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Il appelle aussitôt, des fanges du Méandre,
Les nymphes de l'Asie, et leur dit de l'entendre ;
Que tout l'art d'Hyagnis n'était que dans ce bui;
Qu'il a, grâce au destin, des doigts tout comme lui.
On s'assied. Le voilà qui se travaille et sue,
Souffle, agite ses doigts, tord sa lèvre touffue,
Enfle sa joue épaisse, et fait tant qu'à la fin
Le bois résonne et pousse un cri rauque et chagrin.
L'auditoire étonné se lève, non sans rire.

Les éloges railleurs fondent sur le satyre

Qui pleure, et des chiens même, en fuyant vers le bois, Évite, comme il peut, les dents et les abois.

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Où vas-tu? Je te perds; ah! tu fuis loin de moi! »>

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Oui, je pars loin de toi; pour jamais je m'absente, Adieu. C'est pour jamais. Je ne suis plus à toi. »

XVI. G

TIRE D'OPPIEN.

Je veux qu'on imite les anciens.

Comme aux bords d'Eurotas

Lorsqu'une épouse est près du terme de Lucine,
On suspend devant elle, en un riche tableau,
Ce que l'art de Zeuxis anima de plus beau ;

Apollon et Bacchus, Hyacinthe, Nérée,

Avec les deux Gémeaux leur sœur tant désirée.
L'épouse les contemple; elle nourrit ses yeux
De ces objets, honneur de la terre et des cieux;
Et de son flanc, rempli de ces formes nouvelles,
Sort un fruit noble et beau comme ces beaux modèles.

39 XVII.

PANNYCHIS.

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Plusieurs jeunes filles entourent un petit enfant le caressent..... - on dit que tu as fait une chanson pour Pannychis, la cousine ?... — Oui, je l'aime, Pannychis... elle est belle; elle a cinq ans comme moi... Nous avons arrondi ce berceau en buisson de roses... Nous nous promenons sous cet ombrage... On ne peut pas nous y troubler, car il est trop bas pour qu'on y puisse entrer. Je lui ai donné une statue de Vénus que mon père m'a faite avec du buis elle l'appelle sa fille, elle la couche sur des feuilles dans une écorce de grenade.... Tous les amants font toujours des chansons pour leur bergère,... et moi aussi j'en ai fait une pour elle... Eh bien! chautenous ta chanson, et nous te donnerons des raisins, des figues mielleuses... Donnez-les-moi d'abord, et puis je vais chanter...

Il tend ses deux mains... on lui donne... et puis, d'une voix douce et claire, il se met à chanter :

« Ma belle Pannychis, il faut bien que tu m'aimes;
Nous avons même toit, nos âges sont les mêmes.

Vois comme je suis grand, vois comme je suis beau.
Hier je me suis mis auprès de mon chevreau,
Par Pollux et Minerve! il ne pouvait qu'à peine
Faire arriver sa tête au niveau de la mienne.
D'une coque de noix j'ai fait un abri sûr
Pour un beau scarabée étincelant d'azur ;
Il couche sur la laine, et je te le destine.
Ce matin j'ai trouvé parmi l'algue marine

Une vaste coquille aux brillantes couleurs :
Nous l'emplirons de terre, il y viendra des fleurs.
Je veux, pour te montrer une flotte nombreuse,
Lancer sur notre étang des écorces d'yeuse.

Le chien de la maison est si doux! chaque soir
Mollement sur son dos je veux te faire asseoir;
Et, marchant devant toi jusques à notre asile,
Je guiderai les pas de ce coursier docile. »>

Il s'en va bien baisé, bien caressé... Les jeunes beautés le suivent de loin. Arrivées aux rosiers, elles regardent par-dessus le berceau, sous lequel elles les voient occupés à former avec des huissons de nyrte un temple de verdure autour d'un petit autel, pour leur statue de Vénus. Elles rient. Ils lèvent la tête, les voient et leur disent de s'en aller. On les embrasse... et, en s'en allant, la jeune Myrto dit : « Heureux âge !..... Mes compagnes, venez voir aussi chez moi les monuments de notre enfance.... J'ai entouré d'une haie, pour le conserver, le jardin que j'avais alors. ... Une chèvre l'aurait brouté tout entier en une heure... C'est là que je vivais avec Clinias; il m'appelait déjà sa femme, et je l'appelais mon époux..... Nous n'étions pas plus hauts que telle plante..... Nous nous serions perdus dans une forêt de thym... Vous y verrez encore les romarins s'élever en berceau comme des cyprès autour du tombeau de marbre où sont écrits les vers d'Anytė... Mon bien-aimé m'avait donné une cigale et une sauterelle, elles moururent; je leur élevai ce tombeau parmi le romarin. J'étais en pleurs... La belle Anyté passa, sa lyre à la main : Qu'as-tu? me demanda-t-elle. Ma cigale et ma sauterelle sont mortes... Ah! ditelle, nous devons tous mourir... (Cinq ou six vers de morale.)... Puis, elle écrivit sur la pierre :

O sauterelle, à toi, rossignol des fougères,
A toi, verte cigale, amante des bruyères,
Myrto de cette tombe éleva les honneurs,
Et sa joue enfantine est humide de pleurs;
Car l'avare Achéron, les Sœurs impitoyables
Ont ravi de ses jeux ces compagnons aimables.

XVIII. €

A compter nos brebis je remplace ma mère;
Dans nos riches enclos j'accompagne mon père,
J'y travaille avec lui. C'est moi de qui la main,
Au retour de l'été, fais résonner l'airain
Pour arrêter bientôt d'une ruche troublée,
Avec ses jeunes rois, la jeunesse envolée.
Une ruche nouvelle à ces peuples nouveaux
Est ouverte; et l'essaim, conduit dans les rameaux
Qu'un olivier voisin présente à son passage,
Pend en grappe bruyante à son amer feuillage.

XIX.

LES COLOMBES.

Deux belles s'étaient baisées... Le poète-berger, témoin jaloux de leurs caresses, chante ainsi :

«Que les deux beaux oiseaux, les colombes fidèles,

Se baisent. Pour s'aimer les Dieux les firent belles.
Sous leur tête mobile, un cou blanc, délicat,

Se plie, et de la neige effacerait l'éclat.

Leur voix est pure et tendre, et leur âme innocente,
Leurs yeux doux et sereins, leur bouche caressante.
L'une a dit à sa sœur Ma sœur.

(Ma sœur, en un tel lieu, croissent l'orge et le millet...)

L'autour et l'oiseleur, ennemis de nos jours,

De ce réduit, peut-être, ignorent les détours,

Viens.....

(Je te choisirai moi-même les graines que tu aimes, et mon bec s'entrelacera dans le tien.)

L'autre a dit à sa sœur Ma sœur, une fontaine

Coule dans ce bosquet.

(L'oie ni le canard n'en ont jamais souillé les eaux, ni leurs cris... Viens; nous y trouverons une boisson pure, et nous y baignerons notre tête et nos ailes, et mon bec ira polir ton plumage. Elles vont, elles se promènent en roucoulant au bord de l'eau; elles boivent, se baignent, mangent; puis, sur un rameau, leurs becs s'entreiacent; elles se polissent leur plumage l'une à l'autre.)

Le voyageur, passant en ces fraîches campagnes,

Dit : « O les beaux oiseaux ! ô les belles compagnes !

Dit : «

Il s'arrêta long-temps à contempler leurs jeux;
Puis, reprenant sa route et les suivant des yeux,
Baisez, baisez-vous, colombes innocentes,
Vos cœurs sont doux et purs et vos voix caressantes;
Sous votre aimable tête, un cou blanc, délicat,
Se plie, et de la neige effacerait l'éclat. »>

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XX.

MES MANES A CLYTIE.

Mes mânes à Clytie. Adieu, Clytie, adieu.

Est-ce toi dont les pas ont visité ce lieu?

Parle, est-ce toi, Clytie, ou dois-je attendre encore?
Ah! si tu ne viens pas seule ici, chaque aurore,

Rêver au peu de jours où j'ai vécu pour toi,

Voir cette ombre qui t'aime et parler avec moi,

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