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n'en paiera rien, suivant que vous me l'avez dit en cette ville. On a aussi pourvu de meubles les chambres il sera plus malaisé de trouver des plats, du linge de table, et ce qui est nécessaire pour la cuisine; et ce seroit une grande décharge d'avoir un cuisinier qui fournît de tout: néanmoins il est véritable que quarante sols par jour est un prix excessif pour Metz; et cependant les cuisiniers à qui j'en ai fait parler, ne veulent pas accepter le marché à moins. C'est à vous, s'il vous plaît, à prendre vos mesures là-dessus je m'informerai toujours cependant de ce qui se pourra faire, pour une plus grande commodité et épargne; et je vous écrirai ce que je pourrai ménager.

J'ai entretenu fort particulièrement notre prédicateur du carême, qui est dans ses premiers sentimens, et qui est persuadé qu'il y va du sien de quitter tout-à-fait la chaire. Il ne croit pas aussi qu'on ait dessein de l'y obliger contre son gré : il témoigne qu'au reste il contribuera tout ce qu'il pourra pour le bon succès de la mission, et qu'il exhortera fortement le peuple à se rendre digne d'en recevoir le fruit. Je crois en effet que vous le trouverez homme sage, accommodant et désireux du bien. Ses sentimens étant tels, le mien seroit de demeurer aux termes du projet que nous avons fait je le soumets néanmoins au vôtre, et à celui de Messieurs de la mission: mais si l'on en use autrement, on ne pourra pas éviter quelque murmure du peuple. Plusieurs tâchent déjà d'en semer; et vous n'ignorez pas, et moi aussi, de quel principe cela vient je vous en ai touché quelque chose;

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et assurément ce que je vous en ai dit est véritable. Ces légères contradictions ne peuvent pas empêcher l'affaire; et la présence de ces Messieurs éteindra bientôt ces petits bruits, par lesquels Dieu veut éprouver la fidélité de ses ouvriers. Il saura bien avancer son œuvre, et tirer sa gloire de toutes choses, par les moyens qu'il sait. Ainsi soit-il; et sa providence soit bénie éternellement.

Je ne prévois aucun obstacle de la part du chapitre, qui reçut, avec le respect qu'il doit, les lettres de Sa Majesté, et témoigna grande obéissance. On résolut de faire tout ce qui se pourroit, pour faciliter le succès de ce bon dessein.

Je prévois quelque difficulté entre monseigneur d'Auguste et le chapitre. Quelques-uns peut-être, sous main, prendront occasion de là de vouloir traverser cette œuvre. Je tâcherai de tout mon pouvoir de faire prendre un autre cours aux choses. Je vous en dirai davantage quand je verrai cette affaire un peu plus éclose, et je veillerai soigneusement à tout pour vous en instruire.

Les Huguenots prennent hautement le parti de celui qui a violenté la conscience de sa servante mourante : ils l'ont déclaré à M. de la Contour; et ils députent à la Cour pour se sujet-là, et pour quelques autres assez importans. J'en écris à M. le Gendre; et j'expose aussi, en peu de mots, tout le fait à M. Vincent, afin qu'il y agisse selon son zèle et sa prudence ordinaire. Je ne doute pas que vous ne nous aidiez à lui faire comprendre la conséquence de cette affaire, ainsi que vous me l'avez témoigné : je ne lui parle point d'autre chose, et

je me remets à vous à l'instruire de tout. M. de la Contour désire fort que vous fassiez un tour en cette ville, pour disposer les chambres et les meubles suivant les personnes que vous voulez placer. Si vous ne le pouvez, mandez-moi, s'il vous plaît, votre ordre, et de quelle sorte nous rangerons tout. Nous tâcherons que tous nos meubles soient honnêtes; mais il y en aura qui le seront plus : écrivez à peu près comme il faudra disposer le tout, si vous ne pouvez y venir vous-même.

J'oubliois de vous dire que la raison pour laquelle les Huguenots députent en Cour, est sans doute pour tirer l'affaire au conseil, et l'assoupir par la longueur du temps. Conférez, s'il vous plaît, avec Messieurs du parlement, du moyen de l'empêcher. Je vous écris sans cérémonie, pour ne perdre point le temps ni les paroles : mais je n'en suis pas moins,

etc.

A Metz, ce 1er février 1658.

LETTRE V.

A S. VINCENT DE PAUL.

Sur les affaires de la mission, et les manœuvres des Protestans.

J'AI envoyé à M. de Monchy, à Toul, celle que vous m'avez adressée pour lui: il ne nous a pas jugés dignes de demeurer ici plus long-temps qu'un jour. J'aurois souhaité de tout mon cœur que nous eussions pu l'arrêter; mais ses affaires ne lui ont pas

permis. Nous tâchons, Monsieur, de disposer ici, le mieux qu'il nous est possible, tout ce qu'il a jugé nécessaire. Il m'a écrit qu'on trouvoit à propos que le prédicateur du carême quittât entièrement la chaire. Comme monseigneur d'Auguste s'est donné l'honneur de vous écrire sur ce sujet-là, il attend ce que vous aurez arrêté sur les raisons qu'il vous a représentées; après quoi il résoudra le prédicateur à tout ce que vous trouverez le plus convenable à l'œuvre de la mission, qu'il est résolu de préférer à toutes sortes d'autres considérations : il n'y aura nul obstacle de ce côté-là, et il m'a prié de vous en assurer. Au reste, j'ai appris avec douleur l'accident qui vous étoit arrivé; et je loue Dieu, Monsieur, de tout mon cœur, de ce que sa bonté vous a préservé.

J'ai pris la liberté de vous avertir des prétentions insolentes de nos Huguenots, dont les députés sont partis pour aller en Cour. Les deux affaires, dont je vous ai écrit, sont de fort grande importance pour la religion. La Reine, qui a tant de zèle pour le service de Dieu, et qui témoigne tant de charité pour cette ville, aura bien la bonté d'arrêter le cours des injustes procédures de ces Messieurs, et y emploiera cette ardeur et cette autorité dignes d'elle, que nous avons remarquées ici en pareilles

rencontres.

Je me réjouis, Monsieur, de voir approcher le temps du carême, dans l'espérance que j'ai de voir bientôt arriver les ouvriers que Dieu nous envoie, que je salue de tout mon cœur en notre Seigneur, et très-particulièrement M. l'abbé de Chandenier.

Je les plains d'avoir à faire un si grand voyage pendant un froid si rigoureux; mais leur charité surmontera tout. Qu'ils viennent donc bientôt au nom de Dieu la moisson est ample; et les petites difficultés qui s'élèvent seront bientôt aplanies par leur présence. Je suis avec tout respect, etc.

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A Metz, ce 10 février 1658.

LETTRE VI.

AU MÊME.

Il le remercie de sa recommandation auprès de la Reine en faveur des Catholiques, et lui rend compte de la manière dont a été levée la difficulté qui auroit pu traverser les desseins des missionnaires.

Je vous rends grâces très-humbles de la charité que vous avez eue, pour faire avertir la Reine de l'affaire pour laquelle je m'étois donné l'honneur de vous écrire. Je vois, par les lettres que Sa Majesté en a fait écrire en ce pays, que votre recommandation a fort opéré. Je prie Dieu qu'il bénisse les saintes intentions de cette pieuse princesse, qui embrasse avec tant d'ardeur les intérêts de la religion.

Frère Mathieu (1), qui est arrivé ici comme par miracle, au milieu d'un déluge qui nous environnoit de toutes parts, vous rendra compte, Mon

(1) C'étoit un frère de saint Lazare, qui fit cinquante-trois voyages, de Paris à Metz, pour l'assistance des pauvres.

sieur,

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