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fetiers pour fon gain de l'année; cette quantité de bled, à raifon de 20 livres le fetier, fe monte fe monte à 515 liv., c'eft ce que nous avons trouvé pour les frais de l'efclave Romain, bien peu plus. Et affurément un journalier qui a fa femme & fes enfans à nourrir, ne doit pas être traité comme s'il étoit de pire condition qu'un efclave.

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Dans une explication de la maniere de faire les affiettes, inférée à la fuite de la Coutume de Bourgogne, rédigée en 1459, fous le Duc Philippe le Bon, une journée de corvée est évaluée à 20 livres de bled pour un homme, & à 12 livres de bled pour une femme; c'est par an, pour l'homme, 343 boiffeaux ou 28 fetiers de bled, qui, à raifon de 20 livres le fetier, font 571 livres. J'obferverai qu'il y a beaucoup de travaux à la campagne, comme de faner les foins, fcier les bleds, &c., où une femme n'eft ni moins utile, ni moins expéditive qu'un homme & que dans ce cas il n'eft pas jufte de lui donner un moindre falaire. Les Légiflateurs, en taxant à un boiffeau de bled le falaire d'un journalier, ont confidéré qu'il étoit chargé d'une femme & d'enfans qu'il éleve pour le foutien & la profpérité de l'Etat ; & comme les familles de ces fortes de gens font compofées au moins de quatre perfonnes, fouvent de cinq, fix & plus, & qu'elles vivent toutes fur le travail du pere, elles ne peuvent avoir chacune pour leur entretien annuel que fept fetiers de bled au plus, fouvent ques, que , que 4, &c. , &c., ce qui revient dans ce dernier cas à 93 livres par tête, fur le pied de 20 livres le fetier. Je fais que la femme peut fouvent ajouter quelque chofe à cette petite maffe, foit en filant ou autrement; mais lorfque fes enfans font petits tout fon temps est employé à en prendre foin.

En France, on fait monter la dépenfe annuelle des hommes; l'un portant l'autre, à 100 livres tournois, c'eft une erreur; en Allemagne, on l'a évaluée à 30 rixdales (119 livres), c'eft trop peu encore; en Angleterre, on l'eftime de fept livres fterlings; cette fomme revient à 174 livres, & eft plus raisonnable.

Le simple foldat dans le Régiment des Gardes Françoises a neuf fous par jour, fur quoi on lui retient un fou pour fon linge, fouliers, &c. il a un habit neuf tous les trois ans, qui peut coûter 60 liv. Sur ce pied, un foldat aux Gardes revient au Roi à 184 liv. 5 f., non compris fon logement, &c.

Dans les autres Régimens le foldat n'a que cinq fous à dépenfer

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par jour, fur quoi on lui retient également un fou pour l'entretien de fon linge, fes fouliers, &c.; un tel foldat ne confomme donc que 1 liv. S f. par an, non compris le logement.

Mais les foldats en garnifon, vivant par chambrées, ont des moyens d'économifer fur leur nourriture & leur logement, que n'ont pas les perfonnes d'un autre état. Au refte, la confommation du foldat telle que nous l'évaluons ici, eft illufoire par rapport aux gens de travail. Le foldat ici eft en garnison, &, à quelques exercices près, il est sédentaire; il doit donc moins confommer mais s'il eft en route, fa ration par jour eft, comme nous avons dit, de 28 onces de pain, d'une pinte de vin, ou de deux pintes de cidre ou de bierre, & d'une livre de bœuf ou de mouton. Or en taxant ces chofes au plus bas, il eft certain qu'il confommera pour trois fous de pain, autant de boiffon & autant de viande, ce qui fait neuf fous par jour, & 164 liv. 5 f. par an; & ajoutant à cette fomme 20 livres pour l'habit, cela fait 184 liv. 5 f. Je ne comprends point dans cette fomme la dépense du renouvellement du linge, des guêtres, des bas, des fouliers, du blanchiffage, &c. Un foldat en route ne peut pas coûter moins de 200 livres par an. J'ajouterai que le foldat confomme quelquefois plus de 28 onces de pain, fur-tout s'il en a à difcrétion : car, fuivant M. le Maréchal de Puységur, une armée de 120000 hommes confomme chaque jour environ 1000 facs de farine pefant chacun 200 livres, ce qui fait par tête un douzieme de boiffeau par jour, & par an 30 boiffeaux de bled. Je suppose ici que cette farine contient tout le fon; car autrement cette quantité de farine produiroit par tête une confommation de plus d'un douzieme de boiffeau de bled par jour. On peut remarquer, d'après cette obfervation de M. le Maréchal de Puységur, que j'ai eu raison d'affigner à chaque habitant d'un Etat, une confommation de trente boiffeaux de bled par an.

Le fieur Unger, dans fon Traité du prix des grains, a tâché d'établir une regle applicable particuliérement aux perfonnes de médiocre condition. Suivant cette regle, la quantité de seigle qu'un homme confomme par an dans un pays étant connue, on en réduit la valeur en pfennings qu'on divife par 64; alors le quotient donne autant de rixdales qu'il en faut compter pour la dépenfe annuelle de chaque perfonne par exemple, dans les où l'on compte 2 malters de feigle par tête, fi le malter coûte

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3 rixd. 8 gr., cette fomme fera 2400 pfennings, qui, divifés par 64, donnent un quotient de 37, ce qui indique les rixdales qu'il faudra compter par tête pour la fubfiftance annuelle dans ces pays. Au refte, tout le myftere de cette regle du fieur Unger fe réduit à multiplier par 4 le prix de la quantité de grain nécessaire pour fournir à toute la fubfiftance annuelle d'une perfonne, en quelque monnoie que ce prix foit exprimé. Par exemple, qu'une perfonne confume annuellement, en nature de bled, trente boiffeaux ou 2 fetiers mesure de Paris, & que le fetier fe vende 20 livres; les deux fetiers & demi vaudront 50 livres : multipliant cette fomme par 4, le produit fera de 225 livres; c'est la consommation annuelle en toutes les chofes nécessaires à la vie pour une perfonne, selon la regle du fieur Unger, & cette consommation est la valeur de 11 fetiers de bled.

Le résumé de ce Chapitre eft, 1°. qu'un boiffeau de bon bled, pefant 20 livres poids de marc, produit 16 livres de pain blanc de la premiere qualité, ou 25 livres de gros pain fait de la farine mêlée avec le fon; 2°. que deux fetiers & demi ou trente boisfeaux de bled fuffifent en général pour la subsistance, en pain feulement, d'une perfonne, d'où il résulte que fi cette perfonne vit de pain blanc, elle en confommera par jour 21 onces &, & que fi elle fe nourrit de gros pain, elle en confommera 32 onces & ; 3°. qu'un journalier, pour élever fa famille, doit gagner par jour la valeur d'un boiffeau de bled, plus ou moins, felon la nature de fes travaux; 4°. que la dépense annuelle, pour toutes les chofes néceffaires à la vie, d'une perfonne de moyenne condition, peut être évaluée fur le prix courant de 11 fetiers de bled ou de feigle: cependant comme il y a autant de variations dans la dépense que dans la fortune, cette derniere regle est la moins fûre

& la moins applicable.

Connoiffant la confommation moyenne des hommes, en bled, & connoiffant d'ailleurs ce que toutes les terres d'un Etat produifent de bled par an, avec ce qu'il en entre ou ce qu'il en fort, on peut connoître la population de cet Etat, & réciproquement.

Connoiffant de même la quantité de bled qu'une perfonne confomme communément chaque année, avec ce qu'il entre de bled dans une Ville, on peut connoître la population de cette Ville, & je pense que c'eft la feule méthode d'approximation que l'on doive employer.

M. Dupré-de-Saint-Maur, d'après les témoignages des perfonnes les plus inftruites, & fur des certificats des gens employés par la Police pour tenir un état des grains qui fe confomment à Paris, compte 82000 muids de bled qui entrent tous les ans dans cette Villé pour la fubfiftance de fes habitans; on fait entrer dans cette quantité le pain tout fait & la farine qui viennent à Paris. Si donc nous admettons la confommation de trente boiffeaux par tête, le nombre des habitans de Paris ne fera que de 393600, fans comprendre les enfans au-deffous de trois ans, quoiqu'ils mangent de la bouillie, & les malades, & fans avoir égard, d'un autre côté, à ce que les Braffeurs, plufieurs métiers, & les animaux, comme les chiens, chats, &c. en confomment. Aufli M. de Mirabeau obferve-t-il que quoique Paris, depuis la mort de Henri IV, fe foit accru exactement de deux tiers, il n'a cependant, dans le réel de fon dénombrement, qu'à peu près le même nombre d'habitans qu'il avoit fous ce regne.

CHAPITRE X.

De la quantité de femence, de la fertilité des terres dans certaines contrées; de la population chez quelques Peuples de l'antiquité; de quelques Loix agraires.

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Xaminons ce qu'il faut mettre de femence dans un terre, fuivant fa qualité & la différence des climats.

Héron d'Alexandrie nous apprend qu'en Egypte on enfemençoit un modios ou une aroure de terre avec un modios de bled. Dans ce pays & dans l'Afie, les mesures de fuperficie, autrement les mefures géodétiques ou gromatiques, étoient appropriées à des mefures folides ou de capacité qui régloient la quantité de femence, foit de bled, foit d'orge, qu'il étoit convenable qu'elles reçuffent. Chez les Juifs, l'étendue de terrein appellée bethcor confommoit un cor ou coros de bled ou d'orge; le bethlethec, un lethec de bled; le modios de terre ou l'aroure, un modios ou faton de bled, &c. Les peuples de la Grece mettoient un médimne de femence par médimine de terre.

On feme quatre modius de féves par jugere, dit Varron ( de Re ruft. lib. I, cap. XLIV.), cinq de froment, fix d'orge, dix de riz; mais dans quelques lieux on en met tantôt plus, tantôt moins : fi le terroir eft gras, on en met plus; s'il eft maigre, on en met moins (je penfe que c'eft le contraire); c'est pourquoi vous obferverez quelle eft la quantité de femence qu'on a coutume d'employer dans le pays que vous habitez, afin de vous y conformer. Dans quelques endroits la terre rend dix pour un, en d'autres quinze, comme en Etrurie (en Tofcane), & en quelques cantons de l'Italie. On dit que dans le territoire de Sybaris (partie de la Calabre, fituée au fond du golfe de Tarente), la terre rend ordinairement cent pour un; que dans la Syrie, aux environs de Garada (ou peut-être Gadara dans l'ancienne Batanée, au midi du lac de Généfaret), & dans les campagnes de Byzacium en Afrique (au fond de la petite Syrte ou golfe des Cabes dans le Royaume de Tunis), la terre produit également cent pour un de femence. Les différences dans la nature des terres en apportent auffi dans la quantité de la femence. Il y a des terres neuves, ou qui n'ont pas encore été en culture; il y en a de reftibles, ou qu'on enfemence tous les ans ; il y en a d'autres qu'on laiffe en jacheres pour les faire repofer une ou deux années. Les terres font reftibles dans le territoire d'Olynthe (aujourd'hui Agiomama au fond du golfe de Caffandre & près de celui de Salonique, dans le Roumiili), mais de maniere que la premiere année on leur fait produire du froment, & des menus grains les deux autres fuivantes. Il faut, ajoute Varron, laiffer repofer les terres de deux années une, ou les enfemencer la feconde année de quelques menus grains qui les épuifent moins que le froment.

Un jugere de terre graffe, dit Columelle (lib. II, cap. IX.), doit être enfemencé pour l'ordinaire de quatre modius de bled; dans une terre médiocre il en faut cinq. Dans une bonne terre il faut neuf modius de riz, & dix dans une terre médiocre : car quoique les Auteurs ne foient pas d'accord fur la quantité de la femence, cependant l'ufage & l'expérience nous ont appris que celle-ci étoit la plus convenable. S'il fe rencontroit quelqu'un qui balançât à s'y conformer, il pourroit fuivre la pratique de ceux qui fement cinq modius de bled & huit de riz dans un jugere de bonne terre, & qui penfent qu'il en faut la même quantité dans les fonds de médiocre qualité. D'ailleurs nous ne nous fommes pas

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