LA TRADITION DÉFENDUE SUR LA MATIÈRE DE LA COMMUNION SOUS UNE ESPÈCE, contre les réponses de deUX AUTEURS PROTESTANS. BOSSUET. XXIV. I AVERTISSEMENT. I. Des deuxRé Traité. LA charité de Jésus-Christ nous presse de faire un dernier effort pour lever les difficultés, que ponses qu'on nos Frères ou obstinés ou infirmes, soit qu'ils a faites à ce soient loin, ou qu'ils soient près, dans le royaume ou hors du royaume, (car la charité les embrasse tous) trouvent dans la communion sous une seule espèce. A les entendre parler, vous diriez que tout le christianisme consiste à recevoir les deux espèces du saint Sacrement. La matière de la justification, dont on a fait autrefois le principal sujet de la rupture, ne les touche plus; ils ont ouvert les yeux, et ils ont reconnu que le saint concile de Trente a enseigné tout ce qu'il falloit pour établir la doctrine de la grâce chrétienne, et pour appuyer en Jésus-Christ seul la confiance de l'ame fidèle. Ils trouvent des expédiens pour appaiser les scrupules qu'on leur a fait naître sur la sainte Eucharistie; et une union authentique que leur synode de Charenton a faite avec les Luthériens leur en donne les moyens. Quoi qu'on leur puisse dire, ils sentent bien, dans leurs consciences, que la transsubstantiation n'ajoute qu'une légère difficulté à la présence réelle; ét l'adoration, suite nécessaire de cette présence, les inquiète moins qu'auparavant. Ce qu'ils ne cessent de nous demander, c'est la coupe et la communion sous les deux espèces, comme si toutes les controverses étoient réduites dorénavant à ce seul point. Ce n'est pas ce qu'on en a cru au commencement, non plus que dans le progrès de la nouvelle Réforme. Au commencement, Carlostad ayant entrepris de renverser les images, et de donner la coupe en l'absence de Luther, et sans le consulter, ce nouveau prophète le reprit sévèrement en ces termes, dans la lettre à son ami Gaspard Guttolius (1): « J'ai » offensé Carlostad en cassant ses ordonnances. >> Par son impertinente manière d'enseigner, il » avoit persuadé au peuple qu'on devenoit chré> tien par ces choses de néant, en communiant >> sous les deux espèces, en touchant le sacre» ment, et le prenant de la main, en rejetant » la confession, et en brisant les images ». Vous voyez, mes Frères, que cet auteur de la Réformation, en faisant le dénombrement des choses de néant, où Carlostad, comme un ignorant, faisoit consister le christianisme, met à la tête la communion sous les deux espèces. Melancton parle à peu près dans le même sens; et de nos jours Grotius ayant reproché aux Calvinistes qu'ils faisoient du retranchement de la coupe le principal sujet de leur rupture, Rivet, ce fameux ministre en parut offensé, et répondit à Grotius (2) << que ce n'étoit pas la principale raison « (1) Calixt. p. 72. —(2) Riv. Apol. pro verá pace Eccles. n. 87. >> >> » pour laquelle les Eglises réformées s'étoient séparées de l'Eglise romaine, et que Grotius, qui leur faisoit ce reproche, savoit bien qu'il » y en avoit de plus importantes ». Maintenant on ne nous parle presque que de celle-là, et l'on nous dit de tous côtés qu'on pourroit s'accommoder sur tout le reste. Il faut donc un peu s'attacher à cette difficulté qu'on fait si grande. Le besoin de nos Frères m'en a inspiré le dessein, et la nouvelle édition qu'on a faite de mon Traité sur les deux espèces m'en donne l'occasion. Dans le temps qu'on travailloit à cette édition, j'ai reçu deux Réponses à ce Traité, qui toutes deux sont imprimées dans la même année, c'est-à-dire, en 1683, et qui sont venues en même temps à ma connoissance. L'une n'a point de nom d'imprimeur; et l'autre, pour porter le nom de Pierre Marteau, qu'on dit imprimeur à Cologne, n'en montre pas mieux où elle a été imprimée. Le public attribue la première à M. de la Roque, ce fameux ministre de Rouen, qui a composé l'Histoire de l'Eucharistie, et je ne vois aucun lieu d'en douter. Je n'ai pu apprendre aucune nouvelle de l'auteur de la seconde, et tout ce que j'en puis dire, c'est que, zélé Protestant, et ennemi toujours emporté de la présence réelle, il promet même d'examiner la foi de l'Eglise grecque sur cette matière (1). S'il imprime quelque jour ce livre, et s'il y me (1) Anonyme, pag. 209. |