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» touche le pain vivifiant avec grande révérence » et tremblement, et ensuite le découvrant il » achève la communion des dons divins ».

Il est vrai qu'on voit aujourd'hui dans la rubrique de l'office des présanctifiés, qu'en consacrant les pains qu'on doit réserver, on met avec la cuiller du sang précieux en forme de croix sur chaque pain (1). C'est ce que je n'ai pas dissimulé dans le Traité de la Communion (2). Car s'il faut écrire, ce doit être pour rendre témoignage à la vérité, et non pas pour remporter la victoire à quelque prix que ce soit. Mais j'ai fait voir clairement qu'avec ces gouttes de sang sur chaque pain qu'on réservoit, notre argument n'en est pas moins fort, pour deux raisons.

La première, c'est que quelques gouttes de sang sur un pain entier sont un trop foible secours pour donner la communion sous les deux espèces après la réserve de quelques jours, et après encore que, selon la coutume des Grecs, on a fait passer les pains consacrés sur le réchaud, pour y dessécher entièrement ce qu'il y auroit de liqueur. Il paroît donc clairement, comme je l'ai remarqué, que les Grecs n'ont pas en « vue dans ce mélange, la communion sous les deux espèces, » qu'ils eussent données autrement s'ils les avoient » crues nécessaires; mais l'expression de quelque » mystère, tel que pourroit être la résurrection » de notre Seigneur, que toutes les liturgies » grecques et latines figurent par le mélange du (1) Euchol. p. 190. — (2) Tr. de la Commun, p. 513.

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» corps et du sang; parce que la mort de notre Seigneur étant arrivée par l'effusion de son » sang, ce mélange du corps et du sang est trèspropre à représenter comment cet homme-Dieu reprit la vie ».

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Mais la seconde raison est encore plus décisive; puisque j'ai prouvé clairement que cette légère infusion du sang de notre Seigneur sur son sacré corps n'est pas ancienne parmi les Grecs (1). Gar Michel Cérularius, patriarche de Constantinople, qui vivoit dans le milieu du onzième siècle, écrivoit encore dans la défense de l'office des présanctifiés, « qu'il faut réserver pour cet office les » pains sacrés qu'on croit être, et qui sont en >> effet le corps vivifiant de notre Seigneur, sans ré>> pandre dessus aucune goutte du sang précieux ». Et l'on trouve dans Harménopule (2), célèbre canoniste de l'Eglise de Constantinople, que selon la doctrine du bienheureux Jean, patriarche de Constantinople, (soit que ce soit saint Jean Chrysostôme, ou saint Jean l'Aumônier, ou saint Jean le Jeûneur, ou quelque autre) il ne faut point répandre le sang précieux sur les présanctifiés qu'on veut réserver; et c'est, dit-il, la pratique de notre Eglise. Ces deux passages, cités dans le Traité de la Communion, sont demeurés sans réplique. Comme donc ni M. de la Roque ni l'anonyme, de si rigoureux censeurs n'ont rien eu à y opposer, le fait demeure pour avéré. Ainsi, quoi que puissent dire les Grecs modernes, leur (9) Tr. de la Comm. p 513.--(2) Harm. Epit. Can. sect. 2, tit. 6.

tradition est contre eux, et il doit passer pour constant que le pain sacré se réservoit seul dans l'office des présanctifiés. ·

Aussi le patriarche Cérularius a-t-il pris une autre méthode, pour trouver les deux espèces dans cet office; et M. de la Roque produit avec moi un passage de ce patriarche, dans l'ouvrage que nous venons de citer, où il dit, qu'on met le pain saint présanctifié, et auparavant devenu parfait, c'està-dire déjà consacré, dans le calice mystique; et ainsi le vin qui y est, est changé au sacré sang du Seigneur; et l'on croit qu'il y est changé, sans qu'on ait dit sur ce vin, de l'aveu de ce patriarche et de M. de la Roque, aucune des oraisons mystiques et sanctifiantes; par où il paroît clairement que Michel Cérularius ne mettoit pas la communion des deux espèces dans l'infusion, qu'on fait à présent parmi les Grecs, de quelques gouttes de sang sur un pain consacré.

De dire qu'il la faille mettre dans la consécration du vin, qui se feroit par le mélange du corps, c'est ce que nous détruirons bientôt par des raisons si démonstratives, que j'espère qu'il n'y aura aucune réplique; observant seulement, en attendant, que le premier qui ait écrit que le vin est changé au sang par le mélange du corps, est le patriarche Michel, environ en l'an 1050 de notre Seigneur, sans que M. de la Roque, qui nous vante ici l'antiquité grecque et latine, ait pu nommer un seul auteur ni grec ni latin qui ait dit la même chose avant ce temps.

Et sans aller plus avant ni approfondir davantage la question, on voit déjà l'absurdité de cette doctrine; puisque par une telle imagination le patriarche Michel détruit l'office des présanctifiés qu'il avoit dessein d'établir. Car cet office consiste à donner sans consécration les mystères déjà consacrés dans le sacrifice précédent. M. de la Roque en est convenu, comme on l'a vu; et c'est même la définition qu'il nous a donnée de cet office, disant en termes formels, qu'on l'appelle l'office ou la liturgie des dons présanctifiés, à cause qu'on n'y faisoit pas de NOUVELLE CONSECRATION. Or, pour conserver cette notion des mystères présanctifiés, il ne falloit non plus consacrer le sang que le corps, et l'on ne voit pas comment la consécration de l'un s'accommodoit mieux celle de l'autre à la sainte tristesse du que jeûne; outre qu'on ne voit aucun exemple dans toute l'histoire ecclésiastique, où l'on ait jamais consacré une des espèces de l'Eucharistie, sans en même temps consacrer l'autre. C'est donc une illusion contraire à toute la tradition, et contraire en particulier au dessein des présanctifiés, que de s'imaginer ici la consécration du vin par mélange du pain consacré; et M. de la Roque, qui croit se sauver par une si mauvaise défaite, se contredit ouvertement lui-même.

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Concluons donc, que le service des présanctifiés étoit un service où publiquement et dans l'assemblée des fidèles, comme nous l'avons déjà dit, à chaque semaine du Carême tout le clergé et le

peuple communioit cinq fois sous la seule espèce du pain, il y a pour le moins mille ans.

CHAPITRE XXXVI.

Antiquité de l'office des présanctifiés.

J'AI dit : il y a pour le moins mille ans. Car au reste on ne peut douter qu'il n'y ait beaucoup davantage que Poffice des présanctifiés est en usage dans l'Eglise d'Orient; et c'est une erreur manifeste que d'en attribuer l'institution, comme fait M. de la Roque (1), au concile tenu in Trullo. C'est une faute perpétuelle de tous les ministres de mettre l'origine d'une chose, à l'endroit où ils s'imaginent en avoir trouvé la première mention. Par exemple, ils ne craignent pas d'établir la date de la prière des saints au temps de saint Grégoire de Nazianze, parce qu'ils veulent qu'il soit le premier à en parler. Mais, sans rapporter les autres preuves qu'on en a dans les siècles précédens, il ne falloit pas oublier que saint Grégoire de Nazianze en parle comme d'une chose déjà établie et qui est venue de bien plus haut. Quand donc M. de la Roque a trouvé dans le concile in Trullo l'office des présanctifiés, il devoit faire voir qu'on y en parle comme d'une chose nouvelle que l'on institue; mais voici au contraire

(1) La Roq. p. 61, 218.

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