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Le saint apôtre a développé ce mystère de la cause des divisions, comme Salomon l'avoit fait longtemps auparavant ; et il nous a dit que notre gloire devoit être à tâcher d'être assez humbles pour imiter l'exemple de notre Seigneur, et qu'ainsi nous ne trouverons que de légères tentations: de sorte que nous ne nous intéresserons pas plus qu'il ne faut à être sous un chef, d'un corps séparé du reste des hommes, borné par les limites de certaines règles et constitutions, et qui se prétend exempt de ses supérieurs naturels, ou à marcher dans l'ancienne voie en obéissant à nos pasteurs apostoliques. Ce n'est pas que je croie que le choix soit égal; car certainement le plus sûr est le meilleur mais je veux dire que si nous pouvions rendre les choses égales par notre choix; nous devrions nous attacher trèspeu à tous les motifs des passions humaines, qui entrent dans quelque part de cette affaire.

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J'avoue que je trouve plus étonnant qu'un religieux devienne un saint, que je ne m'en étonne d'un paysan. Ce ne sont pas les règles ni les modes qui mènent au ciel et à mon avis Thomas à Kempis n'auroit pas travaillé à empêcher qu'un pays ne reçût les bénédictions attachées à l'établissement d'un bon évêque pour y gouverner l'Eglise, afin de conserver ce gouvernement dans sa congrégation. L'état présent de nos affaires me donneroit lieu de faire sur ce sujet plusieurs semblables réflexions douloureuses. Cependant je suis obligé de dire que les religieux parmi nous sont de fort bonnes gens: mais la moindre chose leur fait ombrage; et ils sont si entêtés de leur ordre, que cela les empêche d'exa

miner les choses avec exactitude. Car je suis sûr qu'ils sont fort capables d'être employés et très-disposés à s'appliquer à tout ce qui concerne le bien de l'Eglise, lorsque ce zèle pour leur corps ne les en détourne pas. Mais il faut prendre patience, prier, et être content que la sainte volonté de Dieu soit faite.

Je dois dans chaque lettre vous remercier trèshumblement des grandes obligations que je vous ai, pour la grande bonté que vous témoignez à mon fils. Je suis fort aise que vous soyez content de ceux qui ont soin de son éducation. Je suis sûr qu'ils l'aiment, et que c'est un grand moyen pour les rendre soigneux, pourvu que l'amitié ne dégénère pas en une trop grande complaisance. La bonté que vous leur témoignez leur donne beaucoup de courage à bien faire; et je suis fort assuré qu'il n'y a personne au monde qui vous honore davantage. Madame de Croly ma belle-sœur, qui porte cette lettre, vous rendra compte, quand elle aura l'honneur de vous voir, de l'état des affaires de notre Eglise. Je n'ai plus rien à ajouter, Monseigneur, sinon de me prosterner à vos pieds, pour vous demander très-humblement votre bénédiction, en vous témoignant ma reconnoissance des obligations infinies que je vous ai, et en vous assurant que je serai jusqu'au dernier soupir, etc.

Ce 4 septembre 1687.

LETTRE

LETTRE CXLI.

A M. DE RANCÉ, ABBÉ DE LA TRAPPE.

Sur le Commentaire du P. Mege, qui combattoit plusieurs des sentimens de l'abbé de la Trappe.

Il y a quelques jours, Monsieur, qu'on m'a donné avis que le P. Mege, de la congrégation de Saint-Maur, alloit publier une version de la règle de saint Benoît avec quelques notes, où le livre de la Vie monastique étoit attaqué en trois ou quatre endroits. J'avois su que M. l'abbé de Lamet et M. le curé de Saint-Laurent s'étoient excusés, par cette raison, de l'approuver. En même temps, j'écrivis de Versailles, où j'étois, au P. prieur de Saint-Germain, qu'il me sembloit que cet ouvrage feroit tort à la piété en général, et en particulier à la congrégation de Saint-Maur; et je le priois de donner avis de cette affaire au P. général, afin qu'il en empêchât le cours. Le P. prieur m'envoya avec sa réponse une Lettre du P. Mege, à qui j'écrivis, et de qui je reçus une seconde lettre. Je vous l'envoie avec la première; et par-là vous pourrez juger de ce que j'avois écrit.

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J'arrivai avant-hier de Versailles; et ayant donné avis de mon arrivée à l'abbaye Saint-Germain, le P. Mege me vint voir hier. Nous convînmes qu'après que les Pères de la congrégation, qui doivent revoir son ouvrage, auront fait les changemens qu'il faudra, on me fera voir le tout; et que nous BOSSUET. XXXVII. 25

tâcherions par ce moyen, en vous en donnant avis, de finir cette affaire à l'amiable. Je vois que tout roule principalement sur le silence, sur les humiliations et sur les études (1). Ce Père ajouta qu'il y avoit beaucoup d'endroits du livre où vous les aviez fort maltraités et m'ayant dit qu'il savoit que vous deviez de votre côté faire imprimer une version de la règle avec des notes, et qu'il vous prioit de ne plus maltraiter sa compagnie; je l'assurai fort que vous étiez très-éloigné de cette pensée. Il me dit qu'il me donneroit les endroits; et nous nous séparâmes fort honnêtement. J'ai averti M. l'abbé Jannen de tout cela; afin qu'après mon départ, qui sera demain, il puisse porter les paroles qu'il faudra, suivant les instructions que je pourrai lui envoyer de mon diocèse. Voilà, Monsieur, l'état où je laisse cette affaire : je veillerai à la suite. Je n'ai pas jugé à propos de prendre aucunes mesures avec

M. le chancelier, ni de rien dire à M. de Rheims, qui se seroit peut-être plus échauffé que je n'ai fait. Je vous prie de me renvoyer les lettres du Père, quand vous m'en aurez dit votre sentiment. Je suis, Monsieur, à vous comme vous savez.

Le livre est imprimé; mais on fera des cartons. A Paris, ce 4 octobre 1687.

(1) Dom Mege s'est appliqué dans son Commentaire à prouver que saint Benoît n'a pas ordonné, comme le soutenoit l'abbé de la Trappe, un silence absolu et perpétuel à ses moines, qu'il n'a pas approuvé les humiliations fondées sur des imputations arbitraires, ni condamné les études monastiques.

LETTRE CXLII.

AU MÊME.

Il l'instruit de la publication du Commentaire du P. Mege, et lui marque ce qu'il convient de faire dans cette circonstance.

Je ne me suis pas trouvé ici, Monsieur, quand un religieux de Fontevrault y a apporté l'explication de la règle de saint Benoît. M. l'abbé Fleury l'a reçue en mon absence, et je la reçois à présent avec votre lettre du 28 octobre. Le P. général de SaintMaur m'a écrit que son intention étoit de supprimer par mes conseils le livre du P. Mege (1), et de faire faire sur la règle quelque chose de plus correct. J'apprends la même chose par une lettre du P. Mege, qui se justifie en même temps de l'envoi des exemplaires dans les provinces, en rejetant la faute sur son libraire qui l'a fait à son insu. Je ne me paierai pas de cette excuse, et je m'en plaindrai au P. général. Mais ce qu'il y a de meilleur à faire, c'est d'imprimer au plus tôt votre Explication : je ne perdrai pas de temps à la voir, si vous êtes toujours dans la pensée que je l'approuve. Tout ce qu'on pourra faire pour diligenter, c'est d'envoyer toujours à l'imprimeur pendant que j'acheverai la lec

(1) En effet, comme nous l'avons déjà dit, les sollicitations vives et pressantes de Bossuet portèrent la diète annuelle de 1689, à condamner le Commentaire du P. Mege, par un réglement qui en interdisoit la lecture aux religieux de la congrégation.

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