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ils sont une fois convaincus de quelque chose. Les quartiers les moins accessibles, où les peuples sont plus belliqueux, sont la plupart convertis; ou bien il y a lieu d'espérer que lorsque la vérité leur sera proposée, elle y fera de grands progrès avec la bénédiction de Dieu; parce que le Roi est maître de toutes les terres de la comté d'Argyle, et que les autres appartiennent la plupart au duc de Gordon, qui y a de grands biens, au comte de Stafford et à moi. Les épiscopaux ne sont pas fort violens, et les affaires paroissent assez bien disposées pour triompher de l'erreur.

à tous

Ces choses inspirent une espèce de rage aux presbytériens, qui font la secte la plus nombreuse d'Ecosse, quoiqu'elle soit subdivisée en plusieurs autres branches de fanatiques. Elle est telle, qu'ils ne se contenteroient pas de couper la gorge les catholiques, s'autorisant sur le commandement que Dieu fit autrefois de détruire les Amalécites; mais qu'ils seroient aussi capables de tremper leurs mains sacriléges dans le sang de leur souverain, et de réitérer dans la personne du fils, le parricide barbare qu'ils commirent en la personne du Roi son père. Ils se tiennent en repos au logis, parce qu'ils n'osent faire autrement; mais ils tâchent d'exciter l'Angleterre. Ce royaume est moins facile à émouvoir; parce que, considérant ses lois qui sont assez favorables aux sujets, les peuples y sont plus soigneux à ne pas passer les bornes que ces mêmes lois donnent aux devoirs des sujets envers leurs rois. Ainsi ils ne se laissent pas aisément émouvoir par des suggestions mal fondées de crainte et de ja

lousie, pour commencer une rebellion de laquelle les Ecossais espéreroient un si grand avantage. Néanmoins, pour essayer si ceux qui ont dessein de faire leur devoir, en servant les catholiques, peuvent être détournés de bien faire, ils mettent en usage toutes sortes de menaces; et ils disent que s'il arrive quelque notable changement, aucun catholique n'échappera; parce que, selon les lois, entendre la messe et travailler à convertir quelqu'un à la foi catholique, sont crimes de haute trahison.

Les choses étoient en cet état, lorsque le Roi jugea à propos de convoquer son parlement d'Ecosse; afin que, par son moyen, il pût abroger les lois contre les catholiques, et leur assurer au moins ainsi leurs biens et leurs vies. J'étois d'un avis contraire et je m'opposois à cette convocation par des raisons qui n'ont encore été réfutées par personne. Je savois que le Roi, par ses prérogatives, avoit assez de pouvoir pour faire plus qu'il ne demandoit au parlement qu'un acte du parlement décideroit ce qui étoit actuellement en question; et que tous les actes qui établiroient seulement quelque repos aux catholiques et rien davantage, étoient autant d'exceptions par lesquelles la règle étoit confirmée de plus en plus, en tous les points qui n'étoient pas compris dans cette même exception : qu'un prince protestant renverseroit bientôt un acte semblable; au lieu qu'aucun prince n'étoit propre à disputer si l'usage que quelqu'un de ses prédécesseurs avoit fait de quelque point contesté de ses prérogatives royales, étoit légitime ou non; parce que la

posses

sion en est trop douce, pour être abandonnée comme

n'étant d'aucune utilité. Ainsi je ne fus pas fâché, lorsque le parlement refusa de consentir à ce qui lui étoit proposé. Présentement le Roi est convaincu de la vérité de ce que je lui disois; et l'Ecosse est effrayée de voir que Sa Majesté fait beaucoup plus que ce que le parlement lui a refusé.

Je vous rends compte de tout ce détail, afin de vous faire voir en quel état j'étois lorsque j'ai reçu votre lettre. Depuis ce temps-là, jusqu'à présent que le Roi mon maître m'a mandé pour recevoir ses ordres, touchant le gouvernement du royaume pour l'avenir, mon emploi a été beaucoup au-dessus de mes forces. Car milord grand commissaire étant un homme peu versé dans les affaires de cette nature, et ayant plus de réputation par son zèle pour le service du Roi que par sa capacité; l'avocat du Roi, qui est chargé de soutenir les intérêts de Sa Majesté dans les débats et conférences du parlement, ayant par sa mauvaise conduite obligé le Roi de lui ôter sa charge; milord greffier, autre officier très-nécessaire, et le principal homme d'affaire pour Sa Majesté étant tombé malade, je me suis trouvé chargé du poids de toutes les affaires : ainsi je me suis vu obligé d'étudier toutes les nuits ce que j'avois à faire le lendemain. J'ai eu à répondre à toutes les objections proposées contre nous, et à donner tous les ordres nécessaires. C'est pourquoi il m'a été impossible avant ce temps-ci d'avoir l'honneur de m'acquitter de ce que je vous dois.

Si je vous rends compte de tout le détail des occupations que j'ai eues ces derniers mois, c'est que je suis sûr que personne de ceux qui me connoissent

n'auroit cru que j'eusse pu soutenir un si grand fardeau d'affaires aussi fâcheuses, ni en venir à bout parmi la contradiction et la malice des uns, jointe à la négligence et aux fourberies des autres. Car si on en excepte le duc de Gordon en Ecosse, et en 'Angleterre mon frère, qui est votre très-humble serviteur, je n'ai eu aucun secours de personne. Mais espérant que ce que je vous ai dit servira à justifier mon silence, je commencerai à vous rendre de très-humbles grâces du souvenir charitable que vous avez eu d'un pauvre malheureux comme moi. Je vous ai déjà dit, et je ne puis le répéter assez souvent, que vous ne pouvez me donner de plus grandes marques de votre bonté que de prier souvent pour moi, et de me donner votre bénédiction avec un cœur aussi plein de tendresse : ce qui m'est tellement cher, que je puis vous. l'exprimer.

Je n'ai pas encore reçu votre excellente Lettre pastorale (1), ni l'Oraison funèbre (2) que vous m'avez envoyée; parce que le paquet étant trop gros pour la poste, il a été envoyé par une autre voie et qu'il n'est pas encore arrivé. J'ai néanmoins à présent la lettre en anglais : elle m'a donné une grande joie et une pareille édification. Je l'ai déjà fait imprimer à Edimbourg : car tous vos ouvrages font un tel effet sur moi, que je ne suis pas en repos jusqu'à ce que je les aie rendus publics pour l'avantage des autres. Si tous ceux qui les lisent y profitent autant que j'ai fait, j'aurai une grande joie

(1) Aux nouveaux convertis sur la Communion paschale.

(2) Probablement celle de Michel le Tellier, chancelier de France, prononcée le 25 janvier 1686.

de les avoir fait publier, par plusieurs raisons; entre autres, parce que votre grand mérite et vos rares qualités seront ainsi parmi nous en grande vénération comme en effet personne ne vous peut connoître, sans avoir pour vous une estime qu'il n'est pas possible d'exprimer.

Je suis fâché de ne pouvoir encore vous envoyer quelques mémoires de ce qui s'est passé ici dans la naissance de l'hérésie, parmi notre nation. Le chevalier Robert Silbald, qui a un excellent recueil de tous ces mémoires, en partie par mon moyen, est retombé dans son erreur, qu'il avoit quittée avec tant de zèle. Je crains qu'il ne fasse difficulté de me donner ces papiers qui fournissent un grand argument contre lui-même. J'avois dessein de vous rendre compte ici de la malheureuse apostasie de ce misérable: mais vous en serez informé parfaitement dans quelques semaines par le précepteur de mon fils, à qui j'espère que vous voudrez bien donner votre bénédiction, lorsqu'il aura l'honneur de vous aller baiser les mains: c'est pourquoi je ne vous importunerai pas de ce récit. J'ajouterai seulement que le Roi a résolu de me donner assez d'autorité en Ecosse, et des ordres si précis pour avancer la religion catholique, qu'il y a sujet d'espérer que les affaires iront assez bien. Vous serez informé de temps en temps de nos difficultés, et du progrès que nous ferons. Je serai souvent obligé dans mes peines d'avoir recours à votre charité, pour vous demander vos avis, vos prières et votre bénédiction, que je vous demande présentement prosterné à vos pieds. Quoique je sois indigne de cet honneur, je suis néanmoins

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