Français d'épouser une étran gère. Reste donc la seule objection que la dissolution du mariage du premier lien a été prononcée postérieurement à la loi abolitive du Divorce.

>> Cette objection est la moins grave, car une fois qu'il est avoué que la loi française reconnaît le Divorce, puisqu'il a existé, et que ses effets durent encore, il suffit qu'un étranger rapporte la preuve légale et authentique de son

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