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sieur, de ce que l'on a préparé pour ces Messieurs. Les choses sont à peu près en état pour le commencement le temps accommodera tout; et assurément on fera tout ce qui se pourra pour donner satisfaction à ces serviteurs de Jésus-Christ. J'ai préhendé, avec raison, beaucoup de difficultés du côté du prédicateur, surtout si ces Messieurs étoient empêchés par les eaux d'être ici avant le commencement du carême; et ce bon Père avoit telle répugnance à abandonner sa chaire à un autre en les attendant, ou à la céder après avoir commencé, que j'étois tout-à-fait en inquiétude du scandale qui auroit pu arriver ici, si M. d'Auguste eût été contraint d'user de son autorité; à quoi néanmoins il se résolvoit. Mais Dieu, Monsieur, qui pourvoit à tout, nous a mis en repos de ce côté-là, par l'ordre qu'a eu le syndic de cette ville de dire à M. d'Auguste et à M. de la Contour, que la Reine auroit fort agréable si le prédicateur quittoit entièrement sa chaire, en acceptant cent écus que Sa Majesté lui fait donner, outre la rétribution ordinaire, et étant retenu pour prêcher l'année prochaine. Par-là toutes choses sont appaisées; et moi, je vous l'avoue, tiré d'une grande peine d'esprit. Il ne reste plus qu'à prier Dieu qu'il ouvre bientôt le chemin, au milieu des eaux, à ses serviteurs; qu'il fasse fructifier leur travail, et donne efficace à leur parole (1). C'est en sa charité que je suis, etc.

A Metz, ce 2 mars 1658.

(1) Les voeux de l'abbé Bossuet furent exaucés : les missionnaires

BossUET. XXXVII.

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LETTRE VII.

AU MÊME.

Sur les fruits de la mission, et le mérite des ouvriers qui y avoient travaillé. Compagnie établie à Metz, sur le modèle de celle qui avoit été formée par S. Vincent de Paul.

Je ne puis voir partir ces chers missionnaires, sans vous témoigner le regret universel et la merveilleuse édification qu'ils nous laissent. Elle est telle, Monsieur, que vous avez tous les sujets du monde de vous en réjouir en notre Seigneur; et je m'épancherois avec joie sur ce sujet-là, si ce n'étoit que les effets passent de trop loin toutes mes paroles. Il ne s'est jamais rien vu de mieux ordonné, rien de plus apostolique, rien de plus exemplaire que cette mission. Que ne vous dirois-je pas des particuliers, et principalement du chef et des autres, qui nous ont si saintement, si chrétiennement prêché l'Evangile, si je ne vous en croyois informé d'ailleurs par des témoignages plus considérables, et par la connoissance que vous avez d'eux; joint que je n'ignore pas avec quelle peine leur modestie souffre les louanges? Ils ont enlevé ici tous les cœurs; et voilà qu'ils s'en retournent à vous, fatigués et épuisés selon le corps; mais riches, selon arrivérent à Metz le 4 mars, après avoir couru bien des risques parmi les débordemens des eaux qu'ils eurent à traverser presque durant toute leur route. Ils ouvrirent la mission le mercredi des Cendres, 6 mars : le succès répondit à leur zèle, et fut tel que le décrit Bossuet dans la lettre suivante.

l'esprit, des dépouilles qu'ils ont ravies à l'enfer, et des fruits de pénitence que Dieu a produits par leur ministère. Recevez-les donc, Monsieur, avec bénédiction et actions de grâces; et ayez, s'il vous plaît, la bonté de les remercier avec moi, de l'honneur qu'ils m'ont voulu faire de m'associer à leur compagnie et à une partie de leur travail. Je vous en remercie aussi vous-même; et je vous supplie de prier Dieu qu'après avoir été une fois uni à de si saints ecclésiastiques, je le demeure éternellement, en prenant véritablement leur esprit, et profitant de leurs bons exemples.

Il a plu à notre Seigneur d'établir ici, par leur moyen, une compagnie à peu près sur le modèle de la vôtre (1); Dieu ayant permis, par sa bonté, que les réglemens s'en soient trouvés hier parmi les papiers de cet excellent serviteur de Dieu, M. de Blampignon. Elle se promet l'honneur de vous avoir pour supérieur; puisqu'on nous a fait espérer la grâce qu'elle sera associée à celle de Saint-Lazare, et que vous et ces Messieurs l'aurez agréable. J'ai charge, Monsieur, de vous en prier, et je le fais de tout mon cœur. Dieu veuille, par sa miséricorde, nous donner à tous la persévérance dans les choses qui ont été si bien établies par la charité de ces Messieurs. Je vous demande d'avoir

(1) Nos Mémoires marquent que cette compagnie n'étoit autre chose qu'une société de plusieurs ecclésiastiques, qui s'assembloient certains jours pour conférer ensemble sur les matières de la religion, à l'instar des Conférences des Mardis, établies à Paris par S. Vincent de Paul.

la bonté de me donner part à vos sacrifices, et de me croire, etc.

A Metz, ce 23 mai 1658.

RELATION.

D'UN FAIT MÉMORABLE,

ARRIVÉ DANS LE COURS DE LA MISSION DE METZ (1).

QUOIQUE le consistoire de la ville de Metz eût défendu aux siens d'assister aux prédications, Dieu permit, pour donner sujet aux plus obstinés de penser à eux, un effet de très-grande bénédiction.

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Un Huguenot ayant été à la prédication, et faisant récit à sa femme de ce qu'il avoit entendu, elle voulut se faire instruire et se convertir. L'ordre de son abjuration fut fort édifiant. Elle la fit en présence de monseigneur l'évêque d'Auguste suffragant de Metz, qui administroit ce diocèse, accompagné de MM. les abbés Bossuet et de Blampignon, de M. le lieutenant de roi, et d'une trèshonorable compagnie. Et comme, quelques jours après, étant tombée malade, elle souhaita recevoir le saint Viatique; on le lui porta, tous les prêtres et les personnes les plus qualifiées ayant chacun un cierge à la main. Cette bonne demoiselle donna

(1) Nous avons cru faire plaisir au lecteur de lui donner, à la suite des lettres qu'il vient de lire, cette relation si édifiante, qui lui fera connoître les heureux fruits de la mission de Metz, à laquelle Bossuet prit tant de part.

tant de marques que son ame tressailloit de joie en la présence de son Sauveur, que par ses paroles et ses actions elle fit une prédication très - efficace, parlant du fond du cœur; en sorte qu'elle tira les larmes des yeux de tous ceux qui étoient présens.

Je renonce, dit-elle, à toutes les affections temporelles et à tous les intérêts humains, qui eussent pu, parmi les Calvinistes, me faire avoir beaucoup de vues, soit pour la personne de mon mari, soit pour mes enfans. Mes filles, qui sont Catholiques, je les mets entre les mains de la providence de Dieu je demande pour elles la protection et les prières de tant de personnes de mérite qui sont ici présentes. Ah! j'ai trop résisté aux lumières qu'il plaisoit à Dieu de me donner de teinps en temps, et aux inspirations qui m'attiroient à la véritable foi. Je crois, j'aime et j'espère de tout mon cœur.

Ces discours et autres semblables, entrecoupés de sanglots, pénétroient au fond de l'ame des assistans. A la sortie du logis, on chanta tout le long des rues le Te Deum laudamus; et les hérétiques, qui fuyoient, comme des hibous, le Dieu des lumières, s'enfermoient avec empressement, voyant venir l'éclat de tant de cierges et de flambeaux sur les huit heures du soir; au lieu que les Catholiques accoururent de toutes parts à l'Eglise pour s'échauffer d'une dévotion mutuelle, et rendre grâces au Seigneur de ses miséricordes. La Confirmation fut aussi donnée à la même demoiselle, et on n'omit rien pour sa consolation: car les ministres, alarmés à ce récit, furent bientôt en campagne, et ils n'au

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