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qu'étant employés sans discrétion, ils font plus de mal que de bien, et font recevoir indifféremment les pénitences; mais étant ordonnés à propos, ils humilient les superbes, et les font rentrer en euxmêmes: et je ne crois pas que ce soit un doute, qu'ils puissent être utilement employés pour les fautes les plus légères; puisque même, comme vous savez beaucoup mieux que moi, il n'y en a point de légères à qui a sérieusement pensé de quel fond elles viennent toutes, à quoi elles portent, et à qui elles déplaisent.

Au reste, en finissant cette lettre, je ne puis m'empêcher de vous témoigner combien je désire de vous connoître autrement que par vos ouvrages. Votre esprit que j'y ai connu, et la bonté que vous avez eue de m'en faire toujours des présens, m'ont attaché particulièrement à votre personne. Excusez si, pour vous sauver la peine que vous donneroit ma méchante écriture, je n'ai pas écrit de ma main. Je suis avec tout le respect et l'attachement possible, etc. A Versailles, ce 10 août 1677.

EXTRAIT D'UNE LETTRE

DU MARECHAL DE BELLEFONDS A BOSSUET. Sur les disputes du temps (1).

DANS la vérité, je ne saurois avoir la complaisance de blâmer beaucoup de gens qui, je crois, ne le mé

(1) Nous n'avons que cet extrait de la lettre de M. de Bellefonds, qui s'est trouvé dans le recueil des lettres que Bossuet lui a écrites...

ritent pas. Cependant je ne me mêle point de justifier personne sur la doctrine: mais l'on ne peut souffrir que je témoigne de la joie que les quatre évêques (1) soient bien avec Sa Sainteté; et que des hommes, qui donnent de si grands exemples dans la morale et dans la discipline, soient purgés du soupçon d'une méchante doctrine.

Personne n'a connoissance de ce que je vous écris, et peu de gens l'auront à l'avenir : car j'ose vous assurer que si je n'étois pas d'un certain rang où je dois une espèce d'exemple, je serois très-content d'être humilié et scandalisé, afin de garder un silence où je trouverois beaucoup plus de sûreté. Je vous demande réponse et l'honneur de vos bonnes grâces.

LETTRE LII.

AU MARECHAL DE BELLEFONDS.

Il lui donne plusieurs avis relatifs aux disputes présentes, et lui fait connoître ses sentimens sur les contestations qui agitoient l'Eglise.

Je réponds, suivant que vous le souhaitez, à la suite de votre lettre, que j'ai reçue aujourd'hui. Si le Confesseur, qui vous oblige à ne point parler des cinq propositions sans ajouter qu'elles sont dans Jansenius, prétend vous empêcher seulement de dire qu'elles n'y sont pas, il a raison. Car vous ne devez

(1) Les évêques d'Alet, Nicolas Pavillon; de Pamiers, François de Caulet; de Beauvais, Nicolas Choart de Buzenval; d'Angers, Henri Arnauld.

pas dire qu'elles n'y sont pas; puisque même ceux qui l'ont soutenu, ont reconnu que, par respect pour le jugement ecclésiastique, qui déclare qu'elles y sont, ils étoient tenus au silence. Par la même raison, il ne faut rien dire qui tende à faire voir qu'on doute si elles y sont, ou que le jugement du saint Siége, qui déclare qu'elles y sont, soit équitable; car ce seroit manquer au respect qui est dû à ce jugement, l'attaquer indirectement, et scandaliser ses frères.

Que si ce pieux religieux prétend que jamais vous n'osiez nommer les cinq Propositions, en disant, par exemple, qu'elles ont fait grand bruit dans l'Eglise, et autres choses historiques et indifférentes, sans ajouter aussitôt qu'elles sont dans Jansénius, il vous impose un joug que l'Eglise n'impose pas, puisqu'il n'y a rien, dans ses jugemens, qui oblige les laïques à se déclarer positivement sur cette matière. On n'a rien à vous demander, quand vous ne direz jamais rien contre le jugement qui décide la question de fait; et que dans l'occasion, vous direz que vous vous rapportez, sur tout cela, à ce que l'Eglise ordonne à ses enfans. Vous avez donc bien fait de ne vous engager pas à davantage : car la sincérité ne permet pas de donner des paroles en l'air, surtout dans un sacrement; et il est contre la prudence et contre la liberté chrétienne, de se laisser charger, sans nécessité, d'un nouveau fardeau qui pourroit causer des scrupules. Du reste, vous auriez tort de blâmer des évêques (1) qui sont dans la communion du saint Siége, et dont la vie est non-seulement (1) Les quatre évêques.

irréprochable, mais sainte. Dites, sans hésiter, que vous condamnez ce que l'Eglise condamné, que vous approuvez ce qu'elle approuve, et que vous tolérez ce qu'elle a trouvé à propos de tolérer: dites cela quand il le faudra, sans affectation, et quand l'édification du prochain, ou quelque occasion considérable le demandera. Persistez à demeurer dans le dessein de garder le silence sur ces matières, autant que vous le pourrez, sans trop gêner votre esprit dans la conversation : qui vous en demandera davantage, excède les bornes.

En voilà assez pour répondre à votre question du reste, je suis bien aise de vous dire, en peu de mots, mes sentimens sur le fond. Je crois donc que les propositions sont véritablement dans Jansenius, et qu'elles sont l'ame de son livre. Tout ce qu'on a dit au contraire me paroît une pure chicane, et une chose inventée pour éluder le jugement de l'Eglise. Quand on a dit qu'on ne devoit ni on ne pouvoit avoir à ses jugemens, sur les points de fait, une croyance pieuse, on a avancé une proposition d'une dangereuse conséquence, et contraire à la tradition et à la pratique. Comme pourtant la chose étoit à un point qu'on ne pouvoit pas pousser à toute rigueur la signature du Formulaire, sans causer de grands désordres et sans faire un schisme, l'Eglise a fait selon sa prudence d'accommoder cette affaire (1), et de supporter, par charité et condescendance, les scrupules que de saints évêques et des prêtres, d'ailleurs attachés à l'Eglise, ont eu sur

(1) Cet accommodement se fit par la paix donnée, sous le pontificat de Clément IX, aux prélats et aux théologiens opposans.

le fait. Voilà ce que je crois pouvoir établir par des raisons invincibles : mais cette discussion vous est, à mon avis, fort peu nécessaire. Vous pouvez, sans difficulté, dire ma pensée à ceux à qui vous le trouverez à propos, toutefois avec quelque réserve. J'ai appris de l'apôtre à ne point trahir la vérité, et aussi à ne point donner d'occasion de troubles à ceux qui en cherchent.

LETTRE LIII.

A LA RÉVÉRENDE MÈRE ABBESSE,

ET AUX RELIGIEUSES DE PORT-ROYAL (1).

Ma révérende MÈRE ET MES TRÈS-CHÈRES SOEURS,

DEPUIS la longue conférence que j'ai eue avec vous par l'ordre de monseigneur l'archevêque (2),

(1) Cette lettre fut écrite, pour le plus tard, au commencement de 1665. Bossuet l'envoya dans le temps aux religieuses de PortRoyal, par ordre de M. l'archevêque de Paris, au rapport de l'abbé Ledieu; mais elle ne fut point imprimée. En 1703, lorsque Bossuet s'occupoit d'un écrit sur le Formulaire, dont nous donnons un fragment à la suite de cette lettre, il revit cette même lettre › y fit divers changemens; et en ôta entre autres ce qui regardoit la foi humaine et ce qui étoit personnel aux directeurs de Port-Royal. Elle fut publiée pour la première fois par le cardinal de Noailles, qui la fit imprimer à la suite de son Mandement du 15 avril 1709, dont le but étoit de porter les religieuses de Port-Royal à se soumettre aux décisions de l'Eglise. C'est cette édition que nous avons suivie. Voyez d'autres détails sur cette lettre, dans l'Histoire de Bossuet, Pièces justificatives du liv. 11, n. 2. (Edit. de Vers.)

(2) Hardouin de Péréfixe, alors archevêque de Paris.

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