Sa table par mes mains sera prête et choisie, L'eau pure de ma main lui sera l'ambroisie. Seul, c'est moi qui serai partout, à tout moment, Son esclave fidèle et son fidèle amant.
Tels étaient mes projets qu'insensés et volages Le vent a dissipés parmi de vains nuages !
Ah! quand d'un long espoir on flatta ses désirs, On n'y renonce point sans peine et sans soupirs. Que de fois je t'ai dit : - « Garde d'être inconstante, Le monde entier déteste une parjure amante. Fais-moi plutôt gémir sous des glaives sanglants, Avec le feu plutôt déchire-moi les flancs. >>
O honte! A deux genoux j'exprimais ces alarmes ; J'allais couvrant tes pieds de baisers et de larmes. Tu me priais alors de cesser de pleurer : En foule tes serments venaient me rassurer. Mes craintes t'offensaient; tu n'étais pas de celles Qui font jeu de courir à des flammes nouvelles : Mille sceptres offerts pour ébranler ta foi
Eût-ce été rien au prix du bonheur d'être à moi ? Avec de tels discours, ah! tu m'aurais fait croire Aux clartés du soleil dans la nuit la plus noire. Tu pleurais même ; et moi, lent à me défier, J'allais avec le lin dans tes yeux essuyer Ces larmes lentement et malgré toi séchées ; Et je baisais ce lin qui les avait touchées. Bien plus, pauvre insensé! j'en rougis. Mille fois Ta louange a monté ma lyre avec ma voix.
Je voudrais que Vulcain, et l'onde où tout s'oublie Eût consumé ces vers témoins de ma folie. La même lyre encor pourrait bien me venger, Perfide! Mais, non, non, il faut n'y plus songer. Quoi! toujours un soupir vers elle me ramène !
Allons. Haïssons-la, puisqu'elle veut ma haine. Oui, je la hais. Je jure.... Eh! serments superflus! N'ai-je pas dit assez que je ne l'aimais plus?
Et c'est Glycère, amis, chez qui la table est prête ? Et la belle Amélie est aussi de la fête;
Et Rose, qui jamais ne lasse les désirs,
Et dont la danse molle aiguillonne aux plaisirs ? Et sa sœur, aux accents de la voix la plus rare, Unira, dites-vous, les sons de la guitare? Et nous aurons Julie, au rire étincelant,
Au sein plus que l'albâtre et solide et brillant? Certe, en pareille fête autrefois je l'ai vue, Ses longs cheveux épars, courante, demi-nue : En ses bruyantes nuits Cytheron n'a jamais Vu Ménade plus belle errer dans ses forêts.
J'y consens. Avec vous je suis prêt à m'y rendre. Allons. Mais si Camille, ô Dieux ! vient à l'apprendre ? Quel orage suivra ce banquet tant vanté,
S'il faut qu'à son oreille un mot en soit porté ! Oh! vous ne savez pas jusqu'où va son empire. Si j'ai loué des yeux, une bouche, un sourire ; Ou si, près d'une belle assis en un repas, Nos lèvres en riant ont murmuré tout bas, Elle a tout vu. Bientôt cris, reproches, injure : Un mot, un geste, un rien, tout était un parjure. Chacun pour cette belle avait vu mes égards.
Je lui parlais des yeux; je cherchais ses regards.
Et puis des pleurs ! des pleurs... que Memnon sur sa cendre A sa mère immortelle en a moins fait répandre.
Que dis-je ? sa vengeance ose en venir aux coups; Elle me frappe. Et moi, je feins, dans mon courroux De la frapper aussi, mais d'une main légère; Et je baise sa main impuissante et colère :
Car ses bras ne sont forts qu'aux amoureux exploits. La fureur ne peut même aigrir sa douce voix. Ah! je l'aime bien mieux injuste qu'indolente. Sa colère me plaît et décèle une amante.
Si j'ai peur de la perdre, elle tremble à son tour; Et la Crainte inquiète est fille de l'Amour. L'assurance tranquille est d'un cœur insensible. Loin! à mes ennemis une amante paisible: Moi, je hais le repos. Quel que soit mon effroi De voir de si beaux yeux irrités contre moi, Je me plais à nourrir de communes alarmes. Je veux pleurer moi-même, ou voir couler ses larmes, Accuser un outrage ou calmer un soupçon,
Et toujours pardonner en demandant pardon.
Mais quels éclats, amis? C'est la voix de Julie : Entrons. O quelle nuit! joie, ivresse, folie! Que de seins envahis et mollement pressés ! Malgré de vains efforts que d'appas caressés ! Que de charmes divins forcés dans leur retraite ! Il faut que de la Seine, au cri de notre fête, Le flot résonne au loin, de nos jeux égayé, Et qu'en son lit voisin le marchand éveillé, Écoutant nos plaisirs d'une oreille jalouse, Redouble ses baisers à sa trop jeune épouse.
De l'art de Pyrgotèle élève ingénieux, Dont, à l'aide du tour, le fer industrieux Aux veines des cailloux du Gange ou de Syrie, Sait confier les traits de la jeune Marie,
Grave sur l'améthyste ou l'onyx étoilé
Ce que d'elle aujourd'hui les Dieux m'ont révélé.
Souvent, lorsqu'aux transports mon âme s'abandonne, L'harmonieux démon descend et m'environne. Chante; et ses ailes d'or, agitant mes cheveux, Rafraîchissent mon front qui bouillonne de feux. Il m'a dit ta naissance, ô jeune Florentine ! C'est vous, Nymphes d'Arno, qui des bras de Lucine Vintes la recueillir, et vos riants berceaux L'endormirent au bruit de l'onde et des roseaux ; Et Phœbus, du Cancer hôte ardent et rapide, Ne pouvait point la voir, dans cette grotte humide, Sous des piliers de nacre entourés de jasmin, Reposer sur un lit de pervenche et de thym. Abandonnant les fleurs, de sonores abeilles Vinrent en bourdonnant sur ses lèvres vermeilles S'asseoir et déposer ce miel doux et flatteur Qui coule avec sa voix et pénètre le cœur. Reine aux yeux éclatants, la belle Poésie Lui sourit, et trempa sa bouche d'ambroisie,
- 2 JAN 1961
OF OXFORD
LIBRARY
Arma ses faibles mains des fertiles pinceaux Qui font vivre la toile en magiques tableaux, Et mit dans ses regards ce feu, cette âme pure Qui sait voir la beauté, fille de la nature. Une lyre aux sept voix lui faisait écouter Les sons que Pausilippe est fier de répéter. Et les douces Vertus et les Grâces décentes, Les bras entrelacés autour d'elle dansantes, Veillaient sur son sommeil, et surent la cacher A Vénus, à l'Amour, qui brûlaient d'approcher; Et puis au lieu de lait, pour nourrir son enfance, Mêlèrent la candeur, la gaîté, l'indulgence, La bienveillance amie au sourire ingénu, Et le talent modeste à lui seul inconnu ; Et la sainte fierté que nul revers n'opprime, La paix, la conscience ignorante du crime, La simplicité chaste aux regards caressants, Près de qui les pervers deviendraient innocents.
Artiste, pour l'honneur de ton durable ouvrage, Grave-s-y tous ces dons brillants sur son visage. Grave, si tu le peux, son âme et ses discours, Sa voix, lien puissant d'où dépendent nos jours; Les jours de ses amis, troupe heureuse et fidèle, Qui vivent tous pour elle, et qui mourraient pour elle. De la seule beauté le flambeau passager
Allume dans les sens un feu prompt et léger; Mais les douces Vertus et les Grâces décentes
N'inspirent aux cœurs purs que des flammes constantes.
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