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exemplaires imprimés dans la nuit. Vous en enverrez une copie à la Congrégation de Milan pour qu'elle la fasse traduire en italien, et qu'elle la fasse imprimer et répandre partout.

MANIFESTE.

Pendant que l'armée française est engagée dans les gorges de la Styrie, et a laissé loin derrière elle l'Italie et les principaux établissements de l'armée, où il ne reste qu'un petit nombre de bataillons, voici la conduite que tient le gouvernement de Venise :

1° Il profite de la semaine sainte pour armer 40,000 paysans, y joint dix régiments d'Esclavons, les organise en différents corps d'armée, et les porte aux différents points pour intercepter toute espèce de communication entre l'armée et ses derrières.

2o Des commissaires extraordinaires, des fusils, des munitions de toute espèce, une grande quantité de canons sortent de Venise même pour achever l'organisation des différents corps d'armée.

3o On fait arrêter en terre ferme tous ceux qui nous ont accueillis ; l'on comble de bienfaits et de toute la confiance du gouvernement tous ceux en qui l'on connaît une haine furibonde contre le nom français, et spécialement les quatorze conspirateurs de Vérone que le provéditeur Priuli avait fait arrêter, il y a trois mois, comme ayant médité l'égorgement des Français.

4° Sur les places, dans les cafés et autres lieux publics de Venise, l'on insulte et accable de mauvais traitements tous les Français, les dénommant du nom injurieux de jacobins, régicides, athées; les Français doivent sortir de Venise, et, peu après, il leur est même défendu d'y entrer.

5° L'on ordonne au peuple de Padoue, Vicence et Vérone, de courir aux armes, de seconder les différents corps d'armée, et de commencer enfin de nouvelles Vêpres siciliennes. Il appartenait au lion de Saint-Marc, disent les officiers vénitiens, de vérifier le proverbe, que l'Italie est le tombeau des Français.

6o Les prêtres en chaire prêchent la croisade, et les prêtres, dans l'État de Venise, ne disent jamais que ce que veut le gouvernement. Des pamphlets, des proclamations perfides, des lettres anonymes sont imprimés dans les différentes villes et commencent à faire fermenter toutes les têtes; et, dans un État où la liberté de la presse n'est pas permise, dans un gouvernement aussi craint que secrètement abhorré, les imprimeurs n'impriment, les auteurs ne composent que ce que veut le Sénat.

7° Tout sourit d'abord aux projets perfides du gouvernement. Le

sang français coule de toutes parts; sur toutes les routes on intercepte nos convois, nos courriers et tout ce qui tient à l'armée.

8° A Padoue, un chef de bataillon et deux autres Français sont assassinés; à Castiglione di Mori, nos soldats sont désarmés et assassinés; sur toutes les grandes routes, de Mantoue à Legnago, de Cassano à Vérone, nous avons plus de deux cents hommes assassinés.

9° Deux bataillons français, voulant rejoindre l'armée, rencontrent à Chiari une division de l'armée vénitienne qui veut s'opposer à leur passage; un combat opiniàtre d'abord s'engage, et nos braves soldats se font un passage en mettant en déroute ces perfides ennemis.

10° A Valeggio, il y a un autre combat; à Desenzano, il faut encore se battre; les Français sont partout peu nombreux, mais ils savent bien qu'on ne compte pas le nombre des bataillons ennemis, lorsqu'ils ne sont composés que d'assassins.

11° La seconde fête de Pàques, au son de la cloche, tous les Français sont assassinés dans Vérone; l'on ne respecte ni les malades dans les hôpitaux, ni ceux qui, en convalescence, se promènent dans les rues, et qui sont jetés dans l'Adige ou meurent percés de mille coups de stylet; plus de quatre cents Français sont assassinés.

12o Pendant huit jours, l'armée vénitienne assiége les trois châteaux de Vérone; les canons qu'ils mettent en batterie leur sont enlevés à la baïonnette; le feu est mis dans la ville, et la colonne mobile qui arrive sur ces entrefaites met ces làches dans une déroute complète, en faisant trois mille hommes d'infanterie de ligne prisonniers, parmi lesquels plusieurs généraux vénitiens.

13o La maison du consul français de Zante est brûlée dans la Dalmatie.

14° Un convoi de guerre vénitien prend sous sa protection un convoi autrichien et tire plusieurs boulets contre la corvette la Brune.

15° Le Libérateur de l'Italie, bâtiment de la République, ne portant que trois à quatre pièces de canon, et n'ayant que quarante hommes d'équipage, est coulé à fond dans le port même de Venise, et par les ordres du Sénat; le jeune et intéressant Laugier, lieutenant de vaisseau, commandant ledit bâtiment, dès qu'il se voit attaqué par le feu du fort et de la galère amirale, n'étant éloigné de l'un et de l'autre que d'une portée de pistolet, ordonne à son équipage de se mettre à fond de cale; lui seul, il monte sur le tillac, au milieu d'une grêle de mitraille, et cherche, par ses discours, à désarmer la fureur de ses assassins; mais il tombe roide mort; son équipage se jette à la nage et est poursuivi par six chalos montées par des troupes soldées par la République de Venise, 4 tuent

à coups de hache plusieurs qui cherchent leur salut dans la haute mer; un contre-maître, blessé de plusieurs coups, affaibli, faisant sang de tous côtés, a le bonheur de prendre terre à un morceau de bois touchant au château du port; mais le commandant luimême lui coupe le poignet d'un coup de hache.

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Vu les griefs ci-dessus, et, autorisé par le titre XII, article 328 de la Constitution de la République, et vu l'urgence des circonstances: Le général en chef requiert le ministre de France près la République de Venise de sortir de ladite ville;

Ordonne aux différents agents de la République de Venise dans la Lombardie et dans la terre ferme de Venise de l'évacuer sous vingt-quatre heures ;

Ordonne aux généraux de division de traiter en ennemis les troupes de la République de Venise, et de faire abattre, dans toutes les villes de la terre ferme, le lion de Saint-Marc.

Chacun recevra, à l'ordre du jour de demain, une instruction particulière pour les opérations militaires ultérieures.

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Quartier général, Palmanova, 14 floréal an V (3 mai 1797).

Je reçois dans l'instant des nouvelles de Vérone. Vous trouverez ci-joint les rapports du général de division Balland, du général Kilmaine et du chef de brigade Beaupoil.

Dès l'instant que j'eus passé les gorges de la Carinthie, les Vénitiens crurent que j'étais enfourné en Allemagne, et ce làche gouvernement médita des Vêpres siciliennes. Dans la ville de Venise et dans toute la terre ferme, on courut aux armes. Le Sénat exhorta les prédicateurs, déjà assez portés par eux-mêmes à prêcher la croisade contre nous. Une nuée d'Esclavons, une grande quantité de canons, et plus de 150,000 fusils furent envoyés dans la terre ferme; des commissaires extraordinaires, avec de l'argent, furent envoyés de tous côtés pour enrégimenter les paysans. Cependant M. Pesaro, sage-grand, me fut envoyé à Goritz, afin de chercher à me donner le change sur tous ces armements. J'avais des raisons de me méfier de leur atroce politique, que j'avais assez appris à connaître je déclarai que si cet armement n'avait pour but que de faire rentrer des villes dans l'ordre, il pouvait cesser, parce que je me chargeais de faire rentrer les villes dans l'ordre, moyennant qu'ils me demanderaient la médiation de la République ; il me promit tout et ne tint

rien. Il resta à Goritz et à Udine assez de temps pour être persuadé par lui-même que j'étais passé en Allemagne, et que les marches rapides que je faisais tous les jours donneraient le temps d'exécuter les projets qu'on avait en vue.

Le 30 germinal, des corps de troupes vénitiennes considérables, augmentés par une grande quantité de paysans, interceptèrent les communications de Vérone à Porto-Legnago. Plusieurs de mes courriers furent sur-le-champ égorgés et les dépêches portées à Venise. Plus de 2,000 hommes furent arrêtés dans différentes villes de la terre ferme et précipités sous les Plombs de Saint-Marc; c'étaient tous ceux que la farouche jalousie des inquisiteurs soupçonnait de nous être favorables. Ils défendirent à Venise que le canal où ils ont coutume de noyer les criminels fût nettoyé. Eh! qui peut calculer le nombre des Vénitiens que ces monstres ont sacrifiés?

Cependant, au premier vent que j'eus de ce qui se tramait, j'en sentis la conséquence. Je donnai au général Kilmaine le commandement de toute l'Italie. J'ordonnai au général Victor de se porter avec sa division, à marches forcées, dans le pays vénitien. Les divisions du Tyrol s'étant portées sur l'armée active, cette partie devenait plus découverte; j'y envoyai sur-le-champ le général Baraguey-d'Hilliers. Cependant le général Kilmaine réunit des colonnes mobiles de Polonais, de Lombards et de Français qu'il avait à ses ordres, et qu'il avait remis sous ceux des généraux Chabran et Lahoz. A Padoue, à Vicence et sur toute la route, les Français étaient impitoyablement assassinés. J'ai plus de cent procès-verbaux qui tous démontrent la ⚫ scélératesse du gouvernement vénitien.

J'ai envoyé à Venise mon aide de camp Junot, et j'ai écrit au Sénat la lettre dont je vous ai envoyé copie 1.

Pendant ce temps, ils étaient parvenus à rassembler à Vérone 40,000 Esclavons, paysans ou compagnies de citadins, qu'ils avaient armés, et, au signal de plusieurs coups de la grosse cloche de Vérone et de sifflets, on court sur tous les Français, qu'on assassine : les uns furent jetés dans l'Adige; les autres, blessés et tout sanglants, se sauvèrent dans les forteresses que j'avais depuis longtemps eu soin de réparer et de munir d'une nombreuse artillerie.

Vous trouverez ci-joint le rapport du général Balland; vous y verrez que les soldats de l'armée d'Italie, toujours dignes d'eux, se sont, dans cette circonstance, comme dans toutes les autres, couverts de gloire. Enfin, après six jours de siége, ils furent dégagés par les mesures que prit le général Kilmaine après les combats de Desen1 Pièce no 1712, tome II.

zano, de Valeggio et de Vérone. Nous avons fait 3,500 prisonniers et avons enlevé tous leurs canons. A Venise, pendant ce temps, on assassinait Laugier, on maltraitait tous les Français et on les obligeait à quitter la ville. Tant d'outrages, tant d'assassinats ne resteront pas impunis'; mais c'est à vous surtout et au Corps législatif qu'il appartient de venger le nom français d'une manière éclatante. Après une trahison aussi horrible, je ne vois plus d'autre parti que celui d'effacer le nom vénitien de dessus la surface du globe. Il faut le sang de tous les nobles vénitiens pour apaiser les mânes des Français qu'ils ont fait égorger.

J'ai écrit à des députés que m'a envoyés le Sénat la lettre ci-jointe'; j'ai écrit au citoyen Lallement la lettre aussi ci-jointe. Dès l'instant où je serai arrivé à Trévise, j'empêcherai qu'aucun Vénitien ne vienne en terre ferme, et je ferai travailler à des radeaux, afin de pouvoir forcer les lagunes et chasser de Venise même ces nobles, nos ennemis irréconciliables et les plus vils de tous les hommes. Je vous écris à la hàte, mais, dès l'instant que j'aurai recueilli tous les matériaux, je ne manquerai pas de vous faire passer, dans le plus grand détail, l'histoire de ces conspirations, aussi perfides que les Vepres siciliennes.

L'évêque de Vérone a prêché, la semaine sainte et le jour de Pàques, que c'était une chose méritoire et agréable à Dieu que de tuer les Français. Si je l'attrape, je le punirai exemplairement.

BONAPARTE.

Collection Napoléon.

1767.

AU GÉNÉRAL AUGEREAU.

Milan, 16 floréal an V (5 mai 1797).

Le général en chef ordonne au général Augereau de prendre le commandement de Vérone, du Véronais, de Peschiera, de PortoLegnago et du pays compris entre l'Adige et la Piave.

Comme, en conséquence des préliminaires de la paix, toutes les troupes autrichiennes doivent évacuer le pays de Venise, le général Augereau s'informera si les troupes de M. Laudon n'occupent plus les parties de ce territoire, tant sur l'Adige que dans les autres parties de son commandement.

Le général Augereau se fera rendre compte de la situation de Vérone et du Véronais. Il prendra les renseignements les plus exacts sur tout ce qui s'est passé, sur les conventions qui ont été faites, 1 Pièce n° 1759. 2 Pièce n° 1760.

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