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quelque doute (1). De plus, que deviendra la «< majorité » reléguée ainsi à un rang secondaire ou peut-être éliminée peu à peu du pays? Le texte ne le prévoit point. En attendant, les diplomates n'ont pas craint d'organiser un régime, dont le principe ne fut admis ailleurs, nous le savons, que dans des limites restreintes et des cas exceptionnels (2), et d'aggraver en faveur des juifs de certains pays le plus grave danger que présente la Protection des Minorités la rupture possible de l'unité politique des Etats.

(1) Il convient de noter que la politique sioniste provoque dans la population chrétienne, arabe et même israélite une résistance unanime : les autochtones considèrent comme indésirable l'invasion de juifs russes, polonais, roumains, sordides et plus ou moins bolchevistes, dont le sionisme inonde la Palestine britannique. Le 4o Congrès arabe tenu à Naplouze à la fin d'août 1922 a voté une série de résolutions en vue de faire échec au sionisme et de conquérir l'indépendance musulmane. (2) Parmi les clauses particulières des Traités de minorités, signalons pour mémoire l'art. 11 du Traité hellénique, interdisant pendant six mois à la Grèce de modifier le régime foncier des territoires nouvellement acquis par elle et les art. 142 et 144 du Traité ottoman qui obligeaient la Porte à réparer les actes de violence (séquestration, conversions forcées, enlèvements, confiscations) commis durant la guerre. Les textes n'ont plus aujourd'hui qu'une valeur historique, le premier étant périmé, les autres n'ayant pas encore été ratifiés.

CHAPITRE IV

LES TRAITÉS DE 1919-1920 (Suite)
LES SANCTIONS

Les pactes conclus sous les formes les plus solennelles, dans les termes les plus clairs, signés par les mandataires les plus autorisés, n'ont de valeur que par leur force exécutoire. Aussi les nouveaux Traités prévoient-ils deux ordres de garanties. Les unes, dans le cadre du droit interne, reposent uniquement sur la bonne foi de l'Etat, à la fois obligé et arbitre; les autres, dans la sphère du Droit des Gens, sur l'institution d'un tribunal suprême.

I. — Garantie du droit interne

La Pologne s'engage à ce que les stipulations contenues dans les articles 2 à 8 du présent chapitre soient reconnues comme lois fondamentales, à ce qu'aucune loi, aucun règlement, ni aucune action officielle ne soient en contradiction ou en opposition avec ces stipulations, et à ce qu'aucune loi, aucun réglement, ni aucune action officielle ne prévalent contre elles (1).

(1) Traités avec les Etats alliés (art. 1er), la Hongrie (art. 54), l'Autriche (art. 62), la Bulgarie (art. 49), projet de Lausanne (art. 36). L'étendue d'application de cette clause varie selon les traités dans les Traités de Paix, sauf celui de Sèvres, elle s'étend à tous les articles de Protection des Minorités; dans les autres pactes, elle ne vise ni la répartition équitable des fonds publics, ni les clauses particulières.

C'est assurément là un engagement grave dans les termes où il est conçu, il risque de s'opposer à l'exécution de mesures commandées par l'intérêt général et de créer des situations délicates par l'atteinte qu'il porte au pouvoir législatif de l'Etat.

La garantie, du reste, est singulièrement restreinte, dans sa valeur comme dans l'étendue de son champ d'application. Elle ne vise que certaines clauses générales et garde un caractère tout moral, puisque nul ne peut contraindre l'Etat, législateur et juge, si ce n'est le nombre des signataires et la crainte de les mécontenter. L'histoire atteste de son insuffisance, et l'aveu n'est pas surprenant de la part de la Conférence reconnaissant la nécessité de la renforcer par une garantie plus réelle.

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A l'ancien système de surveillance assez lâche, les Traités de 1919 substituent un contrôle permanent. Nous en examinerons le caractère et le fonctionnement.

La Pologne agrée que, dans la mesure où les stipulations des articles précédents affectent des personnes appartenant à des minorités de race, de religion ou de langue, ces stipulations constituent des obligations d'intérêt international et seront placées sous la garantie de la Société des Nations. Elles ne pourront être modifiées sans l'assentiment de la majorité du Conseil de la Société des Nations. Les Etats-Unis d'Amérique, l'Empire Britannique, la France, l'Italie et le Japon s'engagent à ne pas refuser leur assentiment à toute modification desdits articles, qui serait consentie en due forme par une majorité du Conseil de la Société des Nations (1).

Les premières lignes de cet article sanctionnent d'une manière officielle l'entrée du problème minoritaire dans le domaine du Droit des Gens. Quant à ces mots « intérêt international », ils affirment dans leur laconisme l'existence de

(1) Article final des sections des Traités relatives à la Protection des Minorités, al. 1".

la solidarité entre Etats, le classement définitif des droits des minorités parmi les « droits humains »> (1).

De là, une première conséquence: l'intangibilité de ces clauses (2), garantie par le présent texte. Elles ne pourront être modifiées sans l'approbation de la majorité du Conseil de la Société (3). Les Etats signataires reconnaissent, une fois de plus, par cet engagement, l'abdication de souveraineté que suppose la Protection internationale des Minorités.

Deuxième conséquence: le contrôle de la Société. C'est là, nous le savons, le point vital de l'organisation nouvelle. Deux ordres de sanctions ont été prévus par les Traités; un troisième a été organisé par certaines conventions additionnelles.

a) La procédure ordinaire: devant le Conseil.

La Pologne agrée que tout membre du Conseil de la Société des Nations aura le droit de signaler à l'attention du Conseil toute infraction ou danger d'infraction à l'une quelconque de ces obligations, et que le Conseil pourra procéder de telle façon et donner telles instructions qui paraîtront appropriées et efficaces dans la circonstance (4).

Primitivement, le droit de signaler les infractions aux clauses des traités appartenait donc aux seuls membres du Conseil. Pareille garantie se révéla bientôt insuffisante. Le 22 octobre 1920, le Conseil de la Société adopta donc les modifications suivantes proposées par M. Tittoni (5).

Pour que les groupements non représentés au Conseil minorités et Etats non admis dans la Société puissent présenter leurs plaintes, celles-ci seront désormais transmises par le Secrétariat, mais à titre de pure information. Le Conseil

(1) Cf. supra, 1re partie, chap. II, sect. III.

(2) Ce point est souligné dans le rapport présenté par M. Tittoni à la 10 Session du Conseil de la Société des Nations (Bruxelles, 22 octobre 1920. Cf. Journal Officiel de la Société des Nations, N° 8, p. 8).

(3) L'engagement pris en retour par les Puissances alliées s'explique par ce fait que leur dissentiment pourrait diminuer le caractère obligatoire de ces clauses, dont la garde leur est confiée. Ces Puissances, moins les Etats-Unis, forment le noyau du Conseil ; il est nécessaire qu'aucune divergence de vues ne se produise entre elles.

(4) Alinéa 2 de l'article final.

(5) Rapport présenté à la session de Bruxelles.

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