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dans les circonstances où se trouvait le roi Charles Emmanuel, en 1794, la vente des Do

domaine de la Gianorera a été aliéné, soit pour le rachat de biens domaniaux, soit pour la défense et la conservation de l'É-maines de sa couronne devait lui être, non pas

tat?

>> Or, 1o nul doute que l'édit du 8 février 1751 ne fût encore en pleine vigueur à l'époque de la vente dont il est ici question.

>> La régie des domaiues soutient,à la vérité, que cet édit avait été abrogé par les constitutions du 7 avril 1770.

» Mais, d'une part, les constitutions du 7 avril 1770 n'abrogent que les edits antérieurs qui s'occupaient des matières qu'elles réglent elles-mêmes ; et il est certain, nous nous sommes même convaincus par nos propres yeux, qu'elles ne contiennent aucune disposition sur les diverses caisses de la trésorerie générale, et encore moins sur leur destination respective.

>> D'un autre côté, l'arrêt de la cour d'appel de Turin qui vous est dénoncé, articule, comme un fait notoire et indubitable, que, sous l'empire tant des constitutions de 1729, que de celles de 1770, les édits foncièrement financiers de 1749 de 1751 ci-dessus relates, ont été constamment en vigueur; en sorte que c'est à ces édits que se sont référés, en termes exprès, tous les manifestes de la chambre des comptes qui, de temps en temps, ont été publiés, soit pour les inféodations, soit pour le aliénations de biens domaniaux. Aussi (ajoute cet arrêt) pareille relation se trouve-t-elle dans le manifeste du 29 août 1794, ou les biens acquis par Montabone, ont été compris.

» 2o Les lettres-patentes du 25 octobre 1794 imposent expressément au sieur Montabone, la condition de verser le prix de son acquisition dans la caisse di redenzione. C'est donc comme si elles énonçaient, en termes exprès, que la vente faite au sieur Montabone, l'a été, soit pour racheter d'autres biens domaniaux, soit pour pourvoir à la défense de l'État; c'est donc comme si elles énonçaient que cette vente est, ou conseillée par une évidente utilité, ou commandée par une nécessité urgente.

» L'arrêt de la chambre des comptes du 21 novembre 1794 reconnaît, non seulement que la condition dont nous venons de parler, a été imposée au sieur Montabone par son contrat, mais encore qu'il l'a remplie. C'est donc comme s'il déclarait que le prix payé par le sieur Montabone, est destiné à racheter des biens domaniaux, ou à rembourser des dettes contractées pour la défense des Etats du prince. C'est donc comme s'il déclarait que la vente faite au sieur Montabone, l'a été pour une nécessité pressante ou pour un avantage manifeste.

>> Et vous concevrez facilement, MM., que,

conseillée par un avantage manifeste, mais commandée par la nécessité la plus impérieuse. Déjà dépouillé depuis deux ans de la Savoie el du Comté de Nice, il était réduit à défendre le Piémont; et la guerre qu'il soutenait, pour cet objet, contre la république française, devait lui être d'autant plus onéreuse, que ses ressources étaient notablement diminuées.

» Le fait concourt donc ici avec les moyens de droit, pour établir que la cour d'appel de Turin a justement appliqué, dans l'affaire qui vous occupe en ce moment, les dispositions des lois piémontaises, du 7 avril 1770, et celles de la loi du 14 ventôse an 7; et par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu de rejeter la requête de la régie des domaines ». Par arrêt du 11 octobre 1809, au rapport de M. Pajon,

«< Attendu 10 qu'il est établi, en fait,par l'arrêt attaqué, que l'édit du roi de Sardaigne, du 8 février 1751, n'a jamais cessé d'y être en vigueur depuis sa promulgation jusqu'à l'époque de la réunion du Piément à l'empire fran çais;

» 20 Qu'il résulte textuellement d'une de ses dispositions, que tous deniers provenant d'alienation des biens du Domaine de la couronne, de l'espèce de celle dont il s'agit en la cause, seraient versés dans la caisse di redenzione, et n'en pourraient sortir que pour être employés au rachat de biens domaniaux, ou au paiement de dettes contractées par la couronne pour la défense et la conservation de l'État;

» 30 Qu'il s'ensuit donc, par une conséquence nécessaire, que toutes les fois que le prix d'une pareille aliénation avait été versé dans ladite caisse, on ne pouvait se dispenser de le considérer comme ayant été employé pour cause de nécessité ou d'utilité publique, ni obliger l'aliénataire d'en justifier l'emploi, sous peine de révocation;

» 4° Qu'il est pareillement reconnu par cet arrêt, et non contesté d'ailleurs par l'administration demanderessse, que le prix de l'aliénation faite au sieur Montabone, par les lettres-patentes du 25 octobre 1794, a été versé dans ladite caisse; et que toutes les autres formalités requises pour sa validité, y ont été observées;

}

» 50 Qu'il résulte évidemment de ce que des sus, qu'en déboutant l'administration de sa demande en révocation, l'arrêt n'a fait qu'une juste application de la loi du 14 ventôse an 7; » La cour rejette le pourvoi ».

§. IV. 10 Les biens domaniaux du Piémont peuvent-ils, pour cause de nécessité urgente ou d'avantage manifeste, être vendus à crédit?

2o Les ventes de ces biens, qui n'ont été entérinées que provisoirement parla chambre des comptes de Turin, sont-elles valables ?

30 L'art. 10 du décret du 10 septembre 1806 avait-il couvert la nullité de ces ventes, par rapport à la France, dans le temps où le Piémont y était réuni ?

Le 28 avril 1797, manifeste ou proclama tion de la chambre des comptes de Turin, qui annonce la mise en vente d'nn moulin situé à Ponte-d'Assio, principauté d'Oneille, réuni au Domaine par un arrêt de la même cour, du 1er décembre 1721.

Le 26 décembre suivant, lettres-patentes par lesquelles Charles Emmanuel, roi de Sardaigne, déclare vendre ce moulin à Laurent Verda, qui le possédera en franc-alleu, sans pouvoir en être évincé par le rachat, à la faculté duquel le roi renonce expressément; et ce, moyennant la somme de 45,000 livres, payable dans la caisse di redenzione, en vertu de l'édit du 8 février 1751, savoir, moitié comptant, et le surplus dans deux années, avec les intérêts à 4 pour 100; dérogeant, en ce qui concerne le délai accordé pour le paiement, aux art. 10 et 12 du tit. 6 du liv. 6 des constitutions du 7 avril 1770.

Le 30 du même mois, arrêt de la chambre des comptes, qui, vu la quittance du trésorier-général, constatant que le sieur Verda a versé 22,500 livres dans la caisse di redenzione, conformément à l'édit du 8 février 1751, et attendu que le prix stipulé excède de 1,086 livres la valeur de l'immeuble calculée d'après le taux commun des fermages, entérine pro visoirement les lettres-patentes, et enjoint à l'acquéreur de requérir l'entérinement définitif, après le solde de la seconde moitié du prix effectué dans le délai fixé par le roi.

Le 22 décembre 1798, le sieur Verda paie à la caisse di redenzione, les 22,500 livres qui restent dues sur le prix; mais la quittance ne lui en est délivrée que le 29 mars 1799, et il n'y est pas énoncé qu'il ait en même temps payé les intérêts auxquels il était obligé par le contrat.

Le 26 février 1808, le sieur Verda, pour satisfaire à la loi du 14 ventôse an 7, dépose à la préfecture du département de Montenote, une déclaration de l'immeuble qu'il a acquis de l'ancien Domaine de la couronne du Piémont ; mais en même-temps qu'il sou

tient n'être point dans le cas où cette loi assujetit les acquéreurs de Domaine à payer au trésor public le quart de leur valeur, pour obtenir la maintenue définitive dans leurs acquisitions.

Le 13 avril suivant, l'administration de l'enregistrement et des domaines fait au sieur Verda la notification prescrite par l'art. 22 de la même loi.

Le 8 juillet de la même année, sur l'opposition du sieur Verda à cette notification, le conseil extraordinaire de liquidation établi à Turin, prend un arrêté par lequel, considérant la vente faite au sieur Verda comme révoquée par la loi du 14 ventôse an 7, il renvoie les parties à se pourvoir devant les tribunaux competens pour faire statuter sur la question de propriété.

L'affaire est en conséquence portée devant le tribunal civil de l'arrondissement de PortMaurice, qui, par jugement du 30 novembre suivant, déclare le sieur Verda propriétaire incommutable du moulin de Ponte-d'Assio.

L'administration appelle de ce jugement à à la cour de Gênes.

Le 14 mars 1809, arrêt par lequel,

«<< Considérant que, d'après la disposition formelle de l'art. 2 de la loi du 14 ventôse an 7, l'alienation faite au sieur Laurent Verda, d'un moulin à grains situé à Ponte-d'Assio, par lettres-patentes du roi de Sardaigne, en date du 19 décembre 1797, doit être réglée suivant les lois qui régissaient les États du Piémont à cette époque; que les constitutions générales du Piémont, publiées le 7 avril 1770, avaient, à la vérité, fixé en principe l'inaliénabilité du Domaine royal, mais qu'elles admettaient aussi une exception à cette règle générale pour la cause d'une urgente nécessité ou d'une évidente utilité de la couronne; que, dans ce cas, l'aliénation du Domaine etait autorisée, même avec renonciation au droit de rachat pour les effets qui seraient vendus eu alleu; et que c'était à la chambre des comptes qu'il était réservé de connaître et de vérifier si l'aliénation était vraiment faite pour une de ces causes, si le prix était juste, et si le paiement en avait été fait à la trésorerie en deniers comptant.....;

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Que dans l'espèce, la chambre des comp. tes ayant annoncé par son manifeste du 28 avril 1797, la mise en vente du moulin de Ponte d'Assio, conjointement à plusieurs auttres biens domaniaux, elle avait, dès-lors, reconnu solennellement la nécessité urgente des aliénations mentionnées audit manifeste

» Que l'utilité et la convenance de celle dont il s'agit, ont été ensuite particulièrement reconnues par arrêt de la même chambre, du 30 décembre de la même année, par lequel elle a entériné, avec les formalités accoutumées, le contrat de vente dudit moulin de Ponte-d'Assio;

» Que, par cet entérinement, elle a ainsi sanctionné pareillement, soit le délai de deux années accordé à l'acquéreur pour payer une portion du prix convenu, soit la dérogation portée à cet effet aux articles des constitu tions générales, d'après lesquelles les aliéna tions du domaine ne pouvaient être entéri nées avant que le prix fût entièrement acquitté ;

» Que, dès lors, la validité de cette dérogation ne pourrait être révoquée en doute, sans méconnaître le pouvoir absolu dont les souverains du Piémont étaient investis, et la faculté qu'ils ont toujours exercée de déroger, même dans des cas particuliers, aux constitutions de l'État avec la seule intervention de leurs cours suprêmes;

» Considérant que, si la chambre des comptes, par son arrêt du 30 décembre, impose à Laurent Verda l'obligation de requérir un second entérinement, lorsqu'il aurait soldé le prix de son acquisition, cette formalité n'avait ni ne pouvait avoir d'autre objet que celui de s'assurer que le paiement aurait été fait de la manière déterminée par les lois, puisque la question relative, soit à la nécessité, soit à l'utilité et à la convenance de la vente, ayant déjà été définitivement décidée, ne pouvait plus être soumise à un nouvel examen;

» Qu'ainsi, le sieur Verda, qui a justifié, par la production de ses quittances, d'avoir fait son paiement intégral, conformément à la loi, et à qui aucun délai péremptoire n'était fixé, ni par les constitutions, 'ni par l'arrêt de la chambre, pour requérir l'entérinement définitif, a un droit acquis à cet entérinement qui ne saurait lui être raisonnablement contesté, et que comme la chambre des comptes ne pourrait, si elle existait encore, sous le prétexte du défaut d'une pareille formalité, résoudre, d'après les lois lors en usage, l'aliénation dont il s'agit, il doit être également ferme et irrevocable pour les tribunaux de la France, qui doivent juger cette constestation par les mêmes règles qu'auraient suivies les anciens tribunaux pié montais;

» Qu'enfin, c'est aussi inutilement que l'on prétendrait en faire dériver la révocabilité, de ce que l'acquéreur n'aurait pas payé les

intérêts convenus sur la portion du prix pour laquelle un délai lui a été accordé puisque, fût il vrai que, dans le fait, Verda n'eût jamais payé ces intérêts, il n'en résulterait pas, pour l'administration des domaines, le droit de demander la résiliation du contrat, mais uniquement celui de poursuivre ledit Verda en paiement de cette dette, les intérêts ne faisant nullement partie du prix de la vente, et n'étant ici que le correspectif des revenus de la chose vendue ;

» Que de tout cela il s'ensuit que le roi de Sardaigne a pu valablement aliener de son Domaine le moulin à grains faisant l'objet des lettres-patentes du 19 décembre 1797; que toutes les formalités prescrites par les lois lors en usage, ont été observées en ce contrat, qu'enfin l'aliénation a été parfaitement consommée avant la réunion des etats du Piémont à la France;

Par ces considérations et adoptant au surplus les motifs énoncés par M. le procureur général dans ses conclusions, la cour met l'appel au néant, et ordonne que le jugement du tribunal de première instance seant à Port-Maurice, du 30 novembre 1808, sortira son plein et entier effet... ».

Recours en cassation de la part de l'administration de l'enregistrement et des domai

nes.

« Les moyens de cassation sur lesquels est fondé ce recours (ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, te 8 février 18ìo), se réduisent à cette proposition principale: la cour d'appel de Gênes, en déclarant le sieur Verda propriétaire incommutable du moulin de Ponte-d'Assio, a violé l'art. 2 de la loi du 14 ventose an 7, qui, sur la révocabilité ou l'irrevocabilité des alienations de Domaine, dans les pays réunis, se réfère aux lois qui étaient en vigueur dans ces pays à l'époque de leur réunion.

» Mais cette proposition principale étant subordonnée à la question de savoir si, d'après les lois qui régissaient le Piémont en 1797, la vente faite au sieur Verda, du mou lin domanial de Ponte d'Assio, devait être maintenue comme irrévocable, ou si elle de vait être regardée comme révoquée; l'admi nistration des domaines s'attache à établir qu'en maintenant cette vente comme irrevocable, la cour d'appel de Gènes a violé les constitutions piémontaises du 7 avril 1770, 1o en ce que ces lois n'autorisaient l'aliénation des biens domaniaux, surtout avec renoncia tion au rachat, que pour des causes de néces sité urgente ou d'évidente utilité, quinesont, ni énoncées dans les lettres-patentes du 19

décembre 1797, ni vérifiées par l'arrêt d'entérinement provisoire du 30 du même mois; 2o en ce que ces lois ne permettaient à la chambre des comptes d'entériner de pareilles aliénations, que sur le vu de la quittance du solde du prix ; 3° en ce que ces lois réputaient nulle toute alienation de biens domaniaux qui n'a vait pas été entérinée definitivement par la chambre des comptes.

» Ainsi en dernière analyse, c'est sur trois moyens de cessation qu'est fondé le recours de l'admistration des domaines; et ces trois moyens sont puisés dans les dispositions des lóis piemontaises, du 7 avril 1770, combinées avec l'art. 2 de la loi du 24 ventôse an 7.

» Le premier de ces moyens est déjà écarté par l'arrêt que vous avez rendu du 11 octo bre 1809, sur le recours de la régie des do maines contre celui de la cour d'appel de Turin du 10 février précédent.

» En effet, dans l'espèce actuelle, le sieur Verda n'a acquis, comme le sieur Montabone, que sous la condition de verser le prix de son acquisition dans la caisse di redenzione; et, comme le sieur Montabone, il l'a effectivement versé dans cette caisse. Il est donc, comme le sieur Montabone, censé avoir acquis un bien domanial aliéné pour cause de nécessité urgente ou d'évidente utilité. L'administration des domaines n'est donc pas fondée dans le reproche qu'elle fait à l'arrêt dont il s'agit en ce moment, d'avoir violé les dispositions des constitutions du 7 avril 1770,qui ne permettent d'aliéner les biens domaniaux que pour cause d'évidente utilité ou de nécessité urgente.

« Le second moyen paraît mériter une at. tention beaucoup plus sérieuse : il est tiré de l'art. 10 et de l'art. 12 du tit. 2 du liv. 6 des constitutions du 7 avril 1770.

» L'art. 10 porte: Dans le cas auquel nous avons permis comme dessus (c'est-à-dire, comme l'exprime l'art. 9, pour une urgente nécessité ou une utilité évidente de la couronne), les aliénations ou inféodations des choses appartenant à notre patrimoine royal, nous voulons que le prix pour lequel elles auront été aliénées ou inféodées soit payé EN DENIERS COMPTANT en notre trésorerie et qu'on ne regarde point comme légitime tout autre paiement fait de quelque manière que ce puisse être, même entre nos mains, ou entre celles de nos royaux successeurs.

» Par ces mots, soit payé en deniers comp· tant, le législateur fait clairement entendre, non seulement (comme l'a prétendu le procureur général de la cour d'appel de Gênes, dans ses conclusions adoptées par l'arrêt attaqué) que le prix doit être

payé en numéraire réel et non en billets, obligations ou papiers monnaie, mais encore qu'il ne peut être accordé, pour le paiement du prix aucune espèce de délai.

» Et ce qui prouve d'une manière sans répli que, que tel est le sens dans lequel ils étaient constamment entendus, c'est que le roi Charles-Emmanuel a cru ne pouvoir accorder au sieur Verda un délai de deux ans pour acquitter la moitié du prix de son acquisition qu'en dérogeant, par une disposition expresse des lettres patentes du 19 décembre 1797, à l'art. 10 du tit. 2 du liv. 6 des constitutions du 7 avril 1770.

» Mais au surplus, toute espèce de doute disparaît à la lecture de l'art. 12 du même titre la chambre des comptes, y est-il dit, avant que d'admettre lesdites aliénations, reconnaîtra si elles sont faites pour une nécessité véritablement nrgente ou une évidente utilité, si le prix en est juste et répond à la valeur de la chose aliénée, comme encore si LE PAIEMENT EN A ÉTÉ FAIT de la manière cidessus établie.

>> Rien, comme vous le voyez, Messieurs, de plus expressif que ces termes si le paiement en a été fait. Il faut donc, pour que la chambre des comptes puisse admettre une aliénation, qu'elle s'assure que le prix en a été payé et ce qu'il y a de singulièrement remarquable, c'est que la loi qui lui impose cette obligation,la met au niveau de celle qu'elle lui impose également, de vérifier si l'aliénation est nécessaire ou utile, et si le prix répond à la valeur réelle de la chose aliénée. Ainsi, la chambre des comptes ne peut pas plus admettre une aliénation dont le prix n'a pas encore été payé au moment où elle s'en occupe, qu'elle ne pourrait l'admettre, s'il n'y avait pour la couronne, ni nécessité ni avantage à aliéner, ou si le prix était inférieur à la véritable valeur du bien. Ainsi, de même que la chambre des comptes devrait improuver une aliénation faite à vil prix, ou sans nécessité comme sans utilité, de même aussi elle doit improuver une aliénation dont le prix n'a pas encore été payé, et par conséquent une aliénation pour le paiement du prix de laquelle il est accordé à l'acquéreur un terme quelconque.

Or, telle était précisément l'aliénation faite au profit du sieur Verda du moulin de Ponte. d'Assio. Par les lettres-patentes qui opéraient cette aliénation, le sieur Verda n'était obligé que de payer comptant la moitié du prix, et un terme de deux ans lui était accordé pour le paiement de l'autre moitié.

Donc la chambre des comptes ne pouvait pas admettre cette aliénation; donc, en l'ad

mettant, elle a fait ce que lui défendait la loi: donc c'est comme si elle ne l'avait pas admise; donc, cette alienation est nulle; donc elle n'est susceptible de l'application d'aucune des exceptions écrites dans la loi du 14 ventôse an 7; donc, elle est soumise aux dispositions générales de cette loi.

» Mais, a dit la cour d'appel de Gênes, le roi Charles-Emmanuel a derogé, en faisant cette alienation aux articles des constitutions piémontaises qui exigeaient que le prix en fût payé comptant, et il a pu y déroger, puisqu'il exerçait dans ses États un pouvoir absolu, puisqu'il était le seul législateur de ses États.

» Avec cette manière de raisonner, il n'y a pas une seule alienation de biens domaniaux que la loi du 14 ventôse an 7 pût atteindre, car toutes les fois qu'un monarque aliénait, soit par des lettres-patentés, soit par un arrêt de son conseil, des biens dépendans du Domaine de la couronne, il dérogeait nécessairement, lors même qu'il ne s'en expliquait pas en termes exprès, à la loi générale qui déclarait ce domaine inaliénable: il y a, en effet, dérogation à une loi antérieure, toutes les fois qu'il se fait, par un acte subséquent du pouvoir législatif, une disposition contraire à cette loi. Si donc on pouvait, en cette matière, admettre de pareilles dérogations, la loi du 14 ventóse an 7 serait évidemment sans objet, et il n'est pas un seul Domaine aliéné auquel on pût en faire l'application, puisqu'il n'en est pas un seul pour l'aliénation duquel on ne pût dire que le prince avait dérogé à la loi générale de l'inaliénabilité.

» Combien n'y a-t-il pas eu en France, notamment depuis la célèbre ordonnance de fé. vrier 1566, de lettres-patentes, d'arrêts du conseil, d'édits même enregistrés, qui sans avoir égard à cette loi conservatrice, ont autorisé des aliénations incommutables de biens do. maniaux! Ces aliénations, s'il fallait en croire la cour d'appel de Gênes,seraient toutes maintenues, et cependant, non seulement personne ne doute qu'elles ne soient toutes révoquées par la loi du 14 ventôse an 7, mais même personne n'a jamais douté, avant cette loi, qu'elles ne fussent radicalement nulles, et c'est ce que remarquait le parlement de Paris dans d'anciennes remontrances que nous a conservées Brillon, au mot Domaines, no 29.

» Il y a (disait-il) deux lois, la loi des rois, la loi du royaume. Quant à la loi que les rois font, elle est muable et peut-être changée selon que les affaires le requièrent; et l'inclination des rois, pour la variété des temps et circonstances, si incommodité il y a, les mue

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et change comme bon leur semble. Mais quant à la loi du royaume, qui a été devant les rois et qui sera après les rois, elle sera éternelle et perpétuelle; ainsi, comme la puissance est éternelle, comme dépendante de Dieu, qui est perpétuel et éternel, il a toujours été soutenu par le parlement, pour la conservation du Domaine et patrimoine de la couronne de France, que l'aliénation ne se pouvait faire, sinon à faculté de rachat perpétuel.

» Le parlement a toujours insisté, et pour autant qu'il ne pouvait résister à lá volonté du roi, comme il est mal aisé de le pouvoir faire, s'est trouvée une protestation enregis trée ès-registres, par laquelle fut arrêté que, quelque chose qui se passat, quelque registre qui fût fait des aliénations que le roi ferait pendant son temps, encore qu'elles fussent passées sans contradiction et sans remontrances, néanmoins l'on n'y aurait aucun égard, si le cas était que les choses fussent remises en doute; que le roi mémey pourrait contrevenir; et que n'y contrevenant, ses successeurs le pourraient faire.

» Cette protestation, qui fort bien gardée ès-registres du parlement, a fort bien gardé le patrimoine de la couronne et rompu les aliénations et dispositions qui avaient été faites par le roi Louis XII; et de cette protestation, les rois se sont toujours aidés et aident par chacun jour, quand on se veut aider des aliénations, dons et bienfaits du temps du roi Louis XI, etc.

» C'est ce que disait aussi le savant Gilbert, inspecteur-général des domaines, au sujet d'aliénations faites, sous le règne de Henri IV, en vertu d'édits enregistrés dans toutes les 'cours: Personne n'ignore aujourd'hui (ce sont ses termes) que ces dispositions que les malheurs publics avaient produites, n'ont pu imprimer un seul instant à ces Domaines le caractère d'une parfaite expropriation; que le roi peut toujours y rentrer avec justice; et que ces prétendues aliénations à perpétuité ne sont considérées que comme de simples enga¬ gemens.

» Enfin, c'est ce que la cour a jugé positivement le 10 brumaire an 12, au rapport de M. Babille.

>> Par contrat du 5 mars 1789, des commissaires nommés par un arrêt du conseil, du 27 octobre 1787, se fondant sur les arrêts du con. seil des 29 décembre 1680 et 23 juillet 1686, et sur l'édit du mois de mars 1708, qui autori saient l'aliénation, à perpétuité et sans rachat, de tous les moulins domaniaux, avaient concédé au sieur Tête-Noire la Fayette, les grandmoulins de Saint-Etienne, pour en jouir à titre

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