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trouvé de vos remarques, que je ne crains point de vous donner encore la peine de faire celle-ci : je vous en serai très-obligé. Je suis avec une estime particulière, etc.

A Meaux, ce 11 juin 1686.

LETTRE CXXX.

RÉPONSE DE DOM RUINART.

Je me suis acquitté, avec le plus d'exactitude qu'il m'a été possible, de la commission dont votre Grandeur a bien voulu m'honorer, touchant la Vie de saint Ambroise écrite par Paulin. Nos pères qui travaillent à donner les ouvrages de ce saint, avoient déjà neuf manuscrits de conférés sur cette Vie. J'en ai trouvé outre cela cinq dans notre bibliothèque, que j'ai examinés; et dans tous généralement on y lit: quo accepto, ubi glutivit emisit spiritum. Les plus anciennes éditions ont la même chose. Celle de 152g donnée à Paris par Chevallon, qui est d'Erasme tout pur, a ces paroles: mais celle de 1567 donnée à Bâle, quoiqu'elle soit marquée comme donnée sur celle d'Erasme, n'a que, quod ubi accepit, emisit spiritum : ce qui fait croire que Cosserius, chanoine régulier d'Anvers, qui en est l'auteur, a le premier de tous changé cette leçon. Toutes les éditions qui ont paru depuis l'ont imité: au moins n'ai-je point vu d'autre leçon dans toutes celles qui sont ici depuis ce temps. Ceux qui ont donné les Vies des Saints se sont tenus à l'ancienne leçon. Les deux éditions de

Surius à Cologne, dont la première est de 1578, et la seconde beaucoup augmentée en 1618, ont le mot de glutivit comme les manuscrits, aussi bien que Mombritius, qui est le premier de tous qui ait donné les Vies des Saints, et peut-être le plus fidèlement. Comme il étoit de Milan, on peut croire qu'il a eu de bons manuscrits de cette illustre Eglise, touchant cette vie. Au reste, tous les manuscrits et les meilleures éditions ayant le mot de glutivit, nos pères restitueront cet endroit ; et je m'en suis assuré d'euxmêmes, après leur avoir fait remarquer cette uniformité si grande des manuscrits et des bonnes éditions.

Votre Grandeur ayant eu assez de bonté pour bien recevoir les remarques que je lui envoyai dernièrement (1), j'ai cru qu'elle me permettroit bien

(1) Les remarques que dom Thierri Ruinart avoit envoyées à Bossuet, regardent toutes la même matière: ce sont des extraits de différens auteurs, qui prouvent combien l'usage de la communion sous que seule espèce est ancien dans l'Eglise. Dom Ruinart accompagna ces extraits de la lettre suivante, qui nous fait voir avec quel soin les ouvriers que Bossuet mettoit en œuvre le secondoient dans ses travaux, et combien le prélat aimoit l'exactitude dans les recherches. « Voici ce que j'ai pu ramasser de divers » auteurs, sur le dessein que votre Grandeur a touchant la com>> munion sous une seule espèce. J'aurois souhaité que mon re» cueil eût été plus abondant, parce qu'il auroit été plus digne » d'être présenté à votre Grandeur; et j'ai de la confusion de ce » que je ne remplis pas assez l'obligation à laquelle je me suis » engagé. Néanmoins je n'ai rien négligé de ce que je croyois >> pouvoir servir à ce dessein. J'ai vu tous les auteurs dans les» quels je soupçonnois y devoir rencontrer quelque chose qui y >> eût du rapport : mais j'ai bien remarqué que des yeux plus » clairvoyans que les miens y avoient déjà passé. Je n'ai pas cru » cependant devoir laisser échapper les endroits que j'ai marqués

d'y ajouter encore deux endroits de saint Cyprien, que j'ai cru pouvoir confirmer quelques endroits des remarqués précédentes. C'est au même lieu d'où l'on tire cette célèbre histoire de la petite fille qui ne put avaler le sang de Jésus-Christ, où saint Cyprien exprime par le mot d'Eucharistia l'espèce du vin : ce qui se prouve non-seulement par le mot de calix qui précède; mais encore par celui de potus qui suit: De sacramento calicis infudit..... In corpore atque ore violato Eucharistia permanere non potuit. Sanctificatus in sanguine Domini potus, de pollutis visceribus erupit (1).

L'autre est à l'occasion de ce qui est marqué dans la vie de sainte Eudocie, que l'Eucharistie se changea en feu; ce qui semble étrange. Cependant saint Cyprien rapporte un même changement immédiatement après l'histoire précédente. « Une femme » ayant tenté d'ouvrir avec des mains impures un » coffre où le corps du Seigneur étoit renfermé, » elle fut tout-à-coup arrêtée par la flamme qui » s'éleva du milieu de ce coffre ». Cùm quædam arcam suam, in quâ Domini Sanctum fuit, manibus indignis tentasset aperire, igne inde surgente deterrita est (2). Et un autre qui, ayant reçu le saint

» dans ce petit recueil; afin d'avoir au moins la consolation d'a» voir témoigné à votre Grandeur, que j'ai fait tout mon possi» ble pour lui donner quelque satisfaction. Je n'ai rien marqué » que je n'aie tiré ou conféré avec l'original; et je me persuade » que si votre Grandeur n'y trouve pas ce qu'elle souhaite, elle » aura néanmoins assez de bonté pour m'excuser, étant avec un » profond respect, etc. »

(1) Lib. de Lapsis, pag. 189, edit. Baluz.

(2) Ibid.

Sacrement en mauvais état, « ne put ni toucher ni >> manger le corps du Seigneur, et qui ne trouva » que de la cendre dans ses mains ». Sanctum Domini edere et contrectare non potuit; cinerem ferre se, apertis manibus, invenit (1). Les auteurs de la dernière édition d'Angleterre avouent ici qu'on gardoit l'Eucharistie; mais prétendent renverser la transsubstantiation, ne croyant pas qu'on puisse admettre que Jésus-Christ ait pu être changé en cendre, en supposant faussement que l'Eglise croit que la substance du corps de Jésus-Christ fût devenue en cette occasion de la cendre. J'ai cru que votre Grandeur ne trouveroit pas mauvais que j'ajoutasse ici cet endroit, étant avec un très-profond respect et une soumission entière, etc.

De l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, à Paris, ce 14 juin 1686.

LETTRE CXXXI (2).

DE MILORD PERTH.

Sur l'état des affaires de la religion dans les trois royaumes, et particulièrement en Ecosse. Combien le lord estimoit les écrits de Bossuet, et révéroit sa personne.

Je sais qu'il n'y a point d'excuse qui puisse paroître suffisante sur ce que j'ai été si long-temps à

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(1) Lib. de Lapsis, pag. 189, edit. Baluz.

(2) Cette lettre en suppose une que Bossuet avoit écrite au duc de Perth, mais qui ne nous est point parvenue. La lettre du lord ne marque pas l'année où elle a été envoyée : toutefois il est clair qu'elle doit être de 1686; car il y est fait mention de la Lettre

vous répondre, après avoir reçu de vous une lettre si obligeante et si excellente. Outre toutes les autres raisons que vous aviez d'attendre de moi une prompte réponse, et de très-humbles remercîmens, j'y étois particulièrement obligé par le respect que je vous dois, ayant l'honneur d'être votre fils. Mais permettez-moi de vous rendre compte d'une partie des occupations que j'ai eues durant ce dernier mois; et j'espère qu'au lieu d'être en colère contre moi, vous serez touché de quelque compassion.

Je ne doute pas que vous ne connoissiez le naturel inquiet de mes compatriotes, particulièrement lorsqu'ils peuvent couvrir leurs brouilleries du prétexte spécieux de la religion. Chacun peut juger si jamais gens de tête légère et de sang chaud, ont eu de plus beaux moyens de pousser leurs mauvais desseins aux dernières extrémités et à la violence. Un prince actif, zélé, hardi à entreprendre, et qui, par ce qu'il a souffert constamment pour sa religion, a convaincu le monde de sa sincérité, et de l'intérêt qu'il prend à l'avancement de la religion catholique, est monté sur le trône. Un royaume (1), des trois qui lui sont soumis, est présentement presque tout catholique. Dans le plus grand (2) et le plus florissant des trois, le nombre des catholiques n'est pas tout-à-fait méprisable. Notre pays (3), qui est le moins étendu et le moins fertile, a néanmoins un grand nombre d'hommes hardis, et attachés à leurs sentimens au-delà de ce qu'on peut dire, quand pastorale sur la Communion, que le prélat avoit adressée cette année aux nouveaux convertis.

(1) Le royaume d'Irlande.➡ (2) Celui d'Angleterre. — (3) L'Ecosse.

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