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ration du clergé. L'exécution de ce projet ne peut être qu'avantageuse à l'Eglise; et si vous croyez que le tour que vous y donnez à cette matière puisse appaiser la Cour de Rome, je n'y vois en France aucune difficulté. Je vous prie de me mander en quel état est cet ouvrage.

Ce que vous m'écriviez aussi des lettres du cardinal Ubaldini est très-considérable. Il faudroit tâcher d'avoir des copies de ces lettres, qui fussent. assez autorisées pour obtenir créance. Car s'il paroît que le traité de Duval, imprimé en 1614, contre Richer, a été concerté avec Rome, et que cela résulte du témoignage de ce cardinal, qui étoit alors nonce en France; il s'ensuivra très-bien que Rome se contentoit qu'on défendît l'infaillibilité sans taxer ni d'hérésie, ni d'erreur, ni même de témérité la doctrine opposée : ce qui montre que les censures du cardinal Bellarmin ne passoient pas pour certaines, et ne faisoient pas une loi à Rome, comme il semble qu'on en veut faire une à présent.

Mais vous marquez une chose que je ne me souviens pas d'avoir aperçue dans Duval; savoir, que les décisions du Pape ne sont pas de foi, jusqu'à ce que le consentement de l'Eglise soit intervenu. Je vois assez que Duval ne tenant pas l'infaillibilité du Pape comme de foi, il est mené à cette conséquence; mais je ne me souviens pas qu'il l'ait dit expressément; et cela est d'une extrême importance. Si vous vouliez bien me citer le lieu où Duval parle ainsi, vous me sauveriez la peine de chercher une chose dont il est bon d'être informé.

Je vous suis, Monsieur, très-obligé de toutes vos BOSSUET. XXXVII.

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bontés : continuez-les moi, je vous en conjure; puisqu'on ne peut être plus que je le suis, etc.

A Germigny, ce 30 avril 1685.

P. S. Nous allons bientôt tenir notre assemblée provinciale pour députer à la générale. Je ne crois pas qu'il se parle de rien dans l'assemblée générale : en tout cas je n'y serai pas, et je m'en rapporte à ceux qui y seront.

LETTRE CXVII.

A DOM MABILLON, RELIGIEUX BÉNÉDICTIN.

Sur l'affaire de Molinos, l'ordination des Anglais, et le rétablissement de la coupe en Angleterre et en Allemagne.

J'AI reçu avec joie les marques de votre amitié, et vous ne devez pas douter que je n'y sois aussi sensible que j'ai d'estime pour votre vertu. Je prends vertu dans tous les sens du pays où vous êtes (1). J'ai été ravi d'apprendre qu'on vous y ouvroit les bibliothèques plus qu'on n'a jamais fait à personne; ce qui nous fait espérer de nouvelles découvertes, toujours très-utiles pour confirmer l'ancienne doctrine et tradition de la Mère des Eglises. Nous attendons l'événement de l'affaire de Molinos (2), qui n'a pas

(1) Dom Mabillon étoit alors à Rome.

(2) Michel Molinos, prêtre espagnol, s'étoit acquis dans Rome la réputation d'un très-grand directeur, lorsqu'il fut accusé d'avoir avancé des erreurs très-dangereuses dans le livre de la Conduite

peu surpris tout le monde, et particulièrement ceux qui l'avoient connu à Rome. J'en connois de si zélés pour lui, qu'ils veulent croire que tout ce qui se fait contre lui est l'effet de quelque secrète cabale, et qu'il en sortira à son honneur: mais ce que nous voyons n'a pas cet air.

Pour l'affaire d'Angleterre, outre la difficulté des premiers évêques auteurs du schisme, il y en a encore une grande du temps de Cromwel, où l'on prétend que la succession de l'ordination a été interrompue. Les Anglais soutiennent que non; et pour la succession dans le commencement du schisme, ils soutiennent qu'il n'y a aucune difficulté; et il semble qu'ils aient raison en cela. Cela dépend du fait; et le saint Siége ne manquera pas d'agir en cette occasion avec sa circonspection ordinaire.

A ce propos, il me vient dans l'esprit qu'il y auroit une chose qui pourroit beaucoup, selon toutes les nouvelles que nous recevons, faciliter le retour de l'Angleterre et de l'Allemagne : ce seroit le rétablissement de la coupe. Elle fut rendue par Pie IV dans l'Autriche et dans la Bavière mais le remède n'eut pas grand effet; parce que les esprits étoient spirituelle, qu'il publia en espagnol. Il fut en conséquence arrêté, et mis dans les prisons de l'Inquisition de Rome, au mois de juillet 1685. Les informations qu'on fit sur sa vie manifestèrent la plus grande corruption dans ses mœurs; et les abominations dont il fut convaincu firent encore mieux sentir la perversité de ses maximes, et à quels désordres elles pouvoient mener ceux qui les réduiroient en pratique. La congrégation de l'Inquisition rendit, le 28 août, un décret qui condamnoit soixante-huit de ses propositions comme hérétiques, scandaleuses et blasphématoires. Après avoir fait abjuration publique de ses erreurs, il fut renfermé, pour le reste de ses jours, dans une étroite prison, où il mourut le 29 décembre 1696.

encore trop échauffés. La même chose accordée dans un temps plus favorable, comme celui ci où tout paroît ébranlé, réussiroit mieux. Ne pourriezvous pas en jeter quelques paroles, et sonder un les sentimens là-dessus? Je crois, pour moi, que par cette condescendance, où il n'y a nul inconvénient qu'on ne puisse espérer de vaincre après un usage de treize cents ans, on verroit la ruine entière de l'hérésie. Déjà la plupart de nos Huguenots s'en expliquent hautement.

peu

Pour nos Articles (1), c'est une matière plus délicate, et je crois que sur cela nous devons nous contenter de la liberté. Je salue Dom Michel de tout mon cœur; et suis avec une parfaite cordialité, etc.

A Germigny, ce 12 août 1685,

LETTRE CXVIII.

DE DOM MABILLON.

Sur le rétablissement de la coupe, et quelques faits historiques.

J'AI reçu la lettre que votre Grandeur m'a fait l'honneur de m'écrire, dont je vous remercie trèshumblement. J'ai parlé à quelques personnes de nos amis du rétablissement de la coupe en faveur des hérétiques. Monseigneur Slusio, qui est un prélat des plus éclairés et des mieux intentionnés de cette Cour, m'a dit qu'il n'étoit pas temps de faire cette proposition; qu'il n'y avoit pas assez de lumière (1) Il s'agit des quatre Articles du clergé de France.

dans le conseil pour entrer dans cette condescendance, et que de la proposer de la part de la France dans l'état où sont à présent les choses, ce seroit assez pour la gâter; que le meilleur moyen pour y réussir, seroit de faire demander la chose par le roi d'Angleterre, par le moyen du cardinal Ouvart, ou en tout cas, ce que j'ajoute de moi-même, par‘ le nouveau prince Palatin. Comme monseigneur Slusio sait parfaitement la situation des choses de cette Cour, je n'ai point parlé de cette affaire à d'autre qu'à lui, si ce n'est que j'en ai dit un mot à son Eminence d'Estrées.

La congrégation des cardinaux, commis par le Pape pour examiner l'affaire de monseigneur d'Héliopolis contre les Pères Jésuites de la Cochinchine et de Siam, etc., a donné un décret extrêmement fort en faveur de ce prélat, par lequel décret on révoque de ce pays-là les Pères Jésuites, qui n'ont pas voulu se soumettre à lui, sous peine d'excommunication, ipso facto, et de ne recevoir aucun novice. Mais comme le Pape n'a pas voulu confirmer ce décret, on ne sait s'il aura assez de force pour être exécuté, quoique le Père général ait écrit à ses religieux missionnaires conformément à ce décret.

M. le cardinal Nerli a quitté l'archevêché de Florence, pour prendre le petit évêché d'Assise, qui n'a de revenu que neuf cents écus, sur lesquels ily en a sept cents de pension.

Nous partirons au premier jour pour Naples et pour le Mont Cassin, d'où nous ne retournerons ici que sur la fin du mois de novembre; si bien que nous serons obligés de passer ici une partie de l'hiver.

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