Images de page
PDF
ePub
[ocr errors]

bien terrible, et vous feroit regarder avec le temps tout l'ordre épiscopal d'un étrange œil. Dans ce dégoût secret de votre cœur contre tout le corps des évêques, que vous verriez unanimement adhérer à un jugement qui vous paroîtroit prononcé contre les canons; croyez que l'amour de l'Eglise seroit exposé, pour ne rien dire de pis, à de grandes tentations. Peu à peu vous vous verriez détachées de la conduite ordinaire de la sainte Eglise, et attachées à des conduites particulières de personnes, desquelles je ne veux rien dire, sinon qu'ils sont à plaindre plus que je ne puis l'exprimer, d'en être réduits à ce point, qu'ils semblent mettre toute leur défense à décrier hautement, et de vive voix, et par écrit, tout le gouvernement présent de l'Eglise.

Dieu vous préserve, mes Sœurs, encore une fois, de tels inconvéniens. Que si vous les craignez avec raison, croyez donc que le jugement d'Innocent X et celui d'Alexandre VII, que vous voyez reçus par tous ceux qui ont autorité de juger dans l'Eglise catholique, sont légitimes et valables. Et ceux qui vous diront, après cela, que vous ne pouvez sans péché y soumettre humblement le vôtre, et pour le fait et pour le droit, chacun néanmoins dans son ordre; laissez-les disputer sans fin, et répondez-leur seulement avec l'apôtre (1): « S'il y a quelqu'un parmi » vous qui veuille être contentieux, nous n'a»vons pas une telle coutume, ni la sainte Eglise » de Dieu ». Voilà, mes très-chères Sœurs, le (1) I. Cor. XI. 16.

T

repos assuré de vos consciences, le dégagement unique des embarras où vous êtes, l'ouverture assurée à la paix et à la charité de votre prélat, et peut-être la dernière perfection du sacrifice de dépouillement et d'abnégation de vous-mêmes, que vous avez voué à Dieu solennellement au jour de votre profession.

[merged small][ocr errors]

LETTRE LIV,

A M. ***.

Il lui envoie l'extrait d'une lettre de M. l'évêque d'Aleth, sur la signature du Formulaire, et sur les religieuses de Port-Royal,

« SUR la demande que l'on fait, savoir si une per» sonne qui n'est pas d'ailleurs instruite, ni capable » par elle-même de s'instruire, ni même désireuse, » offenseroit Dieu d'ajouter foi à la déclaration de » son supérieur sur un fait, et s'il lui est défendu de » croire au témoignage de son prélat et de signer un » fait sur sa foi.

» On répond, 1.o que généralement parlant cette » personne pourroit ajouter foi à la déclaration de » son supérieur sur un fait, sans offenser Dieu, et » qu'il ne lui est défendu de croire au témoignage » de son prélat, et de signer un fait sur sa foi, sinon » que, ce fait fût évidemment faux et qu'il lui parût » tel, quand même elle douteroit auparavant de la » vérité : car il semble qu'il lui est libre de déposer » son doute et renoncer aux raisons qui l'appuient, » pour déférer à celles de son prélat qu'elle peut

E

>> croire pieusement meilleures, quoiqu'elles ne pa>> roissent pas telles à son jugement; et c'est même >> une espèce d'humilité de préférer le jugement de » son supérieur au sien, surtout dans une matière » où il a droit de donner son jugement, et de laquelle on a sujet de présumer qu'il a pris connois

[ocr errors]

»sance.

» 2.° Il se peut faire néanmoins que la personne >> trouveroit ledit fait revêtu de tant de circon>> stances, qui feroient que la soumission de jugement

qu'elle y rendroit, auroit des suites si dangereuses » et préjudiciables à la doctrine de l'Eglise, à son » ordre et discipline, et même à la réputation du » prochain, que le mal qui en résulteroit seroit évi» demment plus grand que le bien de sa soumission, » à laquelle on présuppose qu'elle n'auroit aucune » obligation de conscience du côté de la matière » dont il s'agit, qu'en ce cas elle seroit obligée de » se départir plutôt du bien qui reviendroit de son 'obéissance, que d'être cause du mal qui arriveroit » de sa soumission.

[ocr errors]

» J'attends de jour à autre des nouvelles du trai>>tement qu'on aura fait à ces pauvres religieuses, » et du succès de l'exposition de mes sentimens sur » cette affaire. Cependant je vous prie d'être assuré » que je ne les oublie point au saint autel, et de la » confiance que Dieu me donne, que s'il les éprouve » d'une manière qui semble forte, non-seulement il » ne les abandonnera pas, mais il leur fera con» noître et sentir en temps et lieu la puissance de sa » protection. J'écris à monsieur votre frère les rai» sons de mes divers sentimens sur cette affaire,

» selon les divers temps et conjonctures qui s'y sont » rencontrées, m'en ayant sollicité pour en faire » l'usage qu'il jugera à propos pour l'intérêt public » et particulier. Nous sommes dans le temps et la » nécessité de croire en l'espérance contre l'espé»rance, et de nous conforter par les règles et vé» rités de la foi, nous assurant que Dieu fera vers » ceux qui le servent fidèlement, connoître et res» sentir les vérités de ses promesses ».

Voilà l'extrait de la lettre de M. d'Alet (1). Je vous l'envoie pour vous faire connoître plus clairement que jamais ses sentimens : et cette preuve est si convaincante, qu'il veut bien qu'on les dise à M. de Paris; en sorte que je doute que vous puissiez déférer à ceux qui n'en sont pas d'avis. Je vous permets de le transcrire et de le faire voir à M. de SaintNicolas, et même à M. de Paris, si cela est nécessaire mais ôtez les mots qui peuvent faire voir à ce dernier que cela s'adresse à moi.

:

Vers 1667.

(1) Nicolas Pavillon,

J. BENIGNE BOSSUET.

DE L'AUTORITÉ

DES JUGEMENS ECCLÉSIASTIQUES,

OÙ SONT NOTES

LES AUTEURS DES SCHISMES ET DES HÉRÉSIES (1).

Il revient de beaucoup d'endroits des plaintes amères, qui font sentir que plusieurs sont scandalisés de l'autorité qu'on donne aux jugemens ecclésiastiques, où sont flétris et notés les auteurs des schismes et des hérésies avec leur mauvaise doctrine. Plusieurs gens doctes, éblouis du savoir et de l'éloquence d'un certain auteur célèbre parmi nous (2), croient rendre service à Dieu en affoiblissant l'au

(1) C'est le titre que Bossuet avoit donné à un ouvrage dont il s'occupoit la dernière année de sa vie, et auquel il attachoit une grande importance, au rapport de son secrétaire. Le manuscrit original existoit encore vers 1760, entre les mains de l'abbé Lequeux. Depuis, il a entièrement disparu. Il lui avoit été confié, avec les autres manuscrits de l'évêque de Meaux, pour servir à la nouvelle édition de ses OEuvres, que cet abbé s'étoit chargé de diriger; et on a de sa main une copie du préambule de l'ouvrage, avec le plan et l'indication des preuves et des exemples dont Bossuet avoit fait usage pour confirmer la tradition de l'Eglise. Cette copie a été imprimée pour la première fois dans le tome iv de l'Histoire de Bossuet; Pièces justificatives du liv. x111. Nous la plaçons ici, à cause de la conformité du sujet avec les lettres qu'on vient de lire,

Il y a tout lieu de croire que le manuscrit original a été jeté au feu. Lequeux en fit l'aveu à M. Riballier, docteur de Sorbonne, censeur de l'édition de Bossuet. Des personnes encore vivantes, ou mortes depuis peu, nous ont attesté ce fait, comme l'ayant appris de M. Riballier. Voyez encore à ce sujet l'Hist. de Bossuet, liv. x111, n.o 2. (Edit. de Vers.)

(2) Le docteur Arnauld.

« PrécédentContinuer »