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d'affliger un cœur aussi bon et aussi généreux que le vôtre. Dieu par sa grâce vous a élevé au-dessus de toutes ces tentations; et touché de son Saint-Esprit, vous avez dit avec saint Paul : Quand il à plu à celui qui m'a choisi et qui m'a appelé par sa gráce, incontinent je n'ai plus écouté la chair ni le sang ·(1). Voilà, Milord, ce qui réjouit toute l'Eglise. La part que vous publiez que Dieu m'a donnée à ce grand ouvrage, sert encore à montrer qu'il est celui qui emploie les petites choses, non plus pour confondre, mais pour accomplir les grandes; et l'honneur que vous rendez à l'épiscopat en mon indigne personne, achève de découvrir en vous un cœur véritablement chrétien.

J'espère donc, Milord, que Dieu qui a opéré de si grandes choses dans un homme de votre élévation et de votre mérite, les fera servir au salut de plusieurs; et dans cette heureuse occasion, je suis sollicité à redoubler les vœux que je fais depuis si longtemps pour la conversion de la Grande-Bretagne, Je vous avoue que lorsque je considère la piété admirable qui a si long-temps fleuri dans cette île, autrefois l'exemple du monde, je sens, s'il m'est permis de le dire, mon esprit ému en moi-même, à l'exemple de saint Paul, en la voyant attachée à l'hérésie; et je frémis de voir qu'en quittant la foi de tant de saints qu'elle a portés, elle soit obligée de condamner leur conduite, et de perdre en même temps de si beaux exemples qui lui étoient donnés pour l'éclairer. Mais j'espère plus que jamais que Dieu la regardera en pitié.

(1) Galat. 1. 16.

L'écrit de feu madame la duchesse d'Yorck (1), et celui du feu roi d'Angleterre (2), qui a commencé à vous ébranler, sont des témoignages qu'il a suscités en nos jours pour faire revivre la foi ancienne, L'exemple du roi d'aujourd'hui, et la bénédiction que Dieu donne visiblement à sa conduite, aussi prudente que vigoureuse, est capable de toucher les plus insensibles.

Je regarde toutes ces choses comme des marques, du côté de Dieu, d'une bonté qui commence à se laisser fléchir; et je ne cesse de le prier qu'il achève son ouvrage, lui à qui rien n'est impossible.

Puisse son divin esprit se répandre avec abondance sur les Catholiques qui sont parmi vous ; afin qu'ils ne croient pas avoir tout fait, en combattant comme ils font courageusement pour la foi; mais qu'à votre exemple, Milord, ils montrent leur foi par leurs œuvres, et qu'ils apprennent de vous à respecter unanimement l'ordre apostolique et la sainte hiérarchie de l'Eglise.

Pour moi, en me détachant de ce qui me regarde dans la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, je suis si édifié de la piété qu'on y ressent à chaque mot, que loin de présumer que je sois capable de vous confirmer dans la foi, je me sens confirmé moi-même par les merveilleux sentimens que Dieu vous inspire et dans la confiance que j'ai en celui qui agit en vous, je vous donne de tout mon cœur la bénédiction que vous souhaitez, me dé

(1) Première femme de Jacques II, roi d'Angleterre. (2) Charles II, frère et prédécesseur de Jacques II.

clarant pour jamais avec un respect mêlé de ten

dresse, etc.

A Paris, ce 28 novembre 1685.

LETTRE CXXV.

DE MILORD PERTH.

Grands sentimens de ce néophite; heureuses espérances qu'il concevoit touchant la conversion des Anglais; son respect pour les Pères de l'Eglise, pour le clergé de France, et pour Bossuet en particulier.

Si un voyage de cent lieues, et un accablement extraordinaire d'affaires, que j'ai eues à mon arrivée, ne vous demandoient pardon pour moi, je le pourrois seulement espérer de votre bonté. Mais en vérité j'ai été tellement fatigué depuis mon arrivée, que je mérite compassion : et ainsi j'espère que mon silence, après une lettre telle que celle que j'ai reçue de vous, ne pourra être attribué à aucune négligence ni manque de réflexion. Je suis trop convaincu de l'honneur et du bonheur que j'ai de ce que vous voulez bien prendre soin de moi, et de la grâce que vous me faites d'employer votre charité, votre grande science et votre capacité à éclairer mes difficultés, même dans des matières qui ne sont pas assez importantes pour être proposées à une personne si dignement occupée des affaires de la plus grande conséquence. La grande réputation que vous avez acquise dans le monde, avec tant de justice, par les voies les plus honorables, fait que la correspondance qu'on a avec vous donne une telle tenta

tion de vaine gloire, que je n'eusse osé presque m'y exposer, si je n'avois pas considéré qu'avec toutes ces grandes qualités, une connoissance si étendue, tant de science et d'expérience, vous avez une piété solide, et un jugement capable de conserver vos autres talens en leur propre place, et d'en faire usage pour les meilleures fins, avec une charité capable de vous faire embrasser toutes les occasions d'avancer l'honneur de Dieu, et de faire du bien aux hommes. C'est pourquoi j'ai recours au saint, pour lui demander son assistance, et non pas au grand homme par un simple motif de vanité. J'espère qu'en ces deux qualités vous m'accorderez la seule chose que je puis vous demander, qui est vos prières; afin que je puisse faire un bon usage de ce que je dois espérer de vos excellentes qualités pour mon instruction, et pour m'encourager à en faire mon profit.

Je lis avec confusion les expressions pleines de bonté à mon égard, qui se trouvent dans la lettre très-obligeante que vous m'avez écrite. C'est ce qui me fait croire certainement que mes sentimens vous ont été expliqués selon leur véritable sens. Je reconnois que je ne suis rien selon l'opinion que je pourrois avoir de moi-même; mais seulement selon ce que je suis dans la vue de Dieu : c'est pourquoi je ne suis pas fâché de trouver que chacun n'a pas pour moi la même charité que vous. C'est à Dieu qu'on offre le service qu'on rend à la religion. S'il connoît la sincérité d'un bon cœur, je n'ai pas besoin de me mettre fort en peine du jugement que les hommes peuvent faire de moi. J'ose même dire que

mon principal dessein, en tâchant de passer pour sincère parmi les hommes, est dans la vue que cela peut me rendre plus capable de faire du bien dans la place où la divine Providence m'a établi. Si j'y réussis, que Dieu en ait toute la gloire : si je n'y réussis pas, je souhaite que quelque autre plus capable que moi prenne ma place, pour venir à bout de ce que j'aurois souhaité faire si je l'avois pu, en ramenant un grand nombre de personnes à l'Eglise de Dieu.

Il semble que le temps soit favorable; parce qu'il paroît une grande disposition dans les esprits à s'éclaircir des matières qui concernent la religion, pour tâcher de faire ouvrir les yeux à ceux qui ont été depuis si long-temps aveuglés par les fausses représentations des vérités de la religion. Je travaille à faire traduire la préface et les approbations, qui sont à la tête de la dernière édition de votre excellent livre de l'Exposition de la Foi, et à le faire réimprimer (1). Car comme les persécuteurs des premiers chrétiens les revêtoient d'habits extravagans pour les exposer à la risée et à la moquerie, ou les couvroient de peaux de bêtes sauvages pour les faire déchirer par d'autres; de même ici les dogmes de l'Eglise catholique ont été tournés en ridicule ou représentés comme impies, pour faire que la foi de l'Eglise eût le même sort qu'avoient eu autrefois ses martyrs.

(1) Il y a lieu de penser que le traducteur mis en œuvre par milord Perth, étoit le père Johnston, Bénédictin anglais, dont nous avons quelques lettres écrites à Bossuet, dans cette même année 1686, et que l'on trouvera à la suite de l'Exposition, tome xviil, pag. 170 et suiv.

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