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respectueux pour elles, pacifique, de bonne intention et si l'effet de la lecture est semblable à celui de la prononciation, j'aurai sujet de louer Dieu. Mais comme ce qui se lit est sujet à une plus vive contradiction, j'aurai besoin que Votre Eminence prenne la peine d'entrer à fond dans tous mes motifs, et dans toute la suite de mon discours, pour justifier toutes les paroles sur lesquelles on pourroit épiloguer. Je n'en ai pas mis une seule qu'avec des raisons particulières, et toujours, je vous l'assure devant Dieu, avec une intention très-pure pour le saint Siége et pour la paix.

Les tendres oreilles des Romains doivent être respectées; et je l'ai fait de tout mon cœur. Trois points les peuvent blesser l'indépendance de la temporalité des rois, la jurisdiction épiscopale immédiatement de Jésus-Christ, et l'autorité des conciles. Vous savez bien que sur ces choses on ne biaise point en France; et je me suis étudié à parler. de sorte que, sans trahir la doctrine de l'Eglise gallicane, je pusse ne point offenser la majesté romaine. C'est tout ce qu'on peut demander à un évêque français, qui est obligé par les conjonctures à parler de ces matières. En un mot, j'ai parlé net; car il le faut partout, et surtout dans la chaire: mais j'ai parlé avec respect; et Dieu m'est témoin que ç'a été a bon dessein. Votre Eminence m'en croira bien j'espère même que les choses le lui feront sentir; et que la bonté qu'elle aura de les pénétrer, lui donnera le moyen de fermer la bouche à ceux qui pourroient m'attaquer.

Sur ce qui regarde l'autorité du concile et du

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Pape, je crois devoir faire observer à Votre Eminence ce que j'en ai dit dans l'Exposition et dans l'Avertissement qui est à la tête dans l'Exposition, article xx, pages 191 et suivantes; et dans l'Avertissement, depuis la page 66 jusqu'à la page 75. Votre Eminence se souvient de l'approbation donnée à Rome à l'Exposition; puisqu'elle a contribué ellemême à me la procurer. La version italienne a laissé l'article sans y rien toucher; et le Pape n'en a pas moins eu la bonté d'autoriser ma doctrine. Pour ce qui est de l'Avertissement, j'ai aussi pris la liberté de l'envoyer à sa Sainteté, qui m'a fait l'honneur de m'écrire par son bref du 12 juillet 1679, qu'elle avoit reçu cet Avertissement, et même de lui donner beaucoup de louanges. Voici les termes du bref : Accepimus libellum de Expositione Fidei catholicæ, quem piá, eleganti, sapientique, ad hæreticos in viam salutis reducendos, Oratione auctum, reddi nobis curavit Fraternitas tua. Et quidem libenti animo confirmamus uberes laudes, quas tibi de præclaro opere meritò tribuimus, et susceptas spes copiosi fructús exinde in Ecclesiam profecturi.

Après cela, Monseigneur, je ne ne dois pas être en peine pour le fond de ma doctrine; puisque le Pape approuve si clairement qu'on ne mette l'essentielle autorité du saint Siége, que dans les choses dont tous les catholiques sont d'accord. Tout ce qu'on pourroit dire en toute rigueur, c'est qu'il n'est pas besoin de remuer si souvent ces matières, et surtout dans la chaire, et devant le peuple et sur cela je me condamnerois moi-même, si la conjoncture ne m'avoit forcé, et si je n'avois parlé d'une manière

qui assurément, loin de scandaliser le peuple, l'a édifié.

J'ai toujours eu dans l'esprit qu'en expliquant l'autorité du saint Siége, de manière qu'on en ôte ce qui la fait plutôt craindre que révérer à certains esprits; cette sainte autorité, sans rien perdre, se montre aimable à tout le monde, même aux hérétiques et à tous ses ennemis.

Je dis que le saint Siége ne perd rien dans les explications de la France; parce que les Ultramontains même conviennent que dans les cas où elle met le concile au-dessus, on peut procéder contre le Pape d'une autre manière, en disant qu'il n'est plus Pape: de sorte qu'à vrai dire, nous ne disputons pas tant du fond que de l'ordre de la procédure; et il ne seroit pas difficile de montrer que la procédure que nous établissons, étant restreinte, comme j'ai fait, aux cas du concile de Constance, est non-seulement plus canonique et plus ecclésiastique; mais encore plus respectueuse envers le saint Siége, et plus fa

vorable à son autorité.

Mais ce qu'il y a de principal, c'est que les cas auxquels la France soutient le recours du Pape au concile sont si rares, qu'à peine en peut-on trouver de vrais exemples en plusieurs siècles: d'où il s'ensuit que c'est servir le saint Siége, que de réduire les disputes à ces cas; et c'est, en montrant un remède à des cas si rares, en rendre l'autorité perpétuellement chère et vénérable à tout l'univers.

Et pour dire un mot en particulier de la temporalité des rois, il me semble qu'il n'y a rien de plus odieux que les opinions des Ultramontains, ni qui

puisse apporter un plus grand obstacle à la conversion des rois hérétiques ou infidèles. Quelle puissance souveraine voudroit se donner un maître, qui lui pût par un décret ôter son royaume ? Les autres choses que nous disons en France ne servent pas moins à préparer les esprits au respect dû au saint Siége; et c'est, encore une fois, servir l'Eglise et le saint Siége, que de les dire avec modération. Seulement il faut empêcher qu'on n'abuse de cette doctrine; et j'ai tâché de le faire autant que j'ai pu : ce qui doit obliger Rome du moins au silence, et à nous laisser agir à notre mode; puisqu'au fond nous voulons le bien.

Je demande pardon à votre Eminence de la longueur de cette lettre. Mais quoiqu'elle fasse assez ces réflexions, et de beaucoup meilleures, et par elle-même, j'ai cru que s'agissant ici de mes intentions plus que de toute autre chose, je pouvois prendre la liberté de les lui expliquer. Au surplus, nous autres qui sommes de loin, nous discourons à notre mode et souvent en l'air. Votre Eminence, qui voit tout de près et à fond, sait précisément ce qu'il faut dire, etc.

A Paris, ce 1er décembre 1681.

LETTRE XCII.

A M. DIROIS, DOCTEUR DE SORBONNE.

Sur les différens objets qui devoient se traiter dans l'Assemblée actuelle du Clergé de France.

J'AI reçu, Monsieur, dans votre lettre du 4, des éclaircissemens considérables sur la matière de l'épiscopat.

Je conviens avec vous qu'il y a beaucoup de distinction à faire entre la puissance qu'ont les évêques de juger de la doctrine, et celle qu'ils ont de juger leurs confrères en première instance : l'une est fondée sur leur caractère, et en est inséparable de droit divin; l'autre est une affaire de discipline, qui a reçu de grands changemens.

J'ai toujours jugé, comme vous, que Gerson avoit mal parlé (1), et nous avons repris M. Gerbais de l'avoir suivi. La doctrine de Gerson n'a rien de con

(1) Il paroîtroit que ce que Bossuet improuvoit ici dans Gerson, étoit d'avoir cru que les évêques doivent nécessairement et de droit divin être jugés par le concile de la province, en première instance, et que l'on reprenoit également M. Gerbais comme ayant suivi en cela ce docteur. La distinction que fait ici Bossuet, entre la double puissance qu'ont les évêques de juger de la doctrine et de juger leurs confrères, porteroit à croire que tel est le point que le prélat a ici en vue. Mais il n'avoit garde de reprendre ni Gerson, ni Gerbais, dans ce qu'ils disent de la puissance qu'ont les évêques de juger de la doctrine; puisqu'il reconnoît que ce pouvoir est fondé sur leur caractère, et en est inséparable de droit divin.

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