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d'autres, qui rendent constante la maxime que l'Eglise procède par voies judiciaires, par examen, par information, par un jugement canonique, et en un mot, par l'autorité des choses jugées.

Nous voyons dans les lettres du concile de Carthage et de...... à saint Innocent I.er, qu'on tenoit registre des informations qu'on faisoit contre les auteurs de sectes, de leur interrogatoire, de leur aveu, de leur déni, pour montrer qu'on n'attendoit pas à condamner, quand eux ou leurs disciples avoueroient leurs erreurs; mais qu'on vouloit les forcer et les convaincre, afin que le peuple ne pût les méconnoître; et que plus ils tâchoient à les déguiser et à envelopper leurs discours, plus ils fussent découverts.

Otez à l'Eglise ces saintes maximes, vous la désarmez contre les hérésies; elles ne se répandent pas toutes seules; c'est quelque personne, c'est quelque livre, qui les tirent de l'enfer, où elles ont été conçues. Priver l'Eglise du pouvoir de noter çes livres ou ces personnes, c'est la livrer en proie à l'hérésie. Réduisez-la à ne flétrir que ceux qui avouent; le plus grand hypocrite l'emportera toujours; la parole demeurera au plus opiniâtre, et le plus simple sera toujours le plus exposé.

Il est bon de se mettre ici le plus vivement qu'on pourra devant les yeux le caractère de l'homme hérétique. On en peut prendre l'idée dans les interrogatoires d'Eutychès, dans les conférences avec les Donatistes, Manichéens, Ariens, Eutychiens, et très-clairement au concile d'Aquilée, sous saint Ambroise. C'est là qu'on découvre tant de déguise

BOSSUET. XXXVII.

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mens, tant de chicanes, tant d'ambiguités affectées, des procédures si éloignées de la bonne foi, qu'on voit par cet endroit seul combien les fidèles ont besoin d'être prévenus, par l'autorité inviolable des jugemens ecclésiastiques, contre tant de tentations subtiles, et comme parle saint Jean, contre les malices et les profondeurs de Satan (1).

C'est pourquoi il faut ici observer soigneusement que les ordres donnés à l'Eglise pour manifester les hérétiques, sont conçus en termes très-généraux, et qu'on n'y trouve dans les Ecritures aucune limitation: Prenez garde à vous, dit saint Paul (2), et à tout le troupeau dont le Saint-Esprit vous a établis évêques, pour gouverner l'Eglise de Dieu, qu'il a rachetée par son sang. Je sais, poursuit-il, qu'après mon départ, ou après ma mort, il entrera parmi vous des loups ravissans, et que même il s'élevera au milicu de vous des menteurs, des séducteurs, des hypocrites qui tiendront des discours pervers, artificieux, pour entraîner des disciples après eux. Souvenez-vous que je n'ai cessé nuit et jour de vous en avertir avec larmes. Pourquoi un si grave avertissement, si ce n'est afin de rendre l'Eglise attentive à découvrir ces trompeurs futurs, de quelques couleurs qu'ils se parent, et quelque nombre de disciples qu'ils entraînent après, eux, même du milieu des frères qui se disent le plus catholiques.

Il n'y a rien de plus général que ces commandemens divins. Les fidèles vivent en repos, sur cette.

(1) Apoc. 11. 24. - (2) Act. xx. 28 et seq.

foi qu'ils ont des surveillans établis de Dieu, avec des ordres exprès de dénoncer l'hérétique, sous quelque forme qu'il paroisse, puisque, bien loin de se taire quand il se cache, c'est au contraire le cas précis de l'examiner, de le déclarer, et de le montrer au doigt, de peur qu'on ne s'y trompe.

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que

Je n'en veux pas dire davantage à présent; le reste viendra en son tour: c'est sur ce fondement de l'Ecriture, que l'Eglise, par une pratique aussi ancienne que la religion, s'est accoutumée à dénoncer tout homme hérétique à toute la société chrétienne. Les apôtres en ont donné l'exemple. Saint Paul a dénoncé publiquement Hyménée et Philète avec l'expression de leur erreur, qui étoit de croire la résurrection étoit déjà faite (1). Il nomme ailleurs, dans une de ses épîtres, Hyménée et Alexandre, comme gens qu'il a livrés à Satan, afin de leur apprendre à ne point blasphémer (2). Il n'oublie pas Phigelle et Hermogène (3). L'apôtre saint Jean dénonce Diotréphès (4), qui s'étoit fait une primauté dans l'Eglise d'Asie, et refusoit de reconnoître cet apôtre. Ces exemples apostoliques ont été suivis; et c'est une tradition de tous les siècles, d'envoyer le nom de tous les hérétiques chargés des anathêmes de toute l'Eglise contre leurs personnes et leurs livres, en exprimant leurs erreurs. Nous en allons rapporter les actes, pour faire foi à tout l'univers que l'Eglise a exercé le pouvoir de prononcer sur ces faits, encore qu'ils ne soient point

(1) II. Tim. 11. 17, 18.— (2) I. Tim. 1. 20. — (4) III. Joan. 9.

(3) II. Tim. 1. 15.

révélés de Dieu, et d'exiger le consentement à ces jugemens (1).

Premier et deuxième exemples (2). Jugemens rendus contre les Semi-Pélagiens, en faveur de saint Augustin.

Comme l'Eglise, pour l'utilité des fidèles, note l'homme hérétique, il est utile aussi qu'elle marque les principaux docteurs suscités par la Providence pour combattre les hérésies. Elle l'a fait à l'égard de saint Augustin, en deux occasions. Prosper et Hilaire s'étoient plaints à saint Célestin des accusations de saint Augustin. Ce pape se déclare, et décide pour l'autorité de saint Augustin. Hormisdas fit la même chose dans le temps que Fauste de Riez tâchoit de relever l'hérésie des Semi-Pélagiens, et canonisa en particulier les deux livres que les ennemis de saint Augustin improuvoient. Toute l'Eglise a consenti à ce jugement; et ceux qui veulent le plus affoiblir l'autorité des choses jugées, sont les plus attentifs à maintenir l'autorité des jugemens de ce pape.

Troisieme exemple. La reconnoissance du pontificat du pape saint Corneille, tirée de saint Cyprien et d'Eusèbe de Césarée. Autres exemples sem

(1) A cet endroit de la copie du Mémoire de Bossuet, l'abbé Lequeux a écrit la note suivante :

« Jusqu'ici j'ai copié exactement le manuscrit, qui n'est qu'une espèce de brouillon dicté par l'auteur, dans un temps où ses » grandes infirmités l'avoient mis hors d'état de pouvoir écrire lui» même. Je me contenterai présentement de marquer les exemples » de la tradition qu'il avoit employés ».

(2) Pag. 17 du manuscrit.

blables répandus dans tous les siècles, et réflexions sur la certitude de chaque pontificat légitime.

Quatrième exemple. La condamnation de Paul de Samosate au concile d'Antioche.

Cinquième exemple. La condamnation de Nestorius.

Sixième et septième exemples. Accord de saint Cyrille avec Jean d'Antioche et les évêques d'Orient, sur le fait de Nestorius. Il est anathématisé par Théodoret au concile de Chalcédoine.

Huitième et neuvième exemples. Diverses manières de souscrire dans le concile de Chalcédoine: semblables distinctions dans le concile de Latran sous le pape saint Martin.

Dixième exemple. Jugement favorable à saint Athanase.

Onzième et douzième exemples. Condamnation d'Origène avec souscription, et d'Auxence sans souscription, avec égale autorité..

Treizième exemple. Parole de saint Augustin sur Cécilien.

Quatorzième exemple. Décret du pape saint Léon pour condamner les auteurs de l'hérésie pélagienne, par souscription expresse.

Hor

Quinzième exemple. Le formulaire du pape misdas contre Acace, patriarche de Constantinople. Doctrine des papes sur les souscriptions.

Seizième et dix-septième exemples. Le formulaire de saint Hormisdas (Prima salus) répété sous le pape Agapet, et encore plus expressément dans le concile huitième, sous les papes Nicolas I.er et Adrien II.

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