X. VERSAILLES O Versaille, ô bois, ô portiques, Comme sur l'herbe aride une fraîche rosée, Paris me semble un autre empire, Mes pénates secrets couronnés de rameaux, Vont dirigeant mes pas aux campagnes prochaines, Les chars, les royales merveilles, Des gardes les nocturnes veilles, Tout a fui; des grandeurs tu n'es plus le séjour : Dieux jadis inconnus, et les arts, et l'étude, Ah! malheureux! à ma jeunesse Une oisive et morne paresse S'endort dans les langueurs. Louange et renommée ⚫ Cette ode a été écrite peu de temps après le massacre des prisonniers de Versailles. L'abandon, l'obscurité, l'ombre, Une paix taciturne et sombre, Voilà tous mes souhaits. Cache mes tristes jours Nourris de mon flambeau la clarté fugitive, Aux douces chimères d'amours. L'âme n'est point encor flétrie, La vie encor n'est point tarie, Quand un regard nous trouble et le cœur et la voix. Qui peut ou s'égayer ou gémir auprès d'elle, J'aime; je vis. Heureux rivage! Tu conserves sa noble image, Son nom, qu'à tes forêts j'ose apprendre le soir, J'y reviens méditer l'instant où je l'ai vue, Pour elle seule encore abonde Cette source, jadis féconde, Qui coulait de ma bouche en sons harmonieux. Forment pour elle encor ces poétiques nombres, Ah! témoin des succès du crime, Si l'homme juste et magnanime Pouvait ouvrir son cœur à la félicité, Versailles, tes routes fleuries, Ton silence, fertile en belles rêveries, N'auraient que joie et volupté. Mais souvent tes vallons tranquilles, Tes sommets verts, tes frais asiles, D'un peuple d'innocents qu'un tribunal perfide XI. A CHARLOTTE CORDAY, EXÉCUTÉE LE 18 JUILLET 1793. Quoi! tandis que partout, ou sincères, ou feintes, La vérité se tait ! Dans sa bouche glacée, Non, non, je ne veux point t'honorer en silence, Toi qui crus par ta mort ressusciter la France, Et dévouas tes jours à punir des forfaits. Le glaive arma ton bras. fille grande et sublime, Pour faire honte aux Dieux, pour réparer leur crime, Quand d'un homme à ce monstre ils donnèrent les traits. Le noir serpent, sorti de sa caverne impure, A donc vu rompre enfin sous ta main ferme et sûre Le venimeux tissu de ses jours abhorrés ! Aux entrailles du tigre, à ses dents homicides, Son œil mourant t'a vue, en ta superbe joie, La Grèce, ô fille illustre ! admirant ton courage, Auprès d'Harmodius, auprès de son ami; Et des chœurs sur ta tombe, en une sainte ivresse, Qui frappe le méchant sur son trône endormi. Mais la France à la hache abandonne ta tête. C'est lui qui dut pâlir, et tes juges sinistres, Quand, à leur tribunal, sans crainte et sans appui, Ta douceur, ton langage et simple et magnanime Leur apprit qu'en effet, tout puissant qu'est le crime, Qui renonce à la vie est plus puissant que lui. Long-temps, sous les dehors d'une allégresse aimable, Belle, jeune, brillante, aux bourreaux amenée, La vertu seule est libre. Honneur de notre histoire, Un scélérat de moins rampe dans cette fange. |