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de notre Seigneur, il dit qu'il reçut avec eux le glorieux corps et le sang de notre Seigneur; où il ne faut pas s'imaginer qu'il ait voulu parler des deux espèces; car jamais on n'entend parler dans l'antiquité des restes du sang précieux. Si l'on en demande la raison, nous la dirons peut-être en lieu plus propre; mais enfin le fait est constant. C'est du corps seul qu'on consumoit dans le feu les précieux restes dans l'Eglise de Jérusalem selon Hésychius : c'est du corps dont on donnoit aux enfans les sacrées parcelles dans les conciles de Mâcon et de Tours: c'est du corps immaculé dont parle Evagrius; et les Protestans qui fourent partout, si l'on me permet de parler ainsi, leur synecdoche, ne se sont pas avisés de l'employer en ce lieu. On peut donc tenir pour certain que c'est le corps seul, ou plutôt la seule espèce du pain que cet auteur appelle le corps et le sang, par une locution dont nous avons déjà vu plusieurs exemples; mais celui-ci est formel et incontestable. C'est pourquoi Grégoire de Tours fait dire à l'enfant, qu'il avoit pris le pain à la table avec les autres enfans ; et il est digne de remarque, qu'en faisant parler un enfant juif, ignorant des mystères aussi bien que du langage de l'Eglise, il lui fait nommer simplement le pain. Mais lui qui étoit évêque, et qui nomme naturellement, non le signe, mais la chose même, parle selon la phrase ecclésiastique, et l'inséparable union du corps et du sang lui fait joindre les noms de tous les deux par rapport à une seule espèce.

Il est donc plus clair que le jour qu'on croyoit véritablement communier ces enfans, encore qu'on ne les communiât que sous une espèce. C'est une erreur insensée, selon les Pères, de croire que la consécration eût cessé dans les précieuses parcelles qu'on leur donnoit ; et les paroles que nous avons rapportées de M. Saumaise nous font bien voir ce que c'est que ces grands savans, lorsqu'enflés des sciences humaines, ils entreprennent de décider, par leur propre sens, de la tradition de l'Eglise. Ce docte Saumaise ne dit pas un mot qui ne soit, je ne dirai pas à un tel homme, une ignorance grossière, mais la marque d'une pitoyable prévention. Croiroit-on qu'un tel docteur, qui sans cesse feuilletoit les livres, où l'on trouve partout la communion des petits enfans, ait pu dire que les petits enfans n'avoient pas la permission de communier, et qu'on leur donnoit, à la place, des morceaux de l'Eucharistie réduite à n'être plus que du pain commun? Mais quelle audace d'appeler du pain commun, ou en tout cas quelque chose qui ne fût pas regardé comme le sacrement du corps, ce que l'auteur qu'il produit appelle les sacrées parcelles du corps immaculé de notre Seigneur ? Quelle précipitation à un homme qui dévoroit et retenoit dans sa mémoire tant de livres, de ne songer pas seulement aux canons de Mâcon et de Tours, où sa prétention est si visiblement condamnée ? Et quel prodige enfin, de dire qu'on donnoit l'Eucharistie aux catéchumènes et aux pauvres, faute d'a

voir distingué l'ordre des mystères? Car il est vrai, comme il est porté dans l'Ordre romain (1), qu'avant la consécration, le pontife ou l'officiant regardoit ce qu'il y avoit d'oblation dans les vaisseaux qui servoient à cet usage, afin que s'il y en avoit trop on la mít en réserve, pour en faire le pain béni, comme il est porté en d'autres endroits, et pour être employée à la subsistance du clergé et du peuple; mais qu'après la consécration, on en ait jamais fait un tel usage, c'est un prodige inoui à tous ceux qui ont quelque idée des antiquités ecclésiastiques.

CHAPITRE XXXIV.

De la communion sous une espèce dans l'office public de l'Eglise.

A mesure que nous avançons dans ce Traité, nos preuves se fortifient visiblement, et celle que nous allons rapporter est tout ensemble la plus importante et la plus claire. J'ai soutenu aux ministres, avec tous les auteurs catholiques, que la communion étoit si indifférente sous une ou sous deux espèces, que dans l'Eglise même et dans l'office public, où l'on présentoit l'une et l'autre, il étoit libre de n'en prendre qu'une seule; et la chose va maintenant paroître si

(1) Ord. rom. t. x. Bibl. PP. col. 9,

claire, après les réponses de mes adversaires, qu'il n'y aura plus moyen d'en douter.

de

passage Il s'agit, avant toutes choses, d'un saint Léon et d'un autre de saint Gélase, son disciple et son successeur. Mais avant que de rapporter celui de saint Léon, et pour en bien pénétrer le sens, il sera bon de remarquer, avec M. de la Roque (1), « que Léon parle contre les » Manichéens, qui avoient en horreur le vin,

qu'ils regardoient comme une production du » diable, et qui nioient que le Fils de Dieu eût >> versé son sang pour notre rédemption, croyant » que ses souffrances n'avoient qu'une illusion » et une apparence trompeuse ». C'étoit pour ces deux raisons que ces hérétiques ne communioient pas au sang de notre Seigneur, et qu'ils le retranchoient de l'Eucharistie ; ce que je prie le lecteur de bien remarquer. « Cependant, pour» suit M. de la Roque, pour n'être pas décou» verts, ils se mêloient avec les fidèles dans l'église, et approchoient de la sainte table; mais » après avoir reçu le pain, ils évitoient adroite»ment la communication du calice». C'est contre ces hérétiques que saint Léon parle en ces termes (2): « Pour couvrir leur impiété, ils ont la >> hardiesse d'assister à nos mystères, et voicì » comment ils se gouvernent en la communion » des sacremens. Pour se cacher plus sûrement, >> ils reçoivent avec une bouche indigne le corps

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(1) La Roque, II. part. ch. vii, p. 188.— (1) Serm. 1v de Quadı. cap. v.

» de Jésus-Christ; mais ils évitent absolument » de boire le sang de notre rédemption. C'est » pourquoi nous voulons que votre sainteté le »sache, afin que ces sortes d'hommes vous soient >> manifestés par ces marques, et que ceux dont » la dissimulation sacrilége aura été découverte, >> soient marqués et chassés de la société des saints » par l'autorité sacerdotale ».

Pour accommoder le discours de ce grand pape à la discipline de son temps, il faut de nécessité faire concourir ces deux choses à l'égard des Manichéens : la première, qu'ils aient pu se cacher dans l'assemblée des fidèles, en n'y communiant que sous une espèce : la seconde, qu'ils aient pu être découverts avec le temps. J'ai parfaitement satisfait à ces deux besoins, en disant, d'un côté, que, dans l'assemblée des fidèles, il étoit libre de communier sous une ou sous deux espèces, sans quoi les Manichéens n'auroient pas pu s'y cacher; et de l'autre, que la perpétuelle affectation d'éviter la communion du sang de notre Seigneur ne pouvoit manquer dans la suite de les faire découvrir.

M. de la Roque perd ici beaucoup de paroles, pour me plaindre du malheur que j'ai de faire des réflexions si peu solides; et j'avois, dit-il (1), altendu toute autre chose de M. de Meaux. Je reconnois ici la méthode ordinaire des ministres. C'est quand ils sont aux abois, qu'ils tâchent d'amuser le monde par ces belles et éblouissantes (1) La Roq. Rép. p. 190.

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