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DE L'AUTORITÉ DES JUGEMENS ECCLÉS. torité de ces jugemens. A les entendre, on croiroit que les Formulaires et les souscriptions sur la condamnation des hérétiques, sont choses nouvelles dans l'Eglise de Jésus-Christ; qu'elles sont introduites pour opprimer qui on voudra; ou que l'Eglise n'a pas toujours exigé, selon l'occurrence, que les fidèles passassent des actes qui marquassent leur consentement et leur approbation expresse, ou de vive voix, ou par écrit, aux jugemens dont nous parlons, avec une persuasion entière et absolue dans l'intérieur. Le contraire leur paroît sans difficulté; ils prennent un air de décision qui semble fermer la bouche aux contredisans; et ils voudroient faire croire qu'on ne peut soutenir la certitude des jugemens sur les faits, sans offenser la pudeur et la vérité manifeste. Cependant, toute l'histoire de l'Eglise est remplie de semblables actes et de semblables soumissions, dès l'origine du christianisme.

Il m'est venu dans l'esprit qu'il seroit utile au bien de la paix de représenter ces actes, à peu près dans l'ordre des temps, en toute simplicité et vérité. Je pourrois en faire l'application aux matières contentieuses du temps; mais j'ai cru plus pacifique de la laisser faire à un chacun. Loin donc de ce discours tout esprit de contention et de dispute. Je ne veux ici produire que des faits constans, que des actes authentiques de l'Eglise, que des exemples certains, qui autorisent le droit perpétuel d'exiger le consentement et l'approbation des actes dont il s'agit.

Je soutiens donc 1.° qu'elle a exercé ce droit sacré dès l'origine du christianisme, et que cette vérité est incontestable. Je passe encore plus avant;

elle peut être démontrée en une ou deux pages d'une manière à ne laisser aucune réplique. Par exemple, j'exposerai par avance ce fait tiré du concile de Constance, lequel ayant défini plusieurs faits contre Jean Viclef et Jean Hus, dans les sessions huitième et quinzième, comme « qu'ils étoient » hérétiques, et avoient prêché et soutenu plusieurs » hérésies, et notamment que Viclef étoit mort opi» niâtre et impénitent, anathématisant lui et sa » mémoire (1) »; le pape Martin V ordonne dans ce concile, avec son approbation expresse (sacro approbante concilio), « que tous ceux qui seroient » suspects d'adhérer à ces hérétiques, sans aucune > distinction, soient obligés de déclarer en particu »lier qu'ils croient que la condamnation faite par >> le saint concile de Constance, de leurs personnes, » de leurs livres et de leurs enseignemens, a été » très-juste, et doit être retenue et fermement >> assurée pour telle par tous les catholiques, et » qu'ils sont hérétiques, et doivent être crus et » nommés tels (2) ».

Arrêtons-nous là; et supposons, si vous voulez 2 qu'il n'y ait que ce seul fait à produire et à discuter: je dis que par ce seul fait la chose est décidée; et toutes les objections qu'on peut faire tombent par

terre sans ressource.

Ce jugement est prononcé par un concile œcuménique, toutes les obediences, comme on parloit, étant réunies, le Pape à la tête. Est-on obligé d'y croire, ou non? Ceux qui nient la certitude de tels

(1) Concil. Constant. sess. VIII, XV; tom. x11 Conc. col. 45 et scq. 127 et seq. — (2) Bull. Inter cunctas; ibid. col. 259 et seq.

jugemens, répondent que non, parce que l'Eglise n'est pas infaillible en les prononçant, puisque ce sont des faits qui ne sont pas révélés. Je ne suis pas obligé à résoudre cette objection. Je demande à mes adversaires si le concile de Constance est plus infaillible dans les faits, que les autres assemblées ecclésiastiques : quand il oblige à croire le jugement porté contre Viclef, de quelle sorte de croyance veut-il parler? ou bien n'exige-t-il aucune croyance? Que veulent donc dire ces mots appliqués à tant de faits? est-ce une croyance naturelle ou surnaturelle, ou une simple résolution de garder un silence respectueux, pendant qu'on est présent devant le juge qui demande un oui où un non précis? Je ne réponds rien, je demande seulement; je conformerai ma réponse à celle qu'on me fera; et on ne doit point m'inquiéter, si on n'en a point à me faire.

Mais, direz-vous, on ne me propose point de souscription. Peut-on jamais exiger une déclaration plus formelle sur les faits jugés au concile, et auroit-on fait davantage, si on eût demandé la signa. ture? Peut-on croire que toute l'Eglise assemblée en concile œcuménique mette ses enfans dans le péril de mentir, et de calomnier Viclef sur la foi d'un jugement qui ne peut avoir de certitude?

Mais, dira-t-on, au défaut de la foi, on a une certitude de prudence humaine. Où la prend-on? qui l'a révélée? et qui ne voit qu'on ne peut s'assurer de rien, que sur la foi du jugement de toute l'Eglise.

Je n'ai encore allégué qu'un seul fait; et en m'y tenant, je vois tous mes adversaires à bout. Mais un tel fait ne marche jamais seul. Un concile œcuménique, tel que celui de Constance, est toujours précédé par la tradition; et dès-là, je suis assuré de l'avoir pour moi, sans entrer dans une plus ample discussion, comme je l'avois promis. J'y entrerai néanmoins, pour comble de conviction, et pour aller à la source. Il en résultera des règles avouées par nos savans; on verra qu'ils n'ont pu trouver d'actes contraires; et quand il sera constant que le droit de l'Eglise, que je veux défendre, est appuyé sur une tradition incontestable dès l'origine du christianisme, alors je me joindrai avec eux; et d'euxmêmes, ils se trouveront obligés à chercher avec moi des solutions aux objections qu'ils proposent contre le droit de l'Eglise, qu'ils verront si clairement établi : ce qui fera une seconde partie de ce discours, mais une partie qui ne me regardera pas plus que tous les autres théologiens, puisqu'ils ont le même intérêt que moi à défendre la tradition.

Il ne s'agira donc pas de me demander quelle est la nature de l'autorité des jugemens ecclésiastiques sur les faits qui ne sont pas révélés de Dieu, puisqu'une fois il sera vrai que cette autorité aura été reconnue par cent actes inviolables, et qu'il faudra bien trouver les moyens de l'exercer pour le salut des fidèles.

Encore, comme j'ai dit, que je ne veuille point entrer dans les matières contentieuses qui ont fait l'agitation de nos jours, je souhaite qu'il me soit

permis de lever, par deux faits constans, deux préjugés considérables que je trouve dans les esprits de quelques savans.

Le premier, que la souscription pure et simple du Formulaire porte préjudice à la doctrine de saint Augustin, et à la grâce efficace : mais le contraire est indubitable, puisque cette doctrine va son cours à la face de toute l'Eglise; on la soutient par tout l'univers, et à Rome même avec la même liberté, et si on peut ainsi parler, avec la même hauteur. Alexandre VII a recommandé par un décret exprès la doctrine de saint Augustin et de saint Thomas. Innocent XII, consulté par l'Université de Louvain, si elle devoit changer quelque chose dans son ancienne doctrine sur la grâce et le libre arbitre, qui est celle de saint Augustin et de saint Thomas, a répété les anciens décrets de l'Eglise Romaine, pour adopter la doctrine de saint Augustin, dans les mêmes termes dont s'est servi le pape saint Hormisdas, dans sa décrétale ad Possessorem (1), qui sont les plus authentiques qu'elle ait jamais employés. Le clergé de France, dans son Formulaire de 1654, pour ôter tout scrupule ou tout prétexte à ceux qui pourroient appréhender que la doctrine de saint Augustin ait pu recevoir aucune atteinte par la condamnation des cinq propositions de Jansénius, dans la constitution d'Innocent X et d'Alexandre VII, a expressément inséré dans ce Formulaire que la doctrine, de saint Augustin subsiste dans toute sa force, et que Jansénius l'a mal entendue. Ce Formulaire du clergé de France sub(1) Hormisd. ep. LXX; tom. IV Conc. col. 1530.

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