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c'étoit là des choses que la loi se contentoit de marquer en gros, et qu'elle laissoit à la coutume à en interpréter la manière? Quand tout cela ne seroit pas, il ne s'agit ni dans saint Marc ni dans saint Luc de ce que l'Ecriture avoit prescrit aux Juifs; mais de ce qu'ils avoient reçu par leur tradition, qui en cela certainement n'est pas douteuse. Ainsi M. de la Roque n'a rien prouvé par les trois passages qu'il allègue, qui sont tout ce qu'il a pu ramasser. Mais quand il auroit prouvé ce qu'il prétend; qu'en trois endroits de l'Ecriture le terme de baptiser signifie laver par simple infusion ou aspersion, que concluroit-il de là pour le sacrement de Baptême? Chaque passage se doit entendre par sa propre suite. Personne ne révoque en doute que saint Jean-Baptiste n'ait baptisé en plongeant dans l'eau, ni par conséquent que Jésus-Christ n'ait été baptisé de même, ni que le Baptême qu'il a institué n'ait été une parfaite imitation de celui qu'il a reçu.

Les passages que j'ai rapportés dans le Traité de la Communion (1) ne sont ni contestés ni contestables. La pratique des apôtres n'est pas moins constante. Dans le Baptême de l'eunuque, il est expressément marqué, que lui et Philippe descendirent dans l'eau, et que Philippe le baptisa de cette sorte (2); et quand j'aurois oublié les fameux passages où saint Paul exprime si vivement la manière dont on donnoit le Baptême, en disant que nous y sommes ensevelis avec Jésus

(1) Traité de la Comm. II. part. pag. 527. ➡ (2) Act. viii. 38.

Christ, afin de ressusciter avec lui (1), ce que cependant je n'ai pas fait, l'anonyme m'auroit appris que ces passages « font voir que l'on plon» geoit le fidèle dans l'eau, pour représenter par-là comme une espèce de mort et de sépul»ture (2) ».

Toute l'antiquité l'a remarqué, et parmi une infinité de passages, je rapporterai celui de l'auteur du livre des Sacremens, digne du nom et du siècle de saint Ambroise : « On vous a, dit-il (3), » demandé : Croyez-vous au Père; vous avez dit : » J'y crois; et vous avez été plongé, c'est-à-dire, » vous avez été enseveli: on vous a encore de» mandé: Croyez-vous en notre Seigneur Jésus» Christ et en la croix; et vous avez dit : J'y » crois ; et vous avez été plongé, et vous avez été » enseveli avec Jésus-Christ, et celui qui est en»seveli avec lui ressuscite aussi avec lui-même ». Et après « Hier nous parlâmes de la fontaine » du Baptême, dont la forme nous fait voir une » espèce de sépulcre : nous sommes reçus et plon» gés tout entiers dans l'eau, et ensuite nous en >> sortons; c'est-à-dire, nous ressuscitons avec >> Jésus-Christ (4) ». L'Ordre romain dit la même chose : « La triple immersion, dit-il (5), repré>> sente les trois jours que Jésus-Christ demeura » dans le sépulcre, et l'élévation est comme quand » il en sortit ». Et saint Cyrille de Jérusalem

(1) Rom. vi. 4. Col. 11. 12. - (2) Anon. I. part. ch. 111, p. 24. (3) De Sacram. lib. 11, cap. v11; tom. 11, col. 359.. (4) Lib. 111, cap. 1; col. 361.

(5) Off. Theopt. p. 667.

représente ce mystère en un mot, lorsqu'il dit que l'eau salutaire est tout ensemble un sépulcre et une mer (1). Cette manière de baptiser par immersion se trouve dans le douzième siècle dans Hugues de Saint-Victor (2). Elle dure encore plus loin, et jusqu'au treizième siècle; et la chose ainsi assurée, dans le Traité de la Communion, n'a pas été contestée par ceux qui l'ont combattu. Qu'y a-t-il à chicaner davantage? Quand M. de la Roque auroit montré qu'en deux ou trois endroits de l'Ecriture, le mot de baptiser se pouvoit réduire contre sa propre nature à une simple infusion, toujours seroit-il certain qu'en ce qui regarde le sacrement de Baptême, la pratique de saint Jean-Baptiste, de JésusChrist, des apôtres, et de tant de siècles, l'esprit même de cette action, et tout le dessein de cette sainte cérémonie, expliqué si clairement par saint Paul, conservent à ce terme de baptiser sa signification naturelle, sans qu'on puisse trouver dans l'Ecriture le moindre indice du contraire.

Quand après cela, M. de la Roque avance, ce qui est très-vrai, que cette manière de baptiser n'a pas été inconnue aux anciens (3), ses citations sont très-bonnes pour prouver la tradition dont je conviens, et en même temps pour nous faire voir que dans une chose si importante, où il s'agit de savoir si nous sommes baptisés ou non, nos pères n'en ont pas moins cru ce qu'ils ne trouvoient

(1) Cyril. Hieros. Cat. Myst. 11, n. 4 ; p. 312. — (2) Hug. Vic tor. de Eccl. myst. cap. XIX. --- (3) Pag. 227 et seq.

pas dans l'Ecriture, quoique nous n'ayons pour garant de la validité de notre Baptême que la seule autorité de l'Eglise.

Cet inconvénient a paru terrible à l'auteur de la seconde Réponse. Tout le fondement de la Réforme lui a paru renversé, si la seule autorité de l'Eglise peut établir de telles choses. C'est pourquoi il en vient à cet excès, de dire de dire que le Baptême sans immersion est un abus qu'il faut réformer. « Il est vrai, dit-il (1), que jusqu'ici la

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plus grande partie des Protestans ne baptisent » que par aspersion; mais assurément c'est un >> abus; et cette pratique qu'ils ont retenue de » l'Eglise romaine sans la bien examiner, comme plusieurs autres doctrines qu'ils en retiennent » encore, rend leur Baptême fort défectueux. Elle >> en corrompt et l'institution et l'ancien usage, » et les rapports qu'il doit avoir avec la foi et la » pénitence et la régénération. La remarque de » M. Bossuet, que le plongement a été en usage » pendant treize cents ans, mérite bien qu'on y » réfléchisse sérieusement, qu'on reconnoisse que »> nous n'avons pas assez examiné tout ce que » nous avons retenu de l'Eglise romaine, et que, puisque ses plus doctes prélats nous appren» nent que c'est elle qui a aboli la première un » usage autorisé par tant de fortes raisons et par » tant de siècles, elle a très-mal fait en cette oc»casion, et que nous sommes obligés à revenir » à l'ancienne pratique de l'Eglise ». C'est ainsi (1) Anon. p. 24, 25.

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qu'il ne craint pas de condamner son Eglise, pourvu que la romaine ait tort la première, ni de se percer le sein, pourvu que le coup porte

sur nous.

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Il est vrai qu'il ajoute (1), que « l'aspersion ne » détruit pas essentiellement le Baptême, puisqu'après tout, baptiser signifie laver, et que >> l'on peut bien se laver par aspersion; mais que » si elle ne détruit pas la substance du Baptême, » elle l'altère et le corrompt en quelque ma» nière ». Mais il se combat lui-même, quand il parle ainsi. Car corrompre la substance d'un sacrement, qu'est-ce autre chose que d'en corrompre et l'institution et le rapport qu'il doit avoir avec la régénération? Or en quoi est la substance d'un sacrement, qui est un signe d'institution, si ce n'est dans l'institution même et dans le rapport qu'elle a avec la chose signifiée? Cependant l'auteur vient de dire que toutes ces choses sont corrompues dans le Baptême sans immersion. Aussi répète-t-il que c'est un abus ; et nous sommes, dit-il (2), résolus de le corriger désormais. Quel abus y auroit-il selon lui, s'il n'étoit pas contraire à l'institution et à l'Ecriture? Mais c'est qu'on ne s'entend plus, quand on prend pour règle ses propres pensées; d'où il arrive qu'on n'est pas moins contraire à soi-même qu'à tous les autres.

Que nos Frères ne nous disent pas que c'est ici un sentiment particulier d'un de leurs docteurs ; (1) Anon, pag. 25. — (2) Ibid.

p.

26.

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