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la consécration s'y fait par le prêtre, en faisant ce qu'a fait Jésus-Christ, en prenant comme lui du pain et une coupe pleine de vin et d'eau, en les bénissant à son exemple, en répétant ses paroles verba dominica, à l'endroit où nous les répétons encore: « C'est, dit-il (1), ici que la » nature simple de pain et de vin est changée en >> une nature raisonnable; c'est-à-dire, au corps » et au sang de notre Seigneur » : paroles si expresses et si convaincantes, que ni M. de la Roque ni l'anonyme n'ont pas seulement tenté d'y répondre. L'anonyme dit seulement (2): « Cela » peut être : j'aurois seulement souhaité que >> M. Bossuet nous eût rapporté les termes d'Ama» larius ». Aussi l'avois-je fait (3); et outre cela, j'avois expressément marqué l'endroit où il les auroit pu trouver; mais il ne fait pas semblant de voir tout cela, et voilà ce qu'on appelle répondre à un livre.

Quand nous n'aurions que ces deux auteurs, qui dans toute l'antiquité eussent seuls fait mention de l'Ordre romain, c'en est assez pour détruire cette consécration faite le Vendredi saint par le mélange. Mais il faut encore ajouter qu'elle répugne à l'esprit de cet office. Car le dessein qu'on a eu, en le faisant, est d'éviter, dans la tristesse où l'on est à cause de la mort de notre Seigneur, la célébrité de la consécration. Les ministres de l'Eglise interdits et comme dissipés avec

(1) Amal. lib. 111, col. xxiv.—(2) Anon. pag. 18 de la Commun. p. 518.

153. (3) Traité

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les apôtres, frappés d'étonnement et plongés dans la douleur, semblent avoir oublié la plus divine de leurs fonctions, qui est la consécration des saints mystères. Que si celle du corps sacré n'est pas de ce jour, celle du sang n'en est pas davantage; et si l'on eût fait la dernière, l'autre n'eût pas dû être omise. Aussi voyons-nous que tous les auteurs nous disent unanimement, que l'on ne faisoit ni l'une ni l'autre. Et Raban, archevêque de Máyence, le plus savant homme d'alors, dit qu'en ce jour du Vendredi saint, on ne célèbre > en aucune sorte les sacremens; mais dit-il (1), » après avoir achevé les leçons et les oraisons » avec la salutation de la croix, on reçoit l'Eu» charistie consacrée au jour de la Cène de notre » Seigneur ». Il est donc clair, quand il dit qu'on ne célèbre les sacremens EN AUCUNE Sorte, qu'il ne l'entend pas de la communion, comme on le faisoit du moins à Rome du temps de saint Innocent, puisqu'il raconte la manière dont on communioit avec l'Eucharistie consacrée la veille; mais de la consécration, qui par conséquent, selon lui, ne se faisant en aucune sorte le Vendredi saint, celle qu'on imagine par le mélange demeure tout-à-fait exclue. Amalarius marque aussi comme une chose qui répugne à la tristesse de ce jour, d'y faire le corps de notre Seigneur (2); et comme il n'y répugne pas moins de faire le sang, il diť que ceux qui consacrent, c'est-à-dire, qui croient consacrer par le mélange; car pour

De Instit. Cler. l. 11, c. xxxvII. — (3) Lib. 1, c. XII.

lui nous venons de voir combien il est éloigné de ce sentiment; ceux-là, dit-il (1), n'observent pas la tradition de l'Eglise dont parle le pape Innocent, qui défend de célébrer en aucune sorte les sacremens; c'est-à-dire de les consacrer, comme Raban de Mayence nous l'a fait entendre.

CHAPITRE XL.

Réponses aux preuves des ministres : Ordre romain.

ON pourra voir maintenant combien M. de la Roque abuse le monde, lorsqu'il dit que les anciens Grecs et Latins ont admis la consécration par le mélange. Il ne le dit pas seulement à l'occasion de l'office des présanctifiés, ou de celui du Vendredi saint; il le dit à l'occasion de la communion des malades : « Les anciens chrétiens » grecs et latins croyoient, dit-il (2), que le mé» lange du pain sanctifié consacroit par son at>> touchement et par son union le vin qui ne l'é» toit pas » : et un peu après parlant du même sujet (3): « Enfin les chrétiens étoient persuadés » que l'attouchement et le mélange du pain sa» cré, consacroit le vin qui ne l'étoit pas ». C'est les anciens Grecs et les Latins, c'est les chrétiens sans limitation; enfin c'est partout l'idée d'une pratique ancienne et universelle. Il s'explique avec la même force touchant la communion do

(1) Amal. lib. 1, c. XV. — (2) La Roq. p. 108. — (3) Pag. 114.

mestique, où il a vu par tant de preuves, qu'on n'emportoit de l'église que le pain seul. Il s'en sauve en disant sans preuve, qu'on le mêloit dans le vin à la maison, et qu'on le consacroit par ce moyen. «< Car, dit-il (1), on croyoit dans l'Eglise >> orientale et occidentale que le mélange et l'at» touchement du pain sanctifioit et consacroit le >> vin qui ne l'étoit pas ». Il promet de << prouver » par plusieurs témoignages, dans les chapitres » suivans, que c'étoit la croyance de l'Eglise » grecque et latine ».

Au reste, comme il fait servir la consécration par le mélange de dénouement universel, même dans la communion domestique, qu'il avoue dès les premiers siècles et dès le temps des persécutions, il faut que les anciens Grecs et Latins qu'il nous promet partout, soient de la première antiquité. Aussi ne cesse-t-il d'alléguer les anciens (2), indéfiniment, comme ayant été unanimement dans cette doctrine. Mais quand il vient à nous vouloir dire quels sont ces anciens Grecs et Latins qu'il vante partout, pour tous anciens parmi les Grecs, il nous allègue Nicétas Pectoratus, auteur du onzième siècle, Michel Cérularius du même temps, et Siméon de Thessalonique, qui vivoit, dit-il (3), il y a plus de trois cents ans. Voilà ce qu'il appelle les anciens Grecs. Au lieu de nous produire les Basiles, les Grégoires, les Chrysostômes que nous espérions d'entendre, quand il nous a promis les anciens Grecs: au

(1) La Roq. p. 184. — (1) Pag. 215, 223. — (3) Pag 220.

lieu de produire au moins, s'il vouloit descendre plus bas, quelque auteur avant le schisme; il nous produit ceux qui l'ont commencé au milieu du onzième siècle, un Michel Cérularius qui en est l'auteur, un Nicétas qui le défendoit alors, un Siméon de Thessalonique, qui a vécu tant de siècles après la rupture ouverte. Ceux-là ont dit que par l'union du corps sacré le vin est changé au sang. Qu'ils l'aient dit tant qu'on voudra; puisqu'ils l'ont dit les premiers, c'est une conviction contre ceux qui ayant promis de produire les anciens ne peuvent pas remonter plus haut.

Voilà pour ce qui regarde les anciens Grecs. Pour ce qui est des anciens Latins, il est vrai qu'il cite trois fois un canon du premier.concile d'Orange de l'an 441. Mais à la réserve de ce canon, dont nous traiterons à part avec M. de la Roque, auquel nous démontrerons par lui-même que ce canon ne fait rien à la question dont il s'agit; le premier ancien qu'il cite est l'Ordre romain rapporté dans des auteurs du neuvième siècle : le second est Amalarius, du même temps, et qu'on lui conteste : le troisième est le Micrologue, dans le siècle onzième : le quatrième est, dans le douzième, l'abbé Rupert qui n'en dit mot; et il n'en sait pas davantage touchant l'antiquité latine.

Pour commencer par l'Ordre romain, il est vrai que dès le neuvième siècle on y lisoit ces paroles dans l'office du Vendredi saint: Que le vin non consacré est sanctifié par le pain sanctifié. Mais je

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