Images de page
PDF
ePub

je suis dans une continuelle inquiétude de l'état où je vous vois, et je vous porte sans cesse en mon cœur devant Dieu; le suppliant humblement, par la grâce qu'il vous a faite de quitter le siècle, qu'il lui plaise de vous éclaircir sur ce que vous avez à faire dans la rencontre présente. Je vois si clairement vos obligations, que je ne puis en douter; et l'amour que j'ai pour votre salut, et pour la paix de l'Eglise, me presse de vous écrire mes pensées sur ce sujet important. Car encore que je ne présume pas de pouvoir rien ajouter à ce qui vous a été expliqué par ceux qui vous ont parlé avant moi, et que je vous ai proposé moi-même presque tout ce qui me paroît le plus fort sur cette matière; néanmoins me souvenant des instructions de l'apôtre, je vous dirai avec lui, « qu'il ne doit pas nous » être à charge de vous répéter les mêmes choses, » et qu'il vous est nécessaire de les entendre (1) ». Ainsi je ne crains point de revenir à vous avec les mêmes raisons que je vous ai exposées; espérant néanmoins de les appliquer plus particulièrement aux doutes que vous m'avez proposés, et à vos actes, que j'ai considérés depuis devant Dieu avec une grande attention. Lisez donc, mes chères Sœurs, avec patience ces réflexions du moindre de ceux qui vous ont été envoyés; et trouvez bon que, laissant à part tout ce qu'il faudroit peut-être traiter, si l'on parloit à des docteurs, je me réduise précisément à ce qui suffit pour votre état; n'y ayant rien de moins (1) Philip. 11. 1.

I.

à propos que de vous jeter dans de longues et inutiles discussions, lorsque vos besoins et vos périls demandent que l'on vous donne un moyen

facile de vous résoudre.

Pour y parvenir, mes Sœurs, et retrancher, Ouverture autant qu'il se peut, les difficultés, je pose pour

à la décision,

Port-Royal:

obligées à obéir, si elles le peuvent sans péché.

par la décla- fondement la déclaration que vous avez faite ration des re- dans vos actes, que vous êtes résolues d'obéir ligieuses de sans réserve à vos supérieurs ecclésiastiques en qu'elles sont tout ce que la conscience peut permettre. Ainsi toute la question est réduite à votre égard à examiner si la chose qu'on vous demande est mauvaise en soi. Et pour vous montrer clairement que vous devez l'accorder à monseigneur l'archevêque, il suffit de vous faire voir que vous le pouvez, sans blesser votre conscience; puisque, selon les termes de vos actes, hors cela vous êtes prêtes de tout exposer.

II.

Formulaire

n'emporte

Considérons donc, mes Sœurs, ce point unique et nécessaire; et pour vous lever le scrupule, que oe que votre prélat vous demande soit un péché, voyons au vrai ce qu'il vous demande.

Premièrement, je ne pense pas qu'après la déLa sous- claration qu'il a faite dans son Mandement (1), cription au vous ayez encore l'appréhension que l'on demande de vous la même adhérence au fait qui pas une sou- est contenu dans le Formulaire, qu'aux vérités foi divine, en révélées. Car, pour ôter tout scrupule et aplanir ce qui tou- à tous les fidèles la voie de l'obéissance, il a déclaré nettement qu'il n'exige pas à cet égard une foi divine. Ainsi l'une des plus grandes difficultés

mission de

che le fait.

(1) Mandement de M. de Péréfixe, du 7 juin 1664.

de

de celles qui vous troubloient, est levée entièrement par sa charité et par sa prudence.

III.

dogme.

Et certainement, mes Sœurs, c'étoit un vaine Preuve par terreur que l'on vous donnoit, que par la force la pratique des termes du Formulaire vous fussiez obligées de l'anciende croire le fait qui y est compris, avec la même ne Eglise,qui joignoit ordicertitude de foi que les vérités catholiques. Car nairement le il n'y a personne qui ne sache que dans les pro- fait avec le fessions de foi des fidèles, il n'ait été ordinaire, dès la première antiquité, de joindre la condamnation des mauvaises doctrines avec celle de leurs défenseurs; et néanmoins on ne dira pas que ç'ait jamais été l'intention de l'Eglise, que ce qui touchoit les personnes fût un article de foi. Il ne faut plus rapporter ici le fait de Théodoret, tant de fois rebattu en cette affaire : on sait assez que les Pères de Chalcédoine ne vou- de Chalcélurent pas seulement écouter sa profession de foi, que l'anathême de Nestorius ne fût à la tête (1). Si donc nous disons avec lui, anathême à Nestorius et à quiconque ne dit pas que la sainte Vierge est mère de Dieu, personne ne pensera que pour joindre le fait et le dogme dans une même profession de foi, nous nous soumettions à l'un et à l'autre par le même genre de soumission, et dans le même degré de certitude.

Fait de Théodoret

au concile

doine.

Profession

de foi de S.

Ecoutez, mes très-chères Sœurs, la profession de foi de saint Grégoire, vraiment Grand, parce Grégoire, qu'il a été vraiment humble, envoyée par ce pape. saint Pape aux églises d'Orient, après son exal

(1) Conc. Chalced. Act. v; tom. 1v Conc. col. 619,

et seq.

BossUET. XXXVII.

9

620

[ocr errors]
[ocr errors]

(1)

tation au saint Siége (1): « Parce que l'on croit » de cœur à justice, et que l'on confesse de bou» che à salut; je confesse que je reçois et que je » révère les quatre conciles comme les quatre » livres de l'Evangile; à savoir celui de Nicée, » où l'hérésie d'Arius est détruite; celui de Con»stantinople, où l'erreur d'Eunome et de Ma» cédoine est convaincue ; celui d'Ephèse, où l'impiété de Nestorius est jugée; celui de Chal» cédoine, dans lequel la mauvaise doctrine » d'Eutychès et de Dioscore est réprouvée. Je reçois pareillement le cinquième concile, où » la lettre dite d'Ibas, pleine d'erreurs, est con» damnée, Théodore convaincu, les écrits de >> Théodoret contre la foi de saint Cyrille reje»tés. Je réprouve toutes les personnes que ces » vénérables conciles réprouvent, et j'embrasse » celles qu'ils révèrent. Quiconque donc pense » autrement, qu'il soit anathême ». Voyez, mes Sœurs, combien de faits sont mêlés dans la profession de foi de ce grand pape, et avec quelle autorité il fait tomber le même anathême, tant sur les faits que sur les dogmes; et néanmoins il est inoui qu'on ait jamais soupçonné qu'il rejetât les uns et les autres, avec la même soumission de foi catholique.

Il me seroit aisé de tirer des actes des saints conciles, comme des registres publics de l'Eglise, plusieurs professions de foi solennelles de même style et de même esprit que celle de saint Gré

(Lib. 1, Epist. XXV; tom. 11, col. 515.

goire je puis vous assurer qu'elles sont très-ordinaires dans l'antiquité.

Et il ne serviroit de rien d'objecter que les

La prétendue notorié

té, fausse et

faits qu'on inséroit dans ces professions de foi étoient tellement notoires, que les hérétiques inutile sur ce mêmes en convenoient. Premièrement, il n'est point.

pas ainsi : on n'inséroit dans ces professions de foi que des faits jugés par l'Eglise; mais on n'attendoit pas pour cela que tout le monde en convînt. Saint Grégoire ne pouvoit ignorer combien de personnes disconvenoient du fait de Théodore, de Théodoret et d'Ibas: il ne l'en comprend pas moins avec les autres dans la même profession de foi, et sous le même anathême; parce qu'il lui suffisoit qu'il fût jugé : et personne n'a jamais pensé qu'en cela il fît rien contre les canons. Mais quand la remarque seroit véritable, elle ne fait rien à la question : car dans quelque notoriété que ces faits fussent connus aux fidèles, elle n'étoit pas capable de les élever au rang des vérités révélées. Par conséquent il est clair qu'encore qu'ils fussent proposés avec les dogmes, dans la même profession de foi, ils n'étoient pas reçus pour cela par le même genre de soumission et de croyance on recevoit chaque chose dans son degré et dans son ordre,

droit inouie

Qui ne voit donc manifestement qu'on vous a Distinction effrayées par un vain scrupule, lorsqu'on a voulu de fait et de vous faire craindre, par les termes du Formu- dans l'antilaire, que ce qui touche le livre de Jansenius ne quité, dans▾ les souscripvous y fût proposé avec la même certitude que tions. les vérités de foi? Cette crainte n'avoit aucune

« PrécédentContinuer »