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sur les points où j'avois besoin de quelque éclaircissement sont dignes de sa piété et de sa bonté. Il ne me restoit, grâce à Dieu, aucun scrupule ni le moindre doute, avant même que je fusse réconcilié à l'Eglise. Présentement je dois tâcher, avec le secours de la grâce de Dieu, de rendre ma vie conforme à la sainte doctrine de cette Eglise, hors laquelle je ne crois pas que personne puisse être agréa

ble à Dieu.

Quelques personnes peu charitables disent que le Roi mon maître étant catholique, me l'avoit fait devenir. Mais Dieu connoît le fond de mon cœur; et celui qui auroit agi par un semblable motif purement mondain, auroit, selon toute apparence, choisi un temps plus favorable, et n'auroit pas fait une semblable chose pendant que deux dangereuses révoltes étoient en vigueur, et qu'il y avoit deux armées en campagne contre le Roi.

LETTRE CXXIII.

DE MILORD PERTH A BOSSUET (1)..

Il lui témoigne l'estime singulière qu'il faisoit de son mérite, la reconnoissance dont il étoit pénétré pour ses bienfaits, et lui déclare la sincérité de sa conversion.

Si chacun de ceux qui ont eu le bonheur d'être instruits par vos excellens ouvrages, travailloit à

(1) Milord Perth avoit écrit sa lettre en anglais; mais il l'envoya à l'abbé Renaudot, pour la traduire avant de la remettre à Bossuet. Il en usa ainsi dans toute la suite de sa correspondance avec

Vous

vous en rendre compte en vous témoignant sa trèshumble reconnoissance, on vous feroit trop perdre de ce temps précieux, que vous employez avec tant de succès pour le bien de l'Eglise de Dieu, quand ce ne seroit qu'à la simple lecture de ces sortes de remercîmens. Je n'aurois pas même osé dérober au public un moment de votre temps, si ce que je dis d'abord au Roi mon maître, ne s'étoit répandu par le récit que ce zélé et excellent prince a fait à d'autres de ma conversion. Il a toujours eu pour moi trop d'estime; et depuis peu il a eu la bonté de dire quantité de choses sur mon sujet aux ministres des autres princes, à l'occasion des circonstances où je me trouve présentement. Il semble néanmoins que vous n'auriez pas sitôt appris par cette voie la grande part que vous avez eue en cette affaire, si M. l'abbé Renaudot, ayant vu une lettre que j'écrivois à une de mes parentes qui est à Paris, n'eût été assez obligeant pour vous en rendre compte d'une manière trop avantageuse pour moi. Mais personne ne peut assez bien exprimer combien ma reconnoissance est grande envers ceux qui m'ont aidé à acquérir la connoissance de la vérité, dont le prix est infini.

Vos talens naturels, augmentés par la lumière

le prélat; et les traductions que nous donnons ici, qui tiennent lieu d'originaux, ont toutes été faites par cet illustre abbé. Il s'appliqua plus à rendre exactement et littéralement les pensées de l'auteur, qu'à leur prêter en notre langue de l'élégance et des ornemens. Rien aussi ne convenoit mieux, afin d'expliquer à Bossuet le plus fidèlement qu'il étoit possible, les demandes ou les questions du lord, et que ce prélat saisissant bien ses idées, y répondit précisément.

BOSSUET. XXXVII.

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divine, et maintenus en vigueur par un travail continuel dans la vigne du Seigneur, vous mettent au-dessus des autres hommes. Il faut fermer les yeux à la lumière, pour ne pas reconnoître la vérité, de la manière dont elle est exposée par votre excellente plume. Vous êtes comme un autre saint Paul, dont les travaux ne se bornent pas à une seule nation ou à une seule province : vos ouvragės parlent présentement en la plupart des langues de l'Europe; et vos prosélytes publient vos triomphes én des langues que vous n'entendez pas.

Je suis obligé en mon particulier de rendre grâces à Dieu, de ce que j'ai appris une langue par le moyen de laquelle j'ai reçu un si grand avantage. Si j'avois pu écrire en cette même langue, j'aurois eu le bonheur de vous expliquer mes pensées sans le secours d'un interprète. Je suis donc obligé Monseigneur, de prier M. l'abbé Renaudot, qui vous a fait connoître l'engagement que j'ai contracté avec vous, puisque je suis devenu un de vos enfans, et par le moyen duquel j'ai reçu les offres charitables que vous avez faites de votre secours pour mon instruction, et pour me confirmer dans la connoissance de la vérité, de vous interpréter ce très-humble témoignage de ma reconnoissance envers vous, à qui je suis redevable d'un si grand bien.

En vérité, Monseigneur, je le ressens autant que mon cœur en est capable. Si je pouvois vous aller trouver, j'accepterois très-volontiers vos offres généreuses; quoique, grâce à Dieu, il ne me soit pas resté le moindre scrupule touchant la doctrine de l'Eglise catholique, avant même que je fisse pro

fession de cette sainte foi. Je puis dire, Monseigneur, que je l'ai embrassée contre tout ce qu'il y avoit de considérations mondaines; et que si la force de la vérité ne m'avoit pas porté à le faire, j'aurois eu le malheur de mourir dans l'incrédulité. Mais en étant pleinement convaincu, je crois qu'é- tant soutenu par la force de la grâce de Dieu, je l'aurois embrassée quand même il auroit fallu souffrir une mort cruelle un moment après.

Permettez-moi, Monseigneur, de dire que je bénis Dieu pour la grâce qu'il m'a faite de connoître la lumière de la vérité, et de vous rendre ensuite de très-humbles grâces de l'avantage que j'ai reçu par votre moyen. Je suis incapable de vous rendre aucun service; et même au lieu de m'acquitter de ce que je vous dois, il faut que je m'engage à vous devoir encore davantage, en vous demandant votre bénédiction et vos prières; afin qu'avec la connoissance de la véritable religion, Dieu me fasse la grâce de vivre conformément à ce qu'elle enseigne, et que je ne déshonore pas une si sainte profession. Cette charité ajoutera à l'obligation que j'ai déjà d'être avec toute la soumission possible et un profond respect, etc.

De Londres, ce 12 novembre 1685.

LETTRE CXXIV.

A MILORD PERTH (1).

Il relève les circonstances admirables de sa conversion, lui témoigne combien il est touché de l'aveuglement de l'Angleterre, et le désir ardent qu'il a d'y voir refleurir la vraie foi.

VOTRE Conversion a rempli de joie le ciel et la terre, et je ne puis vous exprimer combien elle a fait répandre de pieuses larmes. On voit clairement que c'est l'œuvre de la main de Dieu. Les conjonctures dans lesquelles vous vous êtes déclaré ont fait voir que vous étiez ce sage négociateur de l'Evangile, qui, ayant trouvé la vérité comme une perle d'un prix inestimable, a donné tout ce qu'il avoit pour l'acquérir: c'est, Milord, ce que vous avez fait. Vous avez fait même quelque chose de plus : car, en vous exposant à tout pour le royaume de Dieu, vous avez eu encore à craindre les reproches de ceux qui soupçonneroient que vous aviez agi par des vues humaines, qui est la chose du monde la plus capable

(1) C'est ici la première lettre de Bossuet à milord Perth: mais depuis cette époque jusqu'au jour où ce lord fut arrêté, le prélat lui en écrivit plusieurs autres, dont aucune ne nous est parvenue. Il est à présumer que la populace, qui, après s'être révoltée, vint fondre dans l'hôtel du lord, où elle pilla tout ce qu'elle trouva, brûla les portraits du Roi, de Bossuet, du lord, et jusqu'à un crucifix, n'aura pas épargné ses papiers, et que les lettres de notre prélat auront été consumées dans cet incendie. Nous avons d'autant plus lieu de le penser, que les lettres écrites par Bossuet à ce lord, depuis sa prison, nous ont toutes été conservées : son fils en envoya des copies exactes à l'évêque de Troyes, sur lesquelles elles seront ici imprimées.

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