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une bulle en forme comblera de gloire Innocent XI; et l'on verra, par la manière dont elle sera reçue, que le clergé de France, quoi qu'on puisse dire sait bien rendre le vrai respect au saint Siége, et s'en fait honneur; et que si l'on se réserve quelque liberté dans des cas extraordinaires, qu'on espère qui n'arriveront jamais, on sait bien connoître quelle autorité il y a dans la chaire de saint Pierre, et qu'on la veut élever aussi haut qu'elle l'ait jamais été par les plus grands papes, et par les décrets du saint Siége les plus forts. En voilà assez, Monsieur, sur cette matière.

Je vous remercie de ce qu'enfin vous m'avez envoyé le Mémoire de M. l'abbé de la Fageolle. Je voudrois bien avoir su par la même voie à qui il veut que je rende ici l'argent qu'il a déboursé; et en tout cas, je chercherai les moyens de le faire tenir à Rome à la première occasion. Mandez-nous les nouvelles courantes sur la paix (1): nous souhaitons qu'elle soit prompte, et qu'on n'ait jamais besoin de nous rassembler pour de si malheureux sujets. Je suis à vous de tout mon cœur.

A Versailles, ce 13 juillet 1682.

P. S. J'oubliois de vous dire que c'est de propos délibéré, que parmi les Propositions nous n'en avons mis aucune qui regarde l'ignorance invincible: cela nous auroit jeté dans des disputes, et d'ailleurs ne nous servoit de rien; puisque nous trouvions de quoi condamner la fausse probabilité, sans nous embarrasser dans ces questions: mais nous eussions

(1) Avec la Cour de Rome, touchant l'affaire de la Régale.

dit sur cette matière ce qu'il eût fallu dans la doctrine, et sans nous jeter dans des contentions.

LETTRE XCVIII.

AU MÊME.

Funestes conséquences de la décision que Rome projetoit en faveur de l'infaillibilité des Papes: combien il est nécessaire de condamner sans réserve toutes les propositions que l'Assemblée devoit censurer; en quoi consiste la véritable grandeur du saint Siége.

Je reviens, Monsieur, d'un assez long voyage que j'ai fait en Normandie; et la première chose que je fais en arrivant, avant même d'entrer à Paris, où je serai ce soir, c'est de répondre à votre dernière lettre.

Elle me fait une peinture de l'état présent de la Cour de Rome, qui me fait trembler. Quoi, Bellarmin y tient lieu de tout, et y fait seul toute la tradition! Où en sommes-nous si cela est ; et si le Pape va condamner ce que condamne cet auteur? Jusqu'ici on n'a osé le faire; on n'a osé donner cette atteinte au concile de Constance, ni aux papes qui l'ont approuvé. Que répondrons-nous aux hérétiques, quand ils nous objecteront ce concile et ses décrets répétés à Bâle avec l'expresse approbation d'Eugène IV, et toutes les autres choses que Rome a faites en confirmation? Si Eugène IV a bien fait en approuvant authentiquement ces décrets, comment peut-on les attaquer? et s'il a mal fait, où étoit, diront-ils, alors cette infaillibilité prétendue? Fau

dra-t-il sortir de ces embarras, et se tirer de l'autorité de tous ces décrets, et de tant d'autres décrets anciens et modernes, par des distinguo scholastiques, et par les chicanes de Bellarmin? Faudra-t-il dire aussi avec lui et Baronius, que les actes du concile VI, et les lettres de saint Léon II sont falsifiées? et l'Eglise, qui jusqu'ici a fermé la bouche aux hérétiques par des réponses si solides, n'aura-t-elle plus de défense que dans ces pitoyables tergiversations? Dieu nous en préserve. Ne cessez, Monsieur, de leur représenter à quoi ils s'engagent, et à quoi ils nous engagent tous. Je ne doute pas que Son Eminence ne parle en cette occasion avec toute la force, aussi bien qu'avec toute la capacité possible: il a le salut de l'Eglise entre ses mains.

J'ai fait grande réflexion sur ce que vous me dites, que Rome, loin d'être adoucie par ce qu'on lui accorde, le prend pour un aveu de ses droits, et s'en sert pour aller plus loin. Je l'ai bien compris ; mais à cela je n'ai autre chose à dire, sinon que des évêques qui parlent, doivent regarder les siècles futurs aussi bien que le siècle présent, et que leur force consiste à dire la vérité telle qu'ils l'entendent.

J'ai un peu de peine à concevoir comment vous croyez que le quatrième article de notre Déclaration puisse s'accorder avec la doctrine des Ultramontains nous n'avons pas eu ce dessein, quoique d'autre part nous ayons bien vu que quoi qu'on enseignât en spéculative, en pratique il en faudroit toujours revenir à ne mettre la dernière et irrévocable décision, que dans le consentement de l'Eglise universelle, à laquelle seule nous attachons notre

foi dans le symbole. Je ne puis m'imaginer qu'un Pape si zélé pour la conversion des hérétiques, et pour la réunion des schismatiques, y veuille mettre un obstacle éternel, par une décision telle que celle dont on nous menace. Dieu détournera ce coup; et pour peu qu'on ait de prudence, on ne se jetera pas dans cet inconvénient.

Pour la morale, je conçois bien que ce n'est pas le temps d'en parler à Rome : il faut vider les autres affaires auparavant. Mais pour ce qui est des réflexions, que vous me dites que des gens sages ont faites sur nos propositions, j'en suis étonné. Ils disent que parmi les propositions condamnées par Alexandre VII et Innocent XI, il y en a qui ne font pas matière de bulle, comme celle-ci, « Qu'on peut » satisfaire au précepte de l'Eglise par un sacrilége »>: mais au contraire s'il y en a une qui mérite d'être foudroyée, c'est celle-là: car l'Eglise ne faisant dans ses préceptes qu'appliquer et exécuter ceux de Jésus-Christ, il faut obéir à Jésus-Christ pour obéir à l'Eglise ; et l'on se flatte en vain d'obéir à l'Eglise, par une action qui est un outrage sacrilége contre Jésus-Christ: autrement contre sa parole, Qui vous écoute m'écoute (1), il faudra dire qu'on pourra écouter son Eglise sans l'écouter lui-même, ou qu'on écoute Jésus-Christ en faisant un sacrilége. Pour moi, je crois au contraire qu'il faut définir, que le fondement de l'obéissance qu'on doit à l'Eglise étant celle qu'on doit à Jésus-Christ; pour obéir à l'Eglise, qui détermine l'exécution des préceptes de JésusChrist, il faut entrer premièrement dans l'esprit

(1) Luc. x. 16.

que Jésus-Christ a prescrit; sans quoi l'on peut bien éviter les censures qui ne foudroient que les crimes qu'on connoît, mais non pas satisfaire au fond à l'intention de l'Eglise, ni par conséquent à ses préceptes.

Pour ce qui est de la probabilité, si l'on ne veut qu'effleurer les choses, comme on a fait jusqu'ici, il ne faut en effet frapper que sur trois ou quatre propositions: mais si l'on veut attaquer le mal dans tout son venin intérieur, le détruire dans sa racine, le poursuivre dans ses pernicieuses conséquences, et en mettre au jour la malignité, en faisant voir tant la fausseté des principes que l'absurdité des inconvéniens, on ne trouvera rien d'inutile dans nos propositions; et si l'on avoit vu les qualifications que nous avions projetées, on en tomberoit d'accord. Que serviroit de dire, par exemple, ce que vous marquez, qu'on a trouvé bon qu'il faut suivre l'opinion la plus probable et la plus sûre, aux termes marqués dans les propositions cxxvIII et suivantes, si on laisse après cela la liberté de dire que la doctrine enseignée par la plupart des modernes, même par un seul, est la plus probable, ou qu'elle devient la plus sûre pour le commun des hommes par sa bénigne condescendance ? C'est laisser le mal en son entier, que de ne pas aller jusque-là. Il n'en faut pas faire à deux fois; et si l'on veut mettre une bonne fois la main aux plaies de l'Eglise, il faut tout d'un coup aller jusqu'à la racine d'une doctrine qui repousse toute entière en un moment, pour petite que soit la fibre qu'on lui laisse.

ou

Quant à la proposition cxvi, je la crois la plus

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