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«Des inquiétudes saisirent les esprits, soit

que

de chimériques appréhensions en fussent le principe, soit que divers incidents, qui ve<< naient de se succéder, eussent dénoncé des «dangers réels, soit que les chimères et la réa«lité eussent été combinées et mises à profit par quelque faction méditant des complots.

«

« Une résolution soudaine est prise et exé« cutée; la capitale laisse échapper un peuple immense impatient de sa situation, qui va « remplir Versailles, et demander son salut à l'assemblée et au roi.

« Peut-être des scélérats sont répandus dans «< cette multitude; ils la gouvernent à leur gré; «<elle est un instrument mobile dont ils abusent dans leur dessein.

***« L'asile du monarque est environné, sa garde « est menacée, le sang coule; mais quelque agression, quelque imprudente bravade n'a«<< t-elle pas provoqué ce malheur?!

«L'armée parisienne accourt; des citoyens, « qui ont conquis la liberté, répriment la licence; l'ordre renaît, la nuit s'achève dans « le silence.... dans un silence perfide. Le jour paraît pour donner le signal des forfaits. << Les barrières sont forcées, les gardes du roi «forcés, massacrés aux portes de son palais. « Une bande homicide s'avance; dans sa fureur, elle vomit des imprécations; dans ses blas

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II. Ep. << phèmes, elle ne respecte rien; dans son «ivresse, elle est capable de tous les crimes. «Elle est aux portes de la reine..... D'intré«pides guerriers combattent, mais ils succom<< bent; il n'y a plus de résistance, il n'y a pres<< que plus d'espace entre ces tigres et l'épouse « de Louis XVI.

« Rassurez-vous, un respect involontaire va «retenir leurs pas; la majesté du lieu est un rempart qu'ils n'oseront franchir, et le crime « n'ira pas jusqu'à son dernier excès ».

Telle est l'esquisse qui fut présentée à l'assem blée nationale; les faits de détail et de circonstances n'y ajoutent que peu de certitude.

Ce fut vers les cinq heures du matin qué des hommes armés se portèrent à la fois à la grille de la cour nommée Cour des Princes; cette grille n'était arrêtée qu'avec une chaîne; en l'ébranlant fortement, elle céda, et la sentinelle fut tuée. Ils montèrent aussitôt l'escalier qui conduit à l'appartement de la reine; il y eut là un combat entre quelques gardes-du-corps qui opposèrent de la résistance, et furent bientôt obligés de céder au nombre et à la furie : plusieurs succombèrent, le reste se retira de chambre en chambre jusqu'à celle qui précède immédiatement celle du roi, et qu'on appelle l'Eil-de-Bœuf: là, ils se barricadèrent.

Les premiers appartements, avant celui de la

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reine, avaient été successivement forcés. Au II. Ep. premier tumulte, elle s'était leyée, et, à peine vêtue, se sauva, par une porte de communication, dans ce même Eil-de-Bœuf, et de là chez le roi.

Quoiqu'on ait dit dans le temps, que le lit fut bouleversé par les hommes à piques, il paraît cependant, par le détail de l'information, dans la procédure du Châtelet, que le désordre s'arrêta à la porte de la chambre à coucher de la reine; un verrou, qu'une de ses femmes eut le temps de pousser, arrêta, et l'acte de briser porte étonna l'audace.

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En même temps que cette attaque se faisait, une autre entreprise était tentée à l'escalier de la chapelle, qui conduit aux appartements du roi, par le côté opposé : ce fut là que furent tués les deux gardes-du-corps dont les têtes furent promenées dans Versailles, puis portées à Paris. Le reste des gardes se retira par le côté de la grande galerie, et vint se rejoindre à ceux qui s'étaient enfermés dans la pièce de l'Œilde-Bœuf.

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Au premier bruit du tumulte, les grenadiers des deux compagnies des gardes françaises, devenues gardes nationales, étaient accourus; ils continrent cette multitude en paraissant à la porte de l'Eil-de-Boeuf; et, sur le refus des gardes du corps d'ouvrir, ils leur crièrent:

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II. Ep. Ouvrez-nous, messieurs les gardes-du-corps,

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nous n'avons pas oublié que vous nous avez sauvés à Fontenoy. Cette singulière harangue décida, et les portes furent ouvertes; la foule entra avec eux. Le roi sortit de sa chambre, et vit encore un de ses gardes renversé devant lui; il dit, mais inutilement: Ne faites donc point de mal à mon garde, Alors, les grenadiers s'emparèrent du poste, et le roi rentra : tout cela se passa rapidement.

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Lafayette ne fut averti qu'au moment même de l'action; la distance de son logement au château était assez grande, il n'arriva qu'à la fin. On lui fit un crime de ce retard; la suite prouva assez que son intérêt n'était pas le même que l'intérêt de ceux qui furent soupçonnés, et ensuite désignés comme provocateurs de cette journée. Lafayette n'eut qu'une ambition, celle de la gloire : la fortune, les honneurs, le pouè voir ne furent pour lui que des moyens du mo ment, et son caractère n'était pas assez profond pour méditer et conduire un crime politique. Pièces j. L'ordre du service intérieur du château ne permettait même pas qu'il s'ingérât à le régler: La veille, avant l'événement, c'eût été un abus de force généralement improuvé. Son arrivée fit cesser, non le désordre, mais les excès. La multitude, qui s'était portée au château, s'était rassemblée dans la cour de Marbre, sous l'appartement

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l'appartement du roi. Il parut sur le balcon, et II. Ep; plusieurs gardes-du-corps, qui étaient autour de lui, jetèrent leurs bandoulières d'uniforme aux hommes assemblés; c'était un signe de capitulation: c'était aussi une suite du système de réserve que le roi s'était imposé. Il avait lu attentivement l'histoire de Charles I.er; il lui en était resté une opinion qui influa sur toute sa conduite c'est que le prétexte du procès de Charles avait été la guerre qu'il avait faite à son peuple; et Louis XVI était persuadé que le but de ses ennemis et des factions était de le pousser à des démarches hostiles, afin de s'en servir contre lui, comme motif de procédure. Il crut donc déjouer ces factions, en évitant toute occasion de voie de fait; et cette louable politique donne la clef de toute sa conduite ultérieure.

Le roi s'était montré sur le balcon, accompagné de sa femme et de ses enfants, des cris, mêlés de menaces, s'étaient élevés : Le roi à Paris, le roi à Paris! Il rentra alors, et fit dire au président de l'assemblée nationale, qu'il desirait qu'elle se rendît auprès de lui. A l'ôuverture de la séance, le président en fit part à l'assemblée; sur le champ on envoya une députation de deux membres, pour s'assurer des intentions du roi; et, avant leur retour, on prit un arrêté par lequel l'assemblée envoyait au roi Tome I.

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