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côté de la mer par un fort presque ruiné et dominée du côté de la terre par une tour que surplombe le Carmel, s'ouvrit sans attendre un signe ou un mot du Généralissime. Ainsi se trouva complétée, sans coup férir, l'occupation du littoral de la Syrie depuis les frontières de l'Égypte jusqu'aux portes d'Acre.

Ce prompt et facile succès détermina l'hommage de toute la province adjacente au littoral conquis. Les chefs des tribus arabes qui habitent les montagnes de Naplouse, Tabarieh et Jérusalem, étaient encore trop irrités de leur dernière querelle avec Abdallah pour ne pas accueillir Ibrahim comme un vengeur; ils vinrent saluer avec empressement le nouveau maître que leur envoyait le Seigneur de la Force (1). Le Général profita de ses bonnes relations avec eux pour pousser quelques troupes jusqu'à Jérusalem, et faire reconnaître le pouvoir de Méhémed-Ali dans la Ville sainte. Tandis qu'il s'assurait de la possession tranquille du pays sur ses derrières et dans son voisinage, il concentrait à Kaïfa l'armée qui avait suivi la voie de terre, recevait par mer des renforts de munitions et de

(1) Une des qualifications d'Allah.

troupes, et se disposait à investir la place où reposait, avec les destinées de la campagne, l'avenir même d'une vaste portion de l'Empire

ottoman.

Le dernier grand siége d'Acre avait laissé dans les imaginations une impression trop profonde pour qu'à la veille d'un siége nouveau les assiégeans et les assiégés ne se distri.buassent point les personnages conformément aux traditions que les circonstances présentes faisaient revivre en partie. Les Égyptiens représentaient les Français dont ils avaient suivi la route et allaient occuper les positions: leur rôle était trop glorieux pour qu'ils redoutassent un insuccès. Quant à Abdallah, il s'attribuait la fortune de Djezzar, et se fortifiait, contre la tentative d'Ibrahim, du souvenir de l'échec de Bonaparte. La Syrie était une seconde fois dans l'attente.

Dès le 16, Djemaz-ul-akr, 20 Novembre, Ibrahim envoya les cavaliers de Yâfa, nouvellement entrés à son service, et près de trois mille hommes d'infanterie, à la reconnaissance de la place. De premières sommations. et la proposition de laisser sortir les non combattans furent adressées à Abdallah, et Abdallah les rejeta. Néanmoins, déjà un

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grand nombre d'habitans avaient d'eux-mêmes abandonné la ville. Bien plus, deux des favoris du Pacha, avec son agrément et sous lå promesse d'un prompt retour, étaient allés

conduire leurs familles en lieu de sûreté : c'était MM. Catafago et Bosio. Dans un excès de zèle pour son patron, le premier, quelque temps auparavant, avait offert deux de ses enfans en otage aux chefs des Naplousains révoltés: mais cette fois il s'interdit à lui-même les risques d'une fidélité malencontreuse, et resta avec sa famille à Nazareth, d'où, plus tard, il se rendit à Sour et à Saïda. Le second se montra, peu jaloux de revenir diriger les troupes qu'il avait instruites et de justifier l'espoir que les défenseurs de la place avaient inis dans ses talens. Indigné de leur désertion, Abdallah voua de nouveau un mépris sincère aux Chrétiens et aux Francs. D'ailleurs, plein de confiance dans les murailles de sa ville et dans le courage de sa garnison, il raillait dédaigneusement la démence de Méhémed-Ali, qui n'avait pas consulté Dieu en se résolvant à l'attaquer, et il se flattait, avec le secours qu'il avait imploré de la Porte, de tourner complètement les projets de ses ennemis à leur confusion.

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place, Acre était un pentagone d'à peu près six cents mètres sur son côté le plus long, et de moitié moins sur son côté le plus court. Trois des côtés dessinaient la figure du promontoire sur lequel elle est bâtie: baignés par la mer et protégés par les approches difficiles * du rivage, ils étaient les moins fortifiés. Les deux autres côtés, faisant face à la terre, avaient été, après le siége de Bonaparte, et par les soins de Djezzar, couverts d'une seconde enceinte de remparts, en avant de laquelle régnait un fossé profond. De ces deux côtés, celui qui regarde l'Est était défendu par trois tours bastionnées, et celui qui regarde le Nord, par quatre. Au Nord-est s'élevait une citadelle commencée par Abdallah et inachevée. Il n'existait que deux portes: la porte de la marine, sur celui des trois côtés tourné vers le port, et la porte de terre, à la partie du côté oriental la plus voisine de la mer; le côté septentrional était percé d'une simple poterne. Les fortifications étaient en bon état, grâce aux motifs constans d'Abdallah pour en surveiller l'entretien et l'armement. En outre, presque tous les bâtimens publics étaient entourés de hautes murailles propres à braver un assaut. Le matériel était considérable; en

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