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LETTRE CXXXVI.

DU MÊME.

Il lui raconte la manière dont le livre de l'Exposition lui est parvenu, lui parle de son frère et de l'état des Catholiques d'Ecosse, le consulte sur les moyens d'étendre la vraie foi, et l'entretient de son fils avec de grands sentimens de reconnoissance et de religion.

LES obligations que je vous ai sont, il y a déjà long-temps, au-delà de tout ce que je pourrois faire pour vous donner des preuves de ma reconnoissance, et du désir que j'aurois de vous la témoigner. Mais puisque c'est pour l'amour de Dieu que vous continuez à me donner de nouvelles marques de votre charité et de votre tendresse, je prie tous, les jours sa divine bonté de vous en récompenser mille fois au-delà de ce que je pourrois faire pour vous témoigner combien je suis reconnoissant. Celui qui, par sa miséricorde envers moi, vous a inspiré pour moi une tendresse paternelle, peut seul donner la récompense de tout ce qu'il excite à faire pour lui; et j'espère avec une entière confiance qu'il le fera, non-seulement pour les offices de charité dont vous nous comblez tous les jours moi et mon fils, mais encore plus pour les avantages que sa sainte Eglise reçoit tous les jours de votre savante, pieuse, judicieuse et éloquente plume.

J'ai fait tout nouvellement imprimer ici votre livre de l'Exposition de la Foi et votre Lettre pastorale. J'espère avoir tous les jours de quoi vous

entretenir sur les bons effets de cette publication. Je souhaite que le premier de ces deux ouvrages ait ici le même effet sur les autres qu'il a eu sur moi. Je remercie Dieu tous les jours de ce qu'il est tombé entre mes mains, d'autant plus qu'il est fort remarquable que ce fut un ministre qui me l'envoya, comme un livre plus propre à satisfaire la curiosité, qu'à déterminer le jugement en matière de religion. Mais lorsque les hommes ne songent qu'à leur divertissement, Dieu tout-puissant le change quelquefois en quelque chose de plus sérieux: et saint Augustin n'ayant d'autre dessein que d'écouter avec plaisir l'éloquence de saint Ambroise, remporta la semence des scrupules qu'il jeta dans son cœur; et qui, par un miracle, étant venus à maturité, produisirent le fruit d'une parfaite conversion.

Mon frère Melford vous est infiniment obligé de la bonté que vous avez pour lui, et de l'espérance que vous témoignez qu'il continuera aussi bien qu'il a commencé. Je suis obligé d'avouer que si j'avois à proportion autant de bonnes qualités que lui, j'espérerois, avec la grâce de Dieu, faire ici quelques progrès: non-seulement j'en suis fort éloigné; mais encore je suis honteux de me trouver, comme le fou dont parle Salomon, à qui on a mis entre les mains quelque chose de grand prix, dont je ne sais pas faire tout l'usage que je pourrois. Que ne feroient pas quelques personnes dans le poste où je suis? Mais hélas! quand je considère ce que je dois à Dieu, à ma patrie engagée dans l'erreur, au service du Roi, et à cette sainte société de laquelle je suis, quoique le dernier, et aux Catholiques de ce pays,

où il n'y en a point; faisant en sorte que quelques personnes, par principe de conscience ou par intérêt, protégent ceux qu'on y pourroit établir, et d'expérimenter ainsi le succès que Dieu voudroit donner à leurs travaux.

J'ai ensuite demandé qu'on écrivit à tous les ecclésiastiques dispersés dans le royaume; afin qu'ils m'envoient des listes de tous les catholiques qui sont dans les lieux de leur établissement, et qui seroient capables de servir Sa Majesté dans les Cours de justice, ou dans le commandement des troupes, comme aussi de tous ceux qui sont pauvres; afin que Sa Majesté puisse pourvoir à leurs besoins. J'ai ensuite voulu m'informer dans toutes les provinces de ce royaume, combien on trouve de ministres convaincus de la vérité de la religion catholique, et qui ne demeurent attachés à la protestante que pour conserver leurs appointemens; afin qu'on pût les instruire de la méthode dont ils pourroient se servir dans leurs sermons, pour tâcher de préparer les peuples à leur conversion.

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Enfin j'ai prié ces ecclésiastiques que s'il arrivoit par méprise quelque inconvénient, ils me fissent l'honneur de me consulter, s'ils m'en. jugeoient capable, comme un homme plus versé dans les affaires du monde qu'ils ne pouvoient l'être qu'ainsi j'espérois, avec le secours de Dieu, trouver moyen d'accommoder toutes les affaires qui pourroient survenir entre des hommes si pieux et si raisonnables, avant qu'elles fissent du bruit dans le monde. De cette manière, tout indigne et incapable que je sois, je me trouve chargé d'un assez grand ouvrage.

Je vous expose toutes ces choses, Monseigneur; afin que, comme un médecin, quoique savant et habile, ne peut donner des remèdes convenables sans être pleinement informé de la constitution de son malade et des symptômes de sa maladie, vous soyez informé de l'état des choses, pour pouvoir proposer ce que vous jugerez le plus convenable à l'avancement de notre sainte religion en ce pays-ci, par rapport à notre état et aux circonstances présentes. Si vous le jugez à propos, vous m'enverrez vos avis tournés en telle manière, que je puisse mettre entre les mains du Roi mon maître ce que vous m'écrirez.

Vous voyez, mon très-révérend Seigneur, la liberté que je prends. Mais depuis que notre Seigneur vous a fait l'instrument de ma conversion, j'ai considéré que la qualité de fils me donnoit une liberté à laquelle je n'aurois pas osé autrement prétendre auprès de vous: outre que la matière est trèsimportante, et que je ne vous demande votre secours qu'avec de très-humbles prières, et pour l'amour de notre Seigneur ainsi j'espère que vous me pardonnerez.

La bonté que vous témoignez à mon pauvre enfant est une obligation qui pénètre la partie la plus sensible de mon cœur. S'il s'en rend digne, il accomplira tous les souhaits que je fais pour lui. Il a beaucoup de périls et de piéges à éviter, étant justement dans le temps le plus dangereux de sa vie. Votre charité, votre bénédiction et vos prières seront de forts liens pour le tenir dans le devoir. La plus grande charité que vous lui puissiez faire, c'est

ci, je ressens une extrême confusion : si peu de zèle, si peu de forces, si peu de secours, tant d'oppositions et si peu de gens qui m'assistent, sont des considérations qui ne me donnent guère de consolation.

Les Catholiques qui sont ici peuvent dire avec saint Paul, qu'ils sont exposés comme en spectacle. Ils sont en petit nombre; et leurs saintes maximes sont si peu connues, qu'on regarde comme des monstres ceux qui tiennent de semblables maximes. Ils ne s'accordent pas même fort bien ensemble, faute de s'appuyer l'un l'autre; et nous avons assez de peine à nous maintenir tous dans une parfaite union. Les uns veulent être de saint Paul, et les autres d'Apollo. Nous en avons peu qui aient assez renoncé à eux-mêmes, pour remercier Dieu de ce que personne n'a aucun juste sujet de se servir de son nom, pour couvrir son attachement à ce qui passe pour une espèce de faction.

Le Roi a invité les Bénédictins et les Capucins de venir ici travailler dans la vigne de Notre-Seigneur, dont ce pays est au moins un petit coin; mais qui est bien rempli de ronces et de mauvaises herbes. Les Jésuites y sont presque en aussi grand nombre que les ecclésiastiques y étoient auparavant : ainsi les gens d'Eglise y seront en fort grand nombre. Mais comme ils font chacun un corps séparé, et qu'ils ne prennent point de mesure ensemble, cela pourra produire une manière de procéder qui n'aura pas le même effet, que si tous agissoient de concert, afin d'éviter le bruit et les méprises. Cependant chacun de ces corps en particulier a plus d'avantage que le clergé; parce qu'ils se réunissent tous sous leurs su

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