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périeurs au lieu que le clergé n'a point de chef, și ce n'est un fort homme de bien, qui s'étant malheureusement engagé dans la conduite des affaires temporelles du duc de Gourdon, il est, ce semble, trop tard pour espérer qu'il puisse se dégager d'un tel labyrinthe. C'est pourquoi, mon très-illustre et très-charitable seigneur, permettez-moi d'avoir recours à vous pour vous demander votre avis, par charité et pour l'amour de Jésus-Christ; afin que nous puissions ensuite avoir recours au Roi, pour apporter les remèdes nécessaires au mal sous le poids duquel nous gémissons présentement.

J'ai déjà prié les missionnaires qui sont ici, tant les ecclésiastiques séculiers que les Jésuites, de venir dîner avec moi tous les samedis, qui est le seul jour de la semaine auquel j'ai quelque loisir, les autres étant employés aux affaires. J'y ai destiné ce jour, parce que je crois que cela pourra être de quelque utilité. Après le dîner, nous lisons ensemble les nouvelles que nous recevons de tous les coins de ce royaume. Ils sont demeurés d'accord que je proposerois la méthode que nous devions tenir dans notre assemblée. D'abord nous avons proposé les moyens d'établir des ecclésiastiques dans les lieux où il y a d'anciens catholiques, et de choisir ceux qui sont les plus capables d'avancer l'Evangile de Jésus-Christ. Je me suis chargé de procurer de petites pensions pour les familles qui ne pourroient pas entretenir des ecclésiastiques sans cette assistance; et de cette manière, les choses pourront devenir en meilleur état que par le passé. Ensuite nous avons songé aux moyens d'établir des ecclésiastiques dans les lieux

où il n'y en a point; faisant en sorte que quelques personnes, par principe de conscience ou par intérêt, protégent ceux qu'on y pourroit établir, et d'expérimenter ainsi le succès que Dieu voudroit donner à leurs travaux.

J'ai ensuite demandé qu'on écrivît à tous les ecclésiastiques dispersés dans le royaume; afin qu'ils m'envoient des listes de tous les catholiques qui sont dans les lieux de leur établissement, et qui seroient capables de servir Sa Majesté dans les Cours de justice, ou dans le commandement des troupes, comme aussi de tous ceux qui sont pauvres; afin que Sa Majesté puisse pourvoir à leurs besoins. J'ai ensuite voulu m'informer dans toutes les provinces de ce royaume, combien on trouve de ministres convaincus de la vérité de la religion catholique, et qui ne demeurent attachés à la protestante que pour conserver leurs appointemens; afin qu'on pût les instruire de la méthode dont ils pourroient se servir dans leurs sermons, pour tâcher de préparer les peuples à leur conversion.

Enfin j'ai prié ces ecclésiastiques que s'il arrivoit par méprise quelque inconvénient, ils me fissent l'honneur de me consulter, s'ils m'en. jugeoient capable, comme un homme plus versé dans les affaires du monde qu'ils ne pouvoient l'être : qu'ainsi j'espérois, avec le secours de Dieu, trouver moyen d'accommoder toutes les affaires qui pourroient survenir entre des hommes si pieux et si raisonnables, avant qu'elles fissent du bruit dans le monde. De cette manière, tout indigne et incapable que je sois, je me trouve chargé d'un assez grand ouvrage.

Je vous expose toutes ces choses, Monseigneur ; afin que, comme un médecin, quoique savant et habile, ne peut donner des remèdes convenables sans être pleinement informé de la constitution de son malade et des symptômes de sa maladie, vous soyez informé de l'état des choses, pour pouvoir proposer ce que vous jugerez le plus convenable à l'avancement de notre sainte religion en ce pays-ci, par rapport à notre état et aux circonstances présentes. Si vous le jugez à propos, vous m'enverrez vos avis tournés en telle manière, que je puisse mettre entre les mains du Roi mon maître ce que vous m'écrirez.

Vous voyez, mon très-révérend Seigneur, la liberté que je prends. Mais depuis que notre Seigneur vous a fait l'instrument de ma conversion, j'ai considéré que la qualité de fils me donnoit une liberté à laquelle je n'aurois pas osé autrement prétendre auprès de vous: outre que la matière est trèsimportante, et que je ne vous demande votre secours qu'avec de très-humbles prières, et pour l'amour de notre Seigneur ainsi j'espère que vous me pardonnerez.

La bonté que vous témoignez à mon pauvre enfant est une obligation qui pénètre la partie la plus sensible de mon cœur. S'il s'en rend digne, il accomplira tous les souhaits que je fais pour lui. Il a beaucoup de périls et de piéges à éviter, étant justement dans le temps le plus dangereux de sa vie. Votre charité, votre bénédiction et vos prières seront de forts liens pour le tenir dans le devoir. La plus grande charité que vous lui puissiez faire, c'est

d'exercer sur lui votre autorité paternelle, comme vous l'avez toute entière sur le père. J'espère qu'il se souviendra de ce que le Roi eut la bonté de lui dire à son départ. Je souhaite qu'il le puisse faire, d'autant plus que j'apprends que M. Vallacé fait de son côté ce que Sa Majesté lui a dit : il en aura tout le bonheur, et moi toute la joie. Je vous avoue que je tremble pour cet enfant, quoique ce ne soit pas pour sa conservation, puisque la vie du monde ne dure qu'un moment; mais c'est pour son ame. Que je m'estimerois heureux, s'il savoit tout le prix de son innocence, et ce que c'est que d'être en grâce avec Dieu! Mais sa divine puissance suffit à toutes

choses.

J'ai bien de la joie de ce que vous approuvez le choix que j'ai fait, en le mettant entre les mains de M. Innes. J'ose dire que si vous pénétriez au fond du cœur de ce digne ecclésiastique, vous l'approuveriez encore davantage : car il a une piété solide sans affectation, et un si grand zèle pour la gloire de Dieu, que j'ai passé quelquefois cinq heures entières avec lui, sans croire presque que la conversation eût duré un quart-d'heure. Mais il est accablé des affaires de son collége, qui se trouve fort incommodé par les dernières réparations de la rue, qui en ont fort diminué les rentes, et l'ont presque entièrement détruit. Si par votre grand crédit vous pouvez procurer à cette pauvre maison quelque grâce du Roi, qui a secouru avec tant de générosité et de bonté nos Jésuites écossais de Douay, ce sera une grande œuvre de charité, et un moyen de fournir à ce pays un secours de missionnaires prêts

à tout événement. Je vous demande très-humblement pardon, monseigneur, de vous avoir fait ma lettre si longue je la prolongerai seulement encore pour vous demander, prosterné à vos pieds, votre bénédiction, étant, etc.

Edimbourg, ce 15 janvier 1687.

LETTRE CXXXVII.

A M. L'ÉVÊQUE DE SAINTES.

Il répond à différentes questions sur les Protestans qui ne reviennent point sincèrement à l'Eglise.

PREMIÈRE PROPOSITION. Si nous pouvons consentir qu'on amène par force aux mystères, c'est-à-dire, à la messe, des gens qui disent tout haut qu'ils ne la croient pas.

RÉPONSE. Je crois comme vous qu'avec une telle déclaration, il faudroit plutôt les chasser de l'Eglise que les y faire venir : mais quand ils ne disent mot, et qu'ils sont contraints d'y venir par une espèce de police générale, pour empêcher le scandale des peuples, encore qu'on présume et même qu'on sache d'ailleurs qu'ils n'ont pas la bonne croyance, on peut dissimuler par prudence ce qu'on en sait, tant pour éviter le scandale, que pour les accoutumer peu à peu à faire comme nous.

II. PROPOSITION. Si on peut donner les sacremens à ceux qui, ayant toujours dit qu'ils ne croient rien de la religion catholique, veulent bien pourtant se confesser, mais non communier près de la

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