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qu'elle les a rendus canoniquement, ils ont si peu de force et d'autorité, que tous ses enfans aient droit de lui soutenir en face, non-seulement qu'ils ne doivent pas, mais encore qu'ils ne peuvent pas, sans offenser Dien, croire respectueusement qu'elle a bien jugé, ni soumettre leur jugement à ses jugemens canoniques? En vérité, mes très-chères Sœurs, ce sentiment estil supportable?

Néanmoins, il faut vous le dire, c'est à ces excès inouis que vous conduisent vos actes et vos excuses présentes. Si bien qu'on ne peut assez exprimer de quelle importance il est de vous délivrer d'une erreur dont les suites sont si préjudiciables à la paix et à l'autorité ecclésiastiquè. C'est pourquoi je vous conjure, mes Sœurs, d'envisager avec moi les mauvais effets qu'opéreroient dans l'Eglise les principes que vous posez, et le prodigieux renversement qu'ils feroient de sa discipline, s'ils y étoient établis ; et de trouver bon que je vous propose des maximes très-véritables, par lesquelles vous pourrez sortir de ce labyrinthe, et du tourment infini où vous jeteroit nécessairement une conduite si dangereuse; pour trouver la fin de vos peines, et le repos de votre ame dans l'obéissance. Au reste, je vous prie de croire que, voyant vos perplexités, je penserois attirer sur moi un jugement bien sévère, si je vous embarrassois dans des questions: si bien que je ne veux rien avancer ici que des vérités trèsconnues, et qui ne peuvent être révoquées en doute que par des esprits contentieux.

VIII.

L'Eglise a obligation

certains

faits.

Premièrement, je suppose que l'Eglise ayant reçu du Saint-Esprit tant de commandemens de juger de précis de reprendre et de censurer, de noter les hommes hérétiques, elle est très-souvent obligée de prendre connoissance, et de juger définitivement de certains faits : par exemple, si quelque évêque ou quelque docteur est accusé d'avoir enseigné, de vive voix ou par écrit, une doctrine suspecte; c'est une chose appartenante à l'office de l'Eglise, d'examiner non-seulement si cette doctrine est bonne ou mauvaise en soi, mais encore s'il est véritable qu'elle ait été enseignée par tel et tel, et qu'elle soit contenue dans tel et tel livre; et ensuite, en prononçant sur ce doute, de juger définitivement sur ce fait, et de noter et condamner publiquement cet évêque, ou ce docteur, ou ce livre, comme enseignant une mauvaise doctrine, même en désignant en particulier telle et telle mauvaise doctrine. Cette vérité est constante; et il n'y a personne qui ne voie que ravir à l'Eglise cette autorité, c'est l'exposer nue et désarmée aux faux docteurs, et rendre inutiles tant de préceptes et tant d'avertissemens divins qu'elle a eus de se garder d'eux avec tant de précautions.

IX.

importance

En effet, tout le monde sait que l'Eglise n'a La grande jamais manqué d'obéir à ces commandemens, de tels juge- toutes les fois que l'occasion s'en est présentée; meus, par et elle a fait voir à ses enfans de quelle impordeux remar- tance lui étoient de tels jugemens, par deux circonstances remarquables.

ques.

X. Première re

La première, c'est qu'après avoir jugé les no

vateurs, elle ne craignoit point d'insérer leur marque. L'Econdamnation avec une telle autorité dans ses professions de foi solennelles, que même elle en faisoit une partie.

saint

Vous venez de lire celle du grand pape Grégoire. Le pape saint Ho misdas exigea et reçut par écrit celle de tout l'Orient, en laquelle étoit énoncée la condamnation expresse de tous ceux que l'Eglise avoit jugés, et nommément celle d'Acace, patriarche de Constantinople, qui étoit mort il y avoit déjà trente à quarante ans. Ce pape très-saint et très-docte, singulier défenseur de la doctrine de saint Augustin, ayant gravement averti les évêques, « qu'il ne suffisoit » pas d'enfermer les errans dans une condamna» tion générale; mais que leur profession de foi, » dont il leur envoyoit le modèle, devoit con» damner en particulier, nommément et par » écrit, tous ceux que l'Eglise catholique avoit » jugés condamnables (1) ».

L'antiquité est pleine de pareils exemples : et vous voyez, mes Sœurs, de quel poids étoient les jugemens de tels faits, puisqu'ils faisoient une partie si considérable de la profession de foi de l'Eglise non qu'elle ait jamais prétendu mettre le dénombrement de ceux qu'elle condamnoit, au rang des vérités révélées; mais parce qu'on ne peut mieux témoigner son aversion contre les

(1) Horm. Epist. vi; tom. IV Conc. col. 1443. Epist. Ix, ibid. col. 1444. Epist. x1, col. 1448 et seq. Epist. xxix, col. 1473. Epist. XXX1, col. 1477 et seq. Epist. xxxiv, col. 1481. Epist. LI, col. 1501 et seq.

glise inséroit ces faits jugés dans ses professions de foi solennelles.

XI.

Deuxième remarque.

munion à

dogmes pervers, qu'en condamnant avec eux, par une même déclaration, ceux que l'Eglise regarde et réprouve comme en étant les auteurs ou les défenseurs, selon ce que dit le même Pape« Celui-là prouve qu'il répugne aux » erreurs, qui condamne les errans; et on ne » laisse aucun lieu à l'égarement, quand on ne pardonne pas à ceux qui excèdent (1) ».

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C'est pourquoi, et c'est la seconde observation, les jugemens de cette nature, et sur ces L'Eglise re- sortes de faits, ont paru à toute l'Eglise d'une fuse sa com- telle conséquence, et elle les a estimés tellement ceux mêmes conjoints à la cause de la foi, qu'après même qui ont em- que l'on étoit convenu de la condamnation des brassé la foi, erreurs, elle dénioit sa communion à ceux qui de souscrire refusoient de souscrire la condamnation des perà ses juge- sonnes.

sur le refus

mens touchant les

Ainsi tout le monde sait, et c'est un fait trèsfaits décidés. constant, qu'encore que Jean d'Antioche et les évêques d'Orient consentissent à la foi du saint

concile d'Ephèse, saint Cyrille et les orthodoxes ne voulurent jamais les recevoir à la communion de l'Eglise, jusqu'à ce qu'ils eussent anathématisé nommément les erreurs de Nestorius, et souscrit expressément à sa déposition; ce qu'ils firent unanimement au bas de la profession de foi qu'ils envoyèrent à Alexandrie (2).

(1) Probat odisse se vitia, qui condemnat errantes; nec reliquit sibi locum deviandi, qui non pepercerit excedenti. Horm. Epist. x1; ubi sup.

(2) Tom. III Conc. gen. col. 1088 et seq. cap. xxviii et xxx, cap. XXXIV, XXXv, xxxviii; col. 1105 et seq.

Ainsi le pape saint Hormisdas, comme on vient de le voir, encore que Jean de Constantinople lui eût déclaré par écrit qu'il recevoit le concile de Chalcédoine, et la lettre du grand pape saint Léon, ce qui suffisoit pleinement pour l'intégrité de la foi, ne laissa pas de lui refuser constamment la communion, jusqu'à ce qu'il eût souscrit la condamnation de ceux qui avoient été réprouvés par les jugemens de l'Eglise ; nommément d'Acace son prédécesseur, que le pape Félix III avoit justement condamné.

Et encore que l'on objectât, comme il paroît par une lettre du pape saint Gélase (1), ce qu'on objecte encore à présent, qu'Acace n'avoit pas été jugé par l'autorité d'un concile, lui qui étoit évêque d'un si grand siége; néanmoins tout l'Orient se crut obligé de céder à la seule autorité du Pape, avec une incroyable satisfaction de toute l'Eglise catholique, qui vit, par la fermeté de ce grand et saint Pontife, sa foi et sa paix unanimement établies.

Vous voyez, par ces exemples constans, avérés, approuvés par tous les orthodoxes, qu'il faut dire nécessairement ou que l'Eglise s'est horriblement trompée dans sa conduite, ou bien que ses décisions sur les faits ne sont pas de si petite importance qu'on veut vous le faire entendre. Et certes, si les nouvelles maximes qu'on veut établir à présent eussent eu lieu en ce temps, qu'y eût-il eu de plus facile à ceux que l'on pressoit (1) Gelas. Epist. x111, ad Episc. Dardaniæ; tom. iv Conc. gen.

col. 1199.

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