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Plusieurs hommes de bien n'ont besoin que d'être désabusés. J'ai fait cette expérience en la personne de mon frère, qui, en huit jours de conversation qu'il a eue avec moi, quoique de si foibles moyens ne pussent avoir un heureux effet que par la bonté de la cause, est devenu un très-bon catholique, J'espère, avec la grâce de Dieu, qu'il servira fort utilement à avancer les intérêts de notre sainte religion en ce pays; sa charge lui donnant plusieurs belles occasions de le faire.

Depuis que je suis arrivé ici, le précepteur de mon fils, ministre de grande espérance, et qui, selon ceux qui gouvernent ici, étoit un homme fort propre à être avancé dans de grands emplois, à cause de son jugement solide, de son savoir et de sa piété; après une mûre délibération et une longue résistance, a renoncé à toutes ses espérances et prétentions, pour se faire catholique. C'est ce qui me fait espérer qu'il se fera encore plus de bien en ce pays. Car après avoir vu qu'en ôtant seulement ce masque affreux dont par malice on a déguisé la vérité, cela seul a été cause que deux personnes telles que je vous ai dites l'ont embrassée ; certainement il y en aura plusieurs autres, qui s'engageront à la recherche des raisons qu'ils ont eues pour faire un changement si important, et avec la grâce de Dieu ils suivront leur exemple. C'est pourquoi, Monseigneur, si vous pouvez nous donner quelque chose qui puisse contribuer à un aussi bon dessein que celui de la conversion de ces pauvres nations abusées, le temps seroit fort favorable. C'est ce que je vous demande d'autant plus volontiers, que j'ai

appris que vous aviez depuis peu été fort occupé à conférer avec les nouveaux convertis, et qu'il restoit encore de quoi travailler avec quelques-uns.

Vous faites, Monseigneur, quelques réflexions sur la considération et le très-humble respect que j'ai pour l'office apostolique des évêques. Je vous dirai sur ce sujet que lorsque j'étois le plus zélé pour l'erreur, j'avois une telle vénération une telle vénération pour l'ordre et la dignité des évêques, que je n'ai jamais eu que des pensées fort respectueuses pour les saints hommes, revêtus autrefois de cette dignité dans les Eglises d'Orient et d'Occident. Ce respect avoit besoin d'être un peu rectifié; et présentement outre les anciens Pères, aux prières desquels je me recommande tous les jours, il y en a trois de ce dernier temps dont je lis les vies avec admiration et avec plaisir, qui sont saint Charles Borromée, saint François de Sales, et dom Barthelemi des Martyrs. Et comme je respecte en général tous les évêques de l'Eglise catholique, aussi il me semble que ceux de France méritent d'être estimés par-dessus tous les autres de ce siècle, pour avoir pris tant de peine à mettre leur clergé dans l'état où doivent être de véritables ecclésiastiques. A quoi j'ajouterai sans flatterie que monseigneur l'Evêque de Meaux, quand je ne lui aurois aucune obligation, quoique je lui sois redevable de quelque chose qui vaut plus que tout ce qu'il peut y avoir au monde, tient tellement la première place dans mon estime, mon respect et mon affection, que je ne le puis exprimer. Cette comparaison ne vous plaira peut-être pas; mais je suis sûr qu'elle est fort juste.

Il faudra que le digne abbé Renaudot supplée à mon ignorance pour vous expliquer mes véritables sentimens, et vous faire entendre ce que j'ai voulu vous dire. La traduction qu'il a faite de ma précédente lettre a tellement suppléé au défaut de l'original, que je lui en suis fort obligé : car si vous avez conçu quelque bonne opinion de moi, je lui en suis redevable; voyant qu'il m'a donné par sa traduction quelques avantages que la nature m'a refusés, ainsi qu'on l'auroit pu juger par l'original de ce que je vous ai écrit.

Je ne vous importunerai pas davantage, si ce n'est pour vous prier de me donner votre bénédiction épiscopale et paternelle ; puisque je suis un de vos enfans, et que j'ai pour vous tous les sentimens de respect, de soumission et d'affection possibles. Conservez-moi donc, s'il vous plaît, un peu de part dans votre souvenir; et Dieu veuille que vous me l'accordiez à votre Memento au saint autel, lorsque vous célébrerez le sacrifice de la messe; et faites-moi l'honneur de me croire toujours, etc.

Edimbourg, ce 8 février 1686,

LETTRE CXXVI.

A UN JUIF RETIRÉ EN ANGLETERRE,

Qui, après avoir embrassé la religion catholique, l'avoit quittée pour passer chez les Protestans (1).

Il le sollicite avec toute la tendresse d'un père de rentrer dans le sein de l'Eglise.

QUELLE nouvelle pour moi que celle de votre sortie hors de l'Eglise! Dieu m'a voulu humilier: car après ce que vous aviez écrit dans votre dernier ouvrage, je croyois que vous deviendriez un des plus grands défenseurs de notre sainte croyance, et je vous en vois l'ennemi: mais j'espère que je ne serai pas frustré dans mon attente. Dieu a voulu vous humilier aussi bien que moi par votre chute, pour vous rendre à son Eglise, plus docile, plus soumis, et par-là plus éclairé. Je vis dans cette espérance; et cependant, en quelque moment que Dieu vous touche le cœur, venez à moi sans rien craindre: vous y trouverez un appui très- sûr pour toutes choses, un ami, un frère, un père, qui ne vous oubliera jamais, et jamais ne cessera de vous rappeler à l'Eglise par les cris qu'il fera à Dieu. Je ne vous ai point écrit jusqu'à cette heure, parce que j'ai appris que vous aviez été malade. Seroit-ce que Dieu auroit voulu vous parler dans cet état d'abat

(1) Les Protestans ont publié cette lettre à la fin du recueil dont nous avons déjà parlé, qui a pour titre, La Séduction eludée, pag. 80 et suiv.

tement? tous les momens sont à lui. Hélas! seroit-il possible que la confusion que vous trouvez aux lieux où vous êtes, ne vous fasse point souvenir de Sion et de sa sainte unité, ni sentir quel malheur c'est que d'avoir rejeté l'autorité de l'Eglise? Je ne veux point disputer, et j'aime mieux finir en vous embrassant de tout mon cœur. Revenez, mon fils, etc. A Saint-Germain, ce 2 mars 1686.

LETTRE CXXVII.

A UN RÉFUGIÉ (1).

Il lui montre le tort qu'il a de regarder comme une raison légitime de son changement la persécution qu'il prétend que l'Eglise fait souffrir aux Protestans; répond à ses difficultés sur l'Eucharistie, et lui prouve le besoin que les chrétiens ont d'une autorité vivante et parlante qui termine leurs contestations.

JE continue à vous écrire, sans me rebuter de la réponse que vous avez faite à ma première lettre. J'y ai trop reconnu un caractère étranger et un style de ministre pour vous l'attribuer: en un mot, j'ai senti qu'elle ne venoit pas d'un esprit comme le vôtre mais quand elle en seroit venue, je ne cesserois pas pour cela de vous inviter au retour.

J'ai vu, dans une lettre que vous écrivez à mademoiselle de V***, que la vraie Eglise ne persécute pas. Qu'entendez-vous par-là, Monsieur? Entendez-vous que l'Eglise par elle-même ne se sert jamais de la

(1) C'est la seconde lettre que les Protestans ont donnée dans le petit ouvrage dont nous avons rendu compte plus haut, La Séduction éludée, pag. 22 et suiv.

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