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Y roule en murmurant son flot léger et pur.
Souvent avec les cieux ils se parent d'azur.
Le souffle insinuant, qui frémit sous l'ombrage,
Voltige dans mes vers comme dans le feuillage.
Mes vers sont parfumés et de myrte et de fleurs,
Soit les fleurs dont l'été ranime les couleurs,
Soit celles que seize ans, été plus doux encore,
Sur ta joue innocente ont l'art de faire éclore.

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Eh bien ! je le voulais. J'aurais bien dû me croire !
Tant de fois à ses torts je cédai la victoire !
Je devais une fois du moins, pour la punir,
Tranquillement l'attendre et la laisser venir.
Non. Oubliant quels cris, quelle aigre impatience
Hier sut me contraindre à la fuite, au silence;
Ce matin, de mon cœur trop facile bonté !

Je veux la ramener sans blesser sa fierté ;

J'y vole; contre moi je lui cherche une excuse,
Je viens lui pardonner, et c'est moi qu'elle accuse.
C'est moi qui suis injuste, ingrat, capricieux :
Je prends sur sa faiblesse un empire odieux.
Et sanglots et fureurs, injures menaçantes,
Et larmes, à couler toujours obéissantes;
Et pour la paix il faut, loin d'avoir eu raison,
Confus et repentant, demander mon pardon.
O Camille! Camille!....

IV.

Les esclaves d'Amour ont tant versé de pleurs!
S'il a quelques plaisirs, il a tant de douleurs!
Qu'il garde ses plaisirs. Dans un vallon tranquille
Les Muses contre lui nous offrent un asile;
Les Muses, seul objet de mes jeunes désirs,
Mes uniques amours, mes uniques plaisirs.
L'Amour n'ose troubler la paix de ce rivage.
Leurs modestes regards ont, loin de leur bocage,
Fait fuir ce dieu cruel, leur légitime effroi.
Chastes Muses, veillez, veillez toujours sur moi.
Mais, non, le dieu d'Amour n'est point l'effroi des Muses;
Elles cherchent ses pas, elles aiment ses ruses.
Le cœur qui n'aime rien a beau les implorer,
Leur troupe qui s'enfuit ne veut pas l'inspirer.
Qu'un amant les invoque, et sa voix les attire:
C'est ainsi que toujours elles montent ma lyre.
Si je chante les Dieux ou les héros, soudain
Ma langue balbutie et se travaille en vain.
Si je chante l'Amour, ma chanson d'elle-même
S'écoule de ma bouche et vole à ce que j'aime.

V. €

Tout mortel se soulage à parler de ses maux.
Le suc que d'Amérique enfantent les roseaux
Tempère au moins un peu les breuvages d'absinthe.
Ainsi le fiel d'amour s'adoucit par la plainte;

Soit que le jeune amant raconte son ennui

A quelque ami jadis agité comme lui,

Soit que, seul dans les bois, ses éloquentes peines

Ne s'adressent qu'aux vents, aux rochers, aux fontaines.

VI.

La grâce, les talents, ni l'amour le plus tendre
D'un douloureux affront ne peuvent nous défendre.
Encore si vos yeux daignaient, pour nous trahir,
Chercher dans vos amants celui qu'on peut choisir,
Qu'une belle ose aimer sans honte et sans scrupule,
Et qu'on ose soi-même avouer pour émule!
Mais, Dieux! combien de fois notre orgueil ulcéré
A rougi du rival qui nous fut préféré !
Oui, Thersite souvent peut faire une inconstante.
Souvent l'appât du crime est tout ce qui vous tente.

VII.

Tout homme a ses douleurs. Mais aux yeux de ses frères

Chacun d'un front serein déguise ses misères.

Chacun ne plaint que soi. Chacun dans son ennui
Envie un autre humain qui se plaint comme lui.
Nul des autres mortels ne mesure les peines

Qu'ils savent tous cacher comme il cache les siennes ;
Et chacun, l'œil en pleurs, en son cœur douloureux
Se dit : Excepté moi, tout le monde est heureux. >>

Ils sont tous malheureux. Leur prière importune,
Crie et demande au ciel de changer leur fortune.
Ils changent; et bientôt versant de nouveaux pleurs,
Ils trouvent qu'ils n'ont fait que changer de malheurs.

VIII.

Le courroux d'un amant n'est point inexorable.
Ah! si tu la voyais cette belle coupable
Rougir, et s'accuser, et se justifier,

Sans implorer sa grâce et sans s'humilier,
Pourtant de l'obtenir doucement inquiète,
Et, les cheveux épars, immobile, muette,
Les bras, la gorge nus, en un mol abandon,
Tourner sur toi des yeux qui demandent pardon!
Crois qu'abjurant soudain le reproche farouche,
Tes baisers porteraient son pardon sur sa bouche.

IX.

Viens près d'elle au matin; quand le Dieu du repos
Verse au mol oreiller de plus légers pavots,
Voir, sur sa couche encor du soleil ennemie,

Errer nonchalamment une main endormie ;

Ses yeux prêts à s'ouvrir, et, sur son teint vermeil, Se reposer encor les ailes du sommeil.

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Va, sonore habitant de la sombre vallée,
Vole, invisible écho, voix douce, pure,

ailée,

Qui, tant que de Paris m'éloignent les beaux jours,
Aimes à répéter mes vers et mes amours.

Les cieux sont enflammés. Vole, dis à Camille
Que je l'attends, qu'ici, moi, dans ce bel asile,
Je l'attends; qu'un berceau de platanes épais,

Le même, en cette grotte, où l'autre jour au frais,
Pour nous, s'il lui souvient, l'heure ne fut point lente...
Va. Sous la grotte, ici, parmi l'herbe odorante
D'où l'œil même du jour ne saurait approcher
Et qu'égaie en courant l'eau, fille du rocher...

XI.

Chez toi, dans cet asile où le soir me ramène,
Seul, je mourais d'attendre, et tu ne venais pas.

Ces glaces, tant de fois belles de ta présence,

Ces coussins odorants, d'aromates remplis,
Sous tes membres divins tant de fois amollis;
Ces franges en festons que tes mains ont touchées ;
Ces fleurs dans les cristaux par toi-même attachées ;
L'air du soir si suave à la fin d'un beau jour,
Tout embrasait mon sang : tout mon sang est amour.
Non, plus de jeux jamais, non, jamais plus d'ivresses
N'ont chatouillé ce cœur affamé de caresses.

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