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les échauffait encore? N'y sontelles pas aussi justifiées par les règles du monde, que si la conduite des dieux les autorisait encore?... Vous respectez la religion dans laquelle vous êtes nés... Vous croyez tous les points de la foi chrétienné, vous voulez vivre et mourir dans le sein de l'Église catholique. Que manque-t-il à votre christianisme? les mœurs des chrétiens. Montrez votre renoncement à cette ancienne impiété du monde par le renoncement à tout ce qui tient de cette impiété, à tout ce qui en fait partie; par le renoncement à ces passions qui font ce que l'Évangile appelle le monde,monde aujourd'hui plus coupable avec ces passions et en un sens plus impie; parce qu'au lieu que les païens, en vivant selon les passions de ce monde, vivaient conséquemment à la religion qu'ils professaient, et conformément à l'exemple des dieux qu'ils adoraient : le monde, en vivant aujourd'hui selon ces mêmes passions, vit d'une manière contraire à tout ce qu'il croit, opposée à tout ce qu'il fait dans les temples, et ne peut vivre ainsi qu'au mépris du Dieu saint qu'il reconnaît, et de la religion pure et sans tache qu'il suit. Car encore une fois la religion pure et sans tache ou la vraie piété consiste à se conserver pur de ce siècle : Religio munda et immaculata, dit saint Jacques, hæcest..., immaculatum, se custodire ab hoc seculo. (Jac. 1, 27.)

Vous n'êtes pur ni dans vos pensées, ni dans vos désirs, ni peut-être dans vos actions: vous n'êtes pas chaste dans vos chants, dans vos discours, dans ces vues de plaire, dans cette manière de vous mettre et de vous montreraux yeux des hommes; tout cela est du siècle : tout cela, quand vous auriez d'ailleurs une foi encore plus pure, est incompatible avec la vraie piété qui consiste à se conscrver pur des passions de ce siècle : Immaculatum se custodire ab hoc seculo. Il faut être purs du siècle tout entier, l'être en tout.

Vous passez votre vie au jeu, dans les amusemens : vous errez de plaisir en plaisir, du théâtre aux fêtes mondaines : sensuel, voluptueux, vivant dans la mollesse; tout cela est du siècle, c'en est le fonds et le mauvais fonds; et la piété qui consiste à se conserver pur de ce siècle, est étrangère à cette vie : Immaculatum se custodire ab hoc seculo. Il faut être mortifié et pénitent.

Vous êtes un ambitieux tout occupé de vos vues de fortune, ne cherchant en ce monde que les honneurs et les places élevées, vous étant proposé dans votre cœur d'y arriver par toutes sortes de voies, cela est tout entier du siècle, et la piété ne le souffre pas, quand vous seriez plus retenu sur l'injustice des moyens. Il faut tourner ses principales vues et ses premiers soins du côté de l'éternité bienheu

reuse.

Vous êtes un homme absorbé dans vos affaires de ce monde, jusqu'à ne vous laisser pas le temps de vaquer aux choses de Dieu, de travailler à l'affaire de votre salut; tout cela est du siècle ; et sans qu'il y ait d'autre iniquité dans votre vie, vous n'êtes pas dans la vraie piété. Il faut chercher en premier lieu le royaume de Dieu et sa justice.

Vous êtes un homme colère, emporté, violent, vindicatif, déclaré, obéissant en cela aux lois du monde; tout cela est du siècle, et vous n'êtes pas dans la voie de la piété avec votre profession de christianisme et votre assiduité dans les temples. Il faut avoir appris de l'exemple de Jésus-Christ à être doux et humble de cœur; et de sa doctrine, à pardonner tout et toujours.

Vous êtes un grand du monde, superbe, méprisant, aussi jaloux de la gloire de votre nom, que vous l'êtes peu de celle de Dieu et de votre religion, à la quelle vous prétendez cependant être attaché, jusqu'à prendre parti pour elle; tout cela est du siècle, et part d'un esprit ennemi de celui de la piété. Il faut dans la grandeur avoir l'esprit de l'humilité chrétienne.

Vous êtes un riche qui donnez dans tous les travers des riches, à cela près que vous ne l'êtes pas devenu par les concussions et les rapines; vous outrez la magnificence et la dépense, ce qui vous rend du moins injuste envers les pauvres que vous n'êtes plus en état d'assister selon vos biens;

tout cela est du siècle, et quand vous feriez d'ailleurs quelques bonnes œuvres, vous ne seriez pas dans la piété. Il faut être riche en Dieu, être riche en bonnes œuvres, être riche selon les règles de l'Évangile.

Vous êtes une personne du monde peu appliquée à la dévotion, vous ne vous en piquez pas; peu scrupuleuse pour vous retenir en toutes choses dans les bornes de la modération évangélique, vous en convenez; peu soigneuse de garder cette grande règle de la justice chrétienne : Ne faites point aux autres ce que vous ne voudriez pas que les autres vous fissent, cela est visible dans vos mœurs. Vous êtes de ce siècle, vous en avez l'esprit, vous en faites les œuvres : en attendant votre dernière condamnation avec ce monde, vous êtes déjà jugé de Dieu avec le monde, parce que vous n'avez pas appris de la grâce de Dieu notre Sauveur, en renonçant aux passions du monde, ainsi qu'à l'impiété, à vivre en ce siècle avec tempérance envers vousmême, avec justice envers le prochain, avec piété envers Dieu. Vous n'êtes pas dans la vraie piété, quand vous seriez attaché à l'Église catholique, quand vous passeriez dans le monde pour un dévot à la faveur de mille petites dévotions, à la faveur de quelques pratiques solides, prières, bonnes lectures, assiduité aux instructions du salut et au service divin; parce que la vraie piété ou la

religion pure et sans tache consiste à se conserver pur de ce siècle : Religio munda et immaculata apud Deum et Patrem, hæc est..., immaculatum se custodire ab hoc seculo.

Mais, que dis-je, l'idolâtrie en ce qu'elle a de plus réel et de plus malin, subsiste au milieu du monde lavé dans les eaux du baptême. L'idolâtrie avec ce qui en fut l'origine et en est le fonds, vit au milieu de votre cœur ; et les objets de cette idolâtrie sont, non pas une seule chose, mais tant de choses que vous aimez dans ce monde avec fureur : Hoc colitur quod amatur. (Aug.) Et le principal objet de cette idolâtrie, c'est vous-même. Ainsi quand on dit d'une femme du monde qu'elle est idolâtre d'ellemême qu'on dit de cette fille qu'elle cherche à être l'idole du monde, on ne fait qu'appeler les choses de leur vrai et propre

nom.

Ceux-là seulement sont vraiment pieux et véritablement chrétiens dans le monde, qui portent la vertu au-delà des vues et des actions même bonnes et louables en elles-mêmes que fai saient les païens. Car JésusChrist a d'un seul mot retranché de la véritable piété et dépouillé du nom de chrétiens, ceux qui bornent leur vertu et le christianisme à faire ce que font les païens aimer leurs amis, faire plaisir à ceux qui leur en font, voir ceux qui les voient et rendre honneur à ceux qui leur en rendent nonne

et Ethnici hoc faciunt? (Matth. 5, 47.) En un mot, renfermer la vertu dans les devoirs de la vie civile, et ne l'étendre pas au-delà de la probité humaine, c'est ne pas connaître le christianisme; et c'est un second défaut de la vertu mondaine. Suivons toujours les rapports du monde avec l'idolâtrie, et nous trouverons aujourd'hui dans le monde, au sujet de la vraie piété, une seconde illusion plus commune et plus dangereuse que la première.

Il y avait bien des gens dans le paganisme, qui ne prenant, ni les dieux pour modèle, ni leur religion pour règle, se faisaient à eux-mêmes des lois plus conformes aux principes de la raison; et, suivant ce qui reste à l'homme de lumière naturelle, vivaient moralement bien. C'était au culte extérieur près de leurs divinités, dont leur sagesse ne leur permettait pas de s'écarter, d'honnêtes gens, des femmes sages, des magistrats intègres, des marchands droits dans leur commerce, des ouvriers irréprochables pour la fidélité, des riches et des grands du monde capables d'assister le pauvre, de protéger le malleureux, de rendre service à tous autant qu'ils le pouvaient, de faire de leur bien et de leur puissance un usage noble et utile à la république c'étaient en un mot des gens de différens états qui tous vivaient avec l'approbation et l'applaudissement du monde.

La philosophie était venue par-dessus; et parmi de certaines choses qui ressentent encore trop la corruption de l'homme et les temps d'ignorance, comme parle saint Paul, elle établissait mille bonnes règles qui pouvaient faire des hommes estimables, et dans la société humaine et dans la religion telle qu'ils la connaissaient quelle était donc la corruption de cette espèce de religion dans le paganisme? La corruption de cette espèce de religion, indépendamment du culte des dieux qu'elle tolérait et qu'elle prêchait même par des raisons de politique et d'une sagesse toute mondaine : c'était de ne chercher qu'à se plaire à elle-même et à être applaudie des hommes: c'était de faire ce qu'elle faisait de bon par des raisons toutes prises de l'homme, et de ses misérables intérêts et de ses passions plus couvertes: c'était de s'acquitter des devoirs de religion et des devoirs de la société humaine par des raisons de bienséance et de con

venance.

Les pharisiens, qui étaient une espèce de philosophes dans le judaïsme, avaient entièrement adopté cette religion. Ils étaient pleins de cet esprit et le communiquaient autant qu'ils pouvaient à toute la nation. Jésus-Christ ne cessa de le leur reprocher, et dit nettement à ceux qui pensaient à être ses disciples (et c'est comme s'il nous le disait encore à nous): « Si votre justice ne passe celle des

scribes et des pharisiens, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux. »

Jésus-Christ est donc venu détruire une pareille doctrine, et combattre cette vertu humaine comme corrompue dans son principe, et manquant dans sa fin; et le Saint-Esprit en a bien mis une autre dans le cœur des fidèles, en y mettant la charité. Mais hélas! ce paganisme honnête, cette religion des philosophes et des pharisiens, cherche à ressusciter au milieu du christianisme. Ne le serait-elle point déjà? ne s'avance-t-elle

pas sourdement? ne se coulet-elle pas doucement? ne s'insinue-t-elle pas adroitement sous le beau masque de vertu? Que dis-je? elle se montre à visage découvert; elle a ses partisans déclarés; elle a ses maîtres échauffés à la soutenir, qui la proposent en particulier, qui l'enseignent publiquement; et cette vertu qu'on peut apprendre au théâtre comme dans l'Église, dont on peut s'instruire dans les romans comme dans l'Évangile; cette vertu qu'on peut pratiquer, les cartes tout le jour dans les mains comme un bon livre devant les yeux; cette vertu qui ne dérange rien aux plaisirs, et ne touche aux passions grossières que par des raisons de chair et de sang; cette vertu qui satisfait l'homme et contente le monde; cette vertu qui adopte toutes les manières et les usages du monde; cette vertu qui, dans le courant de la

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vie, a aussi peu de rapport à Dieu et à Jésus-Christ, que si l'on ne connaissait, ni Dieu, ni Jésus-Christ (car on ferait la même chose dans une autre religion); cette vertu, dis-je, ainsi proposée et enseignée, le libertin ne la rejette point, s'il ne la pratique pas la femme livrée au monde ne s'en moque pas, et en fait même sa ressource pour le dernier âge; la femme qui veut être dévote sans cesser d'être mondaine, lui tend les bras; le peuple qui ne creuse point dans le fond de la religion, l'adopte sans peine; le sage du monde qui s'en trouve flatté, la loue et en fait la principale par tie de sa sagesse; l'homme, parce qu'elle est de l'homme, la préfère à celle qui vient de Dieu; le monde entier l'élève au-dessus de la vertu évangélique, en fait la seule vertu convenable à des gens du monde et supportable dans le commerce de la vie.

Voilà ce qu'on entend aujourd'hui de toutes les bouches, voilà comme cette gangrène gagne. Église du Seigneur! sainte Sion, voilà l'ennemi qui vous assiége et qui vous serre de près: voilà l'erreur qui cherche à entrer par toutes vos portes. Posez des sentinelles de près en près tout le long de vos murailles, et recommandez-leur de veiller le jour et la nuit, et recommandez-leur de crier de toutes leurs forces au moindre bruit de cette doctrine perverse. Et vous qui prêchez et qui enseignez

dans l'Église du Dieu vivant, fidèles à ce ministère, regardezvous comme ces sentinelles posées par l'Église même pour n'y rien laisser passer contre la doctrine de la vertu évangélique. Élevez votre voix comme une trompette en Sion, pour réveiller les pasteurs et mettre tout en garde contre cette religion humaine et toute mondaine.

Et en effet, peut-on s'élever avec assez de force contre une religion, si c'en est une, qui s'élève hardiment elle-même contre la religion, qui la déshonore dans sa substance, qui la dégrade jusqu'à la mettre au rang des choses humaines, qui, ne craignant pas de prendre un ton de religion, et se couvrant du nom de chrétienne, rend la religion méconnaissable à ses propres enfans, méprisable aux étrangers, faible et impuissante contre ses ennemis; qui, sachant se parer de quelques belles couleurs, et superbe en paroles, rend ridicule la religion véritable, quand elle se veut montrer sous sa figure naturelle, et excite ainsi contre elle ou la

risée ou la révolte?

Ici, vous qui entendez encore plus souvent que nous dans le monde cette sagesse du monde se mettre elle-même à la place de la vertu chrétienne, et vouloir attirer à elle tout le respect qui est dû à la religion, entrez dans notre juste indignation, et tous ensemble pour la couvrir de la honte qu'elle mérite, écrions-nous : la belle religion

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